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En quoi le bonheur est-il important aujourd’hui ?

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Parti d’une passion personnelle, le bonheur, Alexandre Jost en a fait son métier. Il a créé la Fabrique Spinoza qui place le bien-être et le bonheur dans le débat public, politique et économique. Ceci, afin qu’ils soient reconnus comme des indicateurs essentiels dans les projets politiques (révisant l’économie, la politique, l’implication sociétale, le rapport au travail et valorisant la contribution et l’engagement citoyens).

Le bonheur aujourd’hui : de quoi parle-t-on ?

Alexandre Jost : J’ai d’abord envie de répondre en donnant le point de vue scientifique sur le sujet. Philosophes, psychologues et sociologues distinguent trois grandes catégories qui caractérisent le bonheur.
1- Le bonheur hédonique, celui des affects. Il correspond à ce que je ressens tous les jours en fonction du soleil qu’il fait et de la bonne ou mauvaise nuit passée, et de tout ce que je vis qui se traduit en émotions.
2- Puis, le bonheur cognitif qui consiste à apprécier si j’ai atteint les objectifs que je m’étais fixé. Ainsi, chacun est juge de sa propre réussite et cela conduit à prendre du recul sur soi et favorise l’introspection.
3- Et la 3ème facette du bonheur est ce que l’on appelle le bien-être eudémonique (ce qui signifie le « bon esprit » ou la « bonne vie » et c’est inspiré des Grecs) et cela signifie : est-ce que ma vie vaut la peine d’être vécue ? Quel sens a ma vie ?
Il existe des sous facettes de cette 3e forme de bonheur (1) telles que l’appartenance, la spiritualité. Ce qui conduit à cet inventaire à la Prévert :
• Est-ce que je me réalise ? Quelles sont mes aspirations ?
• Quelle est mon appartenance ? A quels groupes est-ce que je contribue ? Est-ce que je suis relié à quelque chose de plus grand que moi ? Est-ce que je suis en relation avec les choses ?
• Suis-je engagé pour une cause qui fait sens ? Est-ce que je suis acteur, moteur ?
• Et aussi apprécier quelle est mon auto-efficacité, c’est à dire mon efficacité personnelle et/ou mon impact ?

Ainsi, avec ces trois catégories : « je ressens, j’évalue et j’aspire » ; je peux dire que je suis « heureux ».

Hédonisme et eudémonisme : Diener distingue deux dimensions dont le bonheur serait la synthèse : la composante hédonique fait référence aux affects ressentis par l’individu, la composante eudémonique à son contentement quant à ses objectifs, ses attentes et ses croyances. C’est l’association de ces deux dimensions qui permet d’atteindre le bonheur.

 

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Le désir de vivre heureux ou de bien vivre, de bien agir est l’essence même de l’homme. Baruch Spinoza

 

Une situation paradoxale – les gens qui viennent d’avoir des enfants sont partiellement moins heureux !
A la question suis-je heureux d’avoir un enfant ? La réponse est surprenante.

Catégorie 1 (bonheur hédonique) : je suis fatigué parce que je n’ai pas assez dormi. L’enfant peut être source de disputes au sein du couple et conduire à une baisse de la sexualité. Au total, moins d’affects positifs, plus d’affects négatifs.
Catégorie 2 (bonheur cognitif) : se sacrifier pour sa vie professionnelle et/ou s’occuper de sa famille en plus du travail peut conduire à faire moins de sport ce qui entraîne des modifications non souhaitées dans son existence (prise de poids, moindre activité, …), et des conséquences indésirables dans différents domaines : chemin professionnel, satisfaction quant à sa vie de couple, etc.
Catégorie 3 (bonheur eudémonique) : ma vie a du sens, je me sens « rempli » par le fait d’avoir des enfants.
Ainsi, en distinguant les trois catégories d’épanouissement cela permet de comprendre les baisses de satisfaction dans la vie des personnes : les émotions vécues négativement sont compensées par le sens qu’apporte l’arrivée d’un enfant.

Comment savoir si l’on est heureux ?

AJ : Il n’y a pas de question ultime qui permette de saisir d’un coup les trois facettes du bonheur. Pour le moment, aucun critère, aucune question ne permet à quelqu’un de donner un avis global sur les trois catégories.

Les douze visions du bonheur de la Fabrique Spinoza : http://www.fabriquespinoza.org/2011/07/les-differentes-visions-du-bonheur/

Qu’est-ce que le bonheur pour vous ?

