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Annales des Mines – Réalités Industrielles : l’économie de l’or

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Sortie du numéro de novembre des Annales des Mines – Série Réalités Industrielles : l’économie de l’or. Coordonné par Françoise ROURE et Serge CATOIRE.
 
La série Réalités Industrielles publie trimestriellement des dossiers thématiques sur des sujets importants pour le développement industriel et économique. Piloté par un spécialiste du secteur sous l’égide du Comité de rédaction de la série, chaque dossier présente une large gamme de points de vue complémentaires, en faisant appel à des auteurs issus à la fois de l’enseignement et de la recherche, de l’entreprise, de l’administration ainsi que du monde politique et associatif.
 

Introduction de Françoise ROURE, Conseil général de l’économie :
 
« L’or est depuis des temps immémoriaux chargé symboliquement d’une valeur incommensurable entre, d’une part, celle qui lui est attribuée au plan fiduciaire et, d’autre part, celle qui résulte de l’usage de cette matière pour ses propriétés physico-chimiques et sa biocompatibilité, pour son potentiel technique aux échelles macro, micro et nanométrique, dans l’art et les civilisations. Présent dans les processus industriels et énergétiques, ainsi que dans les applications de santé, l’or est produit à plus de 3 000 tonnes par an, le stock d’or extrait et transformé étant estimé à 180 000 tonnes. S’intéresser à l’or – cette « relique barbare », selon John Maynard Keynes (1) –, et plus particulièrement à l’économie de l’or au XXIe siècle, pourrait paraître désuet depuis que l’application des accords de Bretton Woods relatifs au système financier international post Seconde Guerre mondiale s’est achevée le 15 août 1971, avec la fin de la convertibilité du dollar – la monnaie dite de réserve du XXe siècle – en or. Pourtant, la quête aliénante de l’or, synonyme d’éternité, de pouvoir et de puissance, est toujours vivace au XXIe siècle, avec un mélange d’attraits à la fois alchimique, magique, festif, rituel et démonstratif, un imaginaire signifié dans les arts et les bijoux, mais aussi, plus prosaïquement, un bel et bon nerf historique de la guerre et de son anticipation à travers les comportements d’épargne de précaution des ménages. Du côté monétaire et financier, la valeur de l’or s’élève avec l’anticipation de chocs tels que l’hyperinflation, les taux d’intérêt négatifs ou encore une évolution défavorable du régime fiscal. Alan Greenspan, ancien président de la Federal Reserve américaine, considère l’or comme la devise primaire mondiale, parce que c’est la seule qui ne nécessite aucune signature en contrepartie (2). Toutefois, toutes les transactions sur l’or ne sont plus aujourd’hui nécessairement liées à la propriété de l’or physique, c’est notamment le cas sur le marché des Exchange Trade Funds (ETFs) sur l’or – ou fonds d’or ETF –, qui, depuis 2004 (date de leur création), ont pour finalité de faciliter l’accès au marché de l’or à des investisseurs souhaitant diversifier leurs actifs sans prendre livraison de l’or physique. De ce fait, l’or auquel ces marchés sont adossés ne peut pas être considéré comme une véritable valeur refuge en cas de crise généralisée. Du côté de l’or-matière, la Chine, avec 450 tonnes par an, est devenue depuis 2017 le premier producteur d’or, loin devant l’Australie, la Russie, les États-Unis, l’Afrique du Sud et le Mexique. Le recyclage des produits électroniques peine à apporter une contribution significative à l’offre d’or, dans un marché caractérisé par la croissance de la demande des banques centrales qui étoffent la part de leurs réserves en or depuis la crise financière de 2008. Pour l’Union européenne, 27 % des réserves de la Banque centrale européenne (BCE) étaient en or, en 2016. La demande privée d’or physique reste soutenue, et ce plus à des fins d’épargne de précaution que spéculatives, qu’il s’agisse ou non de joaillerie. Celleci représente, selon le Conseil mondial de l’or (World Gold Council), de l’ordre de 50 % de l’usage d’or physique, pour une valeur estimée à 3,6 trillions de dollars pour 90 000 tonnes. Les réserves officielles publiques des banques centrales sont, en comparaison, de l’ordre de 1,2 trillion, les pièces et lingots étant d’un montant comparable. Les fonds d’or ETF représentent, quant à eux, un marché de 86 milliards de dollars pour un stock de l’ordre de 2 430 tonnes en mai 2018, avec un acteur privé dominant qui détient un stock avoisinant les 1 500 tonnes. Enfin, une estimation de l’or physique non comptabilisé lui attribue une part de marché de l’ordre de 15 %, avec une quantité qui tendrait vers les 30 000 tonnes, ce qui met en lumière l’exploitation et les trafics illicites de l’or, favorisés par l’anonymat des transactions et la pratique du blanchiment. Les circuits parallèles prospèrent en l’absence d’une norme internationale de traçabilité bien définie qui permettrait d’identifier l’origine de l’or. Cette situation facilite tous les abus, en matière d’exploitation humaine, environnementale, d’évasion fiscale et de financement d’activités illégales, voire criminelles. Les productions non comptabilisées auraient pour origine certains pays d’Afrique subsahélienne, comme la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso, ou encore la République démocratique du Congo avec sa province Nord Kivu. Des filières de production et de commercialisation existent également dans des pays de la région des Grands Lacs, au Rwanda et en Ouganda notamment. La traçabilité de l’or est ainsi devenue un enjeu fort, auquel s’attèle, en France, l’établissement public qu’est le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), en développant, en partenariat avec le WWF (3), une approche scientifique et technique issue de ses connaissances et de son savoir-faire en tant que service géologique national.
 
