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Ethique et relations internationales : des sœurs ennemies ?

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C’est bien connu. Morale et relations internationales ne font pas bon ménage. Elles relèveraient de deux logiques radicalement différentes : construction d’une vie juste pour l’une, recherche de la survie pour les autres. Une telle représentation ne résiste pas à l’analyse.

Tout d’abord, la plupart des internationalistes ne rejettent plus la dimension normative. Toujours forte aux Etats-Unis, la vague positiviste n’empêche pas l’identification de dilemmes moraux sous-jacents à toute action internationale. Les partisans de l’Ecole anglaise l’avaient bien compris comme l’attestent les écrits de Martin Wright ou bien d’Hedley Bull. Mais d’autres l’ont également intégré, y compris ceux qui paraissaient a priori hostiles aux jugements de valeur à l’instar des réalistes classiques. Il suffit de penser à Hans Morgenthau et sa promotion d’une éthique du moindre mal.

Ensuite, et plus fondamentalement encore, tout événement international peut faire l’objet d’une double appréhension. En tant que fait social qui nécessite une explication scientifique d’une part ; en tant que fait moral qui oblige à l’évaluation éthique d’autre part.

L’actualité la plus brûlante en témoigne de façon significative. Guerre en Syrie, crise ukrainienne, affaire Snowden. Au-delà des analyses qui permettent de rendre ces événements intelligibles surgissent des interrogations à caractère moral : faut-il intervenir militairement pour renverser définitivement le régime syrien ? Faut-il sanctionner la Russie à la suite de l’annexion de la Crimée et si oui, quelles seraient les sanctions justes ? Doit-on remettre en question les pratiques de surveillance au nom d’un principe de transparence ?

Toutes ces questions ne renvoient pas aux théories scientifiques au sens strict – décrire et expliquer les interactions internationales – mais aux théories normatives des relations internationales, lesquelles consistent à prescrire des conduites ou à formuler des jugements moraux. Certes, sphère morale et sphère internationale ne se confondent pas mais elles s’interpénètrent de maintes façons. Qui plus est, elles ne s’intéressent plus exclusivement aux seules questions de guerre ou de paix.
Si l’éthique militaire se densifie aujourd’hui avec l’identification de nouveaux enjeux comme l’usage des drones ou encore les perspectives technologiques de l’homme augmenté, elle ne résume plus à elle seule les dilemmes moraux internationaux. Ceux-ci concernent l’architecture mondiale – avec la réforme des Nations unies et les appels à de nouvelles conceptions cosmopolitiques – et s’étendent à la santé, aux migrations, aux finances, à l’environnement.

Le monde serait-il meilleur et plus juste si nous avions des frontières ouvertes ? Qu’est-ce qu’un compromis acceptable pour une organisation humanitaire ? Est-il seulement possible d’atteindre une gouvernance globale juste et efficace ? En d’autres termes, l’éthique des relations internationales se pare d’autres vêtements que ceux de l’éthique de la politique étrangère, laquelle se focalise sur l’action des Etats – jamais vraiment éloignée de la tragédie.
Elle se transforme en éthique du « milieu mondial ». Celui-ci ne correspond plus à l’environnement naturel stricto sensu. Il dessine une société mondiale dont la densité morale, pour reprendre l’expression de Durkheim, ne cesse de s’amplifier. En effet, comment ne pas voir, derrière les enjeux relatifs à la santé, aux migrations, aux finances, ou à l’environnement, l’expression de représentations collectives plus ou moins partagées qui peuvent progressivement donner sens à une forme sociale élargie à l’humanité toute entière ? Les réponses à cette question ne sont évidemment pas consensuelles mais elles ont le mérite de renouveler les traditions morales et d’établir les termes de nouveaux débats.

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C’est d’ailleurs tout l’objectif du colloque Ethique des relations internationales qui se tiendra au CERI les 26 et 27 mai prochains. Dans le prolongement d’un ouvrage éponyme co-dirigé par Ryoa Chung et Jean-Baptise Jeangène Vilmer (Paris, PUF, 2013), il est organisé en partenariat avec le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires étrangères et l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (ministère de la Défense) avec le soutien du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal (CREUM) et le Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal (CRDP).

Le fait que cette manifestation soit portée conjointement par des établissements de recherche et des organes ministériels atteste d’une confluence de préoccupations, celle du scientifique et celle du praticien, face aux enjeux normatifs internationaux. Preuve également de la vitalité des programmes consacrés aux relations internationales qui intègrent la dimension normative : le colloque associe des chercheurs francophones provenant de diverses disciplines.

Signalons également que le calendrier des événements du CERI en ce mois de mai est particulièrement riche dans le domaine des relations internationales. A l’occasion de ce colloque, la nouvelle revue European Review of International Studies (ERIS) fera l’objet d’un lancement officiel le 26 mai à 18h. Co-dirigée par John Groom et Christian Lequesne, elle constitue une nouvelle offre bienvenue sur le marché éditorial en langue anglaise.
Eris, déesse de la discorde au sein de la mythologie grecque, personnifie aussi le courage et l’émulation, vertus dans le prolongement desquelles s’inscrit la ligne de la revue. Le premier numéro portera sur une comparaison des diverses manières de concevoir ce champ scientifique. Une contribution qui entre parfaitement en résonance avec l’agenda de la recherche la plus récente à l’instar du thème du prochain congrès de l’International Studies Association : Global IR and Regional Worlds: a New Agenda for International Studies.

On le voit. L’actualité des relations internationales au CERI est dense. Il n’y avait pas meilleur symbole en ce mois de mai qui est aussi celui du renouveau.

Frédéric Ramel, Professeur des Universités sciences-po, chercheur au CERI

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