AJ : Je considère qu’il y a deux formes de bonheur : la première c’est d’être bien lorsque aucune pensée ne traverse notre esprit : on est alors véritablement soi-même, « dans l’interstice qui se glisse entre deux pensées » comme disent les bouddhistes.
Quand on est dans cet état-là (que l’on peut vivre soit grâce à la gueule de bois ou à la méditation) alors on est joyeux !
L’autre forme de bonheur c’est l’amour, qui me remplit et qui fait la passerelle entre mon bonheur et celui d’autrui. Ce qui recouvre toutes les catégories de bonheur (émotion : joie, satisfaction, sens), l’amour nous remplit et nous dépasse.
Le lien que je fais entre amour et bonheur c’est en reprenant la phrase de Spinoza : « L’amour est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure ». Cette phrase a l’air compliquée mais elle dit seulement : lorsque l’on est avec l’être aimé (ou simplement que l’on y pense, c’est pourquoi Spinoza parle d’ « idée »), alors la joie nous emplit. L’amour c’est la concomitance de la joie et de la présence de l’autre (ou d’une pensée pour lui ou elle).

Pourquoi s’intéresser au bonheur ?

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AJ : J’ai toujours été heureux et j’ai voulu voir ce qui était caché derrière le phénomène et donc je suis allé explorer plusieurs disciplines telles que les neurosciences, la psychologie positive, la sociologie comparée, l’économie comportementale, pour mieux comprendre …

Pouvez-vous expliquer quelle est la mission de la Fabrique Spinoza ?

AJ : La mission de la Fabrique Spinoza : en se focalisant sur les moyens et en perdant de vue la finalité, les politiques ont oublié le bonheur en chemin. La Fabrique Spinoza a pour objectif de remettre le bien-être et le bonheur au cœur des politiques publiques.
Ceci en mettant en valeur les informations sur l’avancée des recherches sur le bonheur auprès des pouvoirs publics afin d’avoir de l’impact dans le monde politique et promouvoir la mise en place d’un indicateur du bien-être. C’est de cette manière que la Fabrique Spinoza, initialement Think Tank politique, devient un Think Tank citoyen.

 

Le Paradoxe d’Easterlin (2) : entre 1973 – 2008 une courbe montre que la croissance du PIB augmente de 113 % (hors inflation) tandis que celle de la satisfaction de vie est elle plate. C’est une des représentations du bonheur qui suggère que ce dernier ne repose pas uniquement sur les ressources financières.

Nous avons commencé la Fabrique en développant des outils, des contenus et des référentiels pour aider les responsables politiques à dessiner des projets qui favorisent l’épanouissement collectif (citoyen). A présent, nous ressentons le besoin d’élargir le spectre en encourageant la libération des consciences en vue de la poursuite du bonheur.

Résumé de la mission de la Fabrique Spinoza :
• Appréhender les différentes visions du bonheur, c’est à dire partager des référentiels scientifiques et les recherches des différentes disciplines contribuant à mieux cerner la nature même du bonheur.
• Apporter des propositions pour que les dirigeants puissent enrichir leurs politiques publiques ou stratégie d’entreprise et prendre en compte le bonheur et le bien-être dans leurs orientations.

Notre motivation a aussi été stimulée par le fait que de plus en plus de pays osent afficher de telles ambitions telle l’Allemagne qui a créé un indice du Bien-être et aussi l’Angleterre (3). Cela devient un véritable engagement politique.
Nous contribuons également à rendre visible le fait que le bien-être est essentiel aussi au travail : http://fr.slideshare.net/julientrefeu/ibet-indice-de-bien-etre-au-travail

Ce qui me conduit à détailler d’autres missions de la Fabrique Spinoza :
Nous choisissons des sujets qui peuvent changer positivement la société, des sujets citoyens que l’on soumet aux dirigeants d’entreprises, aux politiques ou au grand public.

Quels sujets par exemple ?

AJ :
• Richesse, Philanthropie et bien-être,
• les médias et le bonheur et
• l’égalité femme-homme,
• le bien-être au travail,
• Spiritualité, sagesse et entreprise,
• la philosophie politique
• les indicateurs de développement
• la collectivité positive
• l’économie positive…

Nous rassemblons des citoyens et nous les faisons réfléchir puis nous leur faisons produire des propositions pour modifier la société (entreprise, politiques et citoyens). Une fois le contenu obtenu nous cherchons le bon support : conférence (citoyens), rapports (politiques) baromètre, formations (entreprise), cours (étudiants), c’est ainsi que nous donnons des cours à Centrale. Nous développons un centre de recherche sur le bien-être au travail et nous ambitionnons de réaliser un centre international (500 chambres) qui pourrait accueillir le plus gros forum mondial de l’économie et du bien-être.

Nous sommes fiers d’être parvenus à donner l’envie de créer un groupe parlementaire sur l’économie du bien-être au Sénat comme à l’Assemblée, ceci afin de relancer les travaux de la commission Stiglitz (Progrès PIB et bonheur).

Pouvez-vous détailler une de vos actions ?

AJ : Si je prends l’exemple de la philanthropie : nous avons interrogé 30 personnes riches c’est-à-dire ayant un patrimoine supérieur à 25 millions d’Euros ceci afin de comprendre ce qui les motivaient à faire (ou ne pas faire) un don. Notre objectif étant de débloquer le potentiel de philanthropie en France en expliquant les leviers de motivation à donner.