Les valeurs attribuées à l’or fluctuent avec les variations du cours du lingot. Le prix de référence de l’or, traditionnellement fixé par enchères à Londres, est aujourd’hui fortement influencé par le Shanghai Gold Exchange (SGE) qui fixe le SHAU, l’unité de cotation exprimée en yuan par gramme, l’unité de négoce étant le kilogramme. La Chine, premier utilisateur mondial de l’or, déploie sur le long terme une stratégie systématique de substitution du yuan au dollar dans les transactions internationales portant sur les matières premières, les métaux critiques et les terres rares, le pétrole et l’or, et ce de manière plus soutenue depuis 2017. Ainsi Jiao Jinpu, le président du SGE, a-t-il annoncé la préparation d’« un fonds de développement du marché de l’or de la nouvelle route de la soie afin de promouvoir nos contrats or en yuans et d’encourager les acteurs à développer davantage de scénarios et de produits dérivés (4) ». L’attitude au regard du marché des pièces et des lingots varie considérablement selon la fiscalité. C’est le cas par exemple entre la France et l’Allemagne : ainsi, le marché allemand de l’or-investissement représente 120 tonnes par an, contre seulement 9 en France. Cela s’explique par le fait qu’à taux d’épargne comparable (17 % en Allemagne, 14 % en France), contrairement à la France, l’Allemagne ne taxe pas les ventes d’or sous forme de pièces, de lingotins ou de lingots, sauf si une plus-value spéculative est réalisée dans l’année… Ce numéro des Annales des Mines documente, dans un premier temps, les techniques d’exploration et d’exploitation des mines d’or, mettant en relief les contraintes physiques et financières auxquelles elles sont soumises, mais aussi les avancées scientifiques et techniques permettant de progresser vers une mine plus responsable, notamment en termes de sécurité des personnes. Trouver et exploiter la mine constituent en effet la première étape vers l’usage de l’or. Sans ces progrès vers une mine plus responsable, toute mise en œuvre d’un tel projet de société est source de difficultés suscitant inévitablement des débats publics. Ainsi la gestion de l’après-mine doit-elle être dorénavant formalisée dès la préparation du projet, une exigence environnementale explicite s’appliquant à tout le territoire français, sous peine de rejet par les riverains et les populations concernés. L’industrie et les marchés de l’or physique sont présentés dans la seconde partie de ce numéro, avec une analyse de la structure des marchés de l’or physique réalisée à partir de Minéralinfo, l’outil de veille du BRGM, et de quelques exemples d’application notamment en matière d’applications industrielles innovantes de la catalyse, ou encore d’art et de culture. La troisième et dernière partie illustre l’or monétaire et financier à travers le comportement d’épargne des ménages, le rôle des banques centrales dans la régulation des marchés et l’importance de l’or dans l’économie. Cette diversité de témoignages permettra au lecteur de se convaincre que l’or représente au-delà de son poids symbolique et de la valeur-refuge que nous lui prêtons, toute une économie réelle, depuis l’exploration minière jusqu’à ses multiples emplois industriels et commerciaux. »
 
(1) Citation : “In truth, the gold standard is already a barbarous relic”, A Tract on Monetary Reform, John Maynard KEYNES, London, Mac Millan & Co., 1924, p. 172.
(2) Gold Investor, February 2017, p. 12.
(3) WWF : World Wide Fund for Nature.
(4) Shanghai Daily du 16 octobre 2017.
 
 
 

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