Concernant l’égalité Homme/Femme : nous sommes parvenus à 40 propositions décrivant une société plus heureuse via des rapports plus équilibrés entre les hommes et les femmes.
Ainsi, à chaque fois nous choisissons un sujet classique, nous l’examinons au travers de l’angle du bien-être et nous mettons en exergue en quoi ce point de vue particulier peut avoir un effet sur les propositions que l’on peut faire.

Quelle est votre ambition aujourd’hui ?

AJ : Nous voudrions créer un mouvement de 100 000 de personnes. Nous voulons passer d’un Think tank à un mouvement citoyen (non politique) d’une centaine de milliers de personnes. Et pour cela, il nous manque des méthodes d’Intelligence Collective, c’est-à-dire le moyen de mobiliser les citoyens, des méthodes bottom-up.
Nous voudrions être partout en France, s’inspirer de Ouishare, MakeSense, Colibris, envisager un développement national et encourager la diversité des personnes participant à cette quête.

Le petit truc en plus : La Fabrique Spinoza est un projet qui cherche à inspirer et c’est aussi une réalisation très sérieuse, nous sommes correspondant en France d’un projet hébergé par l’OCDE sur la mesure du bien-être, nous coordonnons une commission de travail à l’ONU, nous travaillons avec l’Elysée, le Parlement et l’Assemblée et nous avons été nommés parmi les 12 meilleurs Think Tank. Tout ceci nous a permis d’asseoir notre crédibilité, notre légitimité.

Quelle est la conséquence pour vous d’avoir réalisé la Fabrique Spinoza ?

AJ : L’émerveillement. Au départ, je voulais créer l’association française pour la promotion du bonheur et les gens se sont pas mal moqués de moi. Il manquait le nom, le statut et l’habit institutionnel au projet. Cela compte beaucoup en France. La Fabrique Spinoza, think-tank du bien-être citoyen, ça fait mieux !
Pourtant avec une idée simple et une bonne énergie, cela a fonctionné. Cela répondait à un besoin : rassembler les gens car tout le monde a fondamentalement besoin d’espoir et d’optimisme collectif.

Réaliser la Fabrique c’est du stress mais c’est une joie renouvelée.
Il y a un véritable mouvement qui en train de se créer, certaines entreprises comme un nombre croissant de politiques veulent sincèrement changer leur manière de fonctionner, la preuve en est la commission au Sénat et à l’Assemblée (les parlementaires s’ouvrent).
Quelque chose est en train de se passer : un mouvement international qui est plus grand que le national, et il va finir par nous emporter aussi. Il y par exemple a une vingtaine de pays qui travaillent sur ces sujets de politiques du bien-être. Comme autre illustration, nous avons créé la coalition de Budapest, qui est un regroupement de think-tanks européens travaillant sur le bien-être citoyen. Les choses bougent !

Comment décrivez-vous cette réussite ? Comment avez-vous fait ?

AJ : De l’envie au résultat. Pour moi les éléments importants sont :

• Ne jamais, jamais écouter les gens qui essaient de décourager votre projet.
• La réponse « non » on l’a toujours, c’est le « oui » qu’il faut aller chercher.
• Ne pas écouter les gens qui disent « ça ne va pas marcher », car les gens projettent leur peurs.
• Le ton du projet est aussi important que le projet lui-même. Je pense que notre optimisme ou notre joie à la Fabrique Spinoza sont aussi important que le contenu lui-même.

Est-ce que vous pouvez dire que c’est parce que vous avez écouté profondément qui vous êtes que le projet a avancé ? Quels sont vos ingrédients ?

AJ : Etre aligné entre les différentes facettes de toi : vision et courage. Je suis quelqu’un de joyeux et j’ai eu envie de réenchanter la politique et la société. Cela vient de très profond.
Spinoza parlait de désir : sa vision du désir rassemble l’envie, la volonté et le courage. Si la cause est adéquate (c’est à dire conforme à notre véritable nature) alors notre désir et notre essence se superposent : le désir devient une force extra-ordinaire qui nous propulse. Après il faut un petit peu de courage : cela consiste à se lever le matin et faire face aux échéances, et à toutes les obligations résultants des projets fous que l’on a imaginés !

C’est de la persévérance ?

AJ : Je ne lâche pas ma route, si c’est « juste » pour moi alors cela devient juste aussi à l’extérieur. La persévérance est alimentée par le fait de rencontrer des gens avec lesquels réaliser les actions qui me tiennent à cœur. Réaliser un projet collectif ça change tout.
Lorsque tu rayonnes ton projet parce que tu l’incarnes et pas par opportunité, alors tu es aligné avec qui tu es et le résultat ressemble à ce que tu veux.

Christine Marsan

1 – Ilona Boniwell, psychologue positive, a réalisé des travaux très intéressants sur le sujet. Boniwell I, Introduction à la psychologie positive, Payot, 2012.

2 – http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_d’Easterlin

3 –  http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/ – http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/04/16/l-allemagne-se-dote-d-un-indicateur-de-bien-etre_3160463_3244.html

 

 

 

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