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Une conversation à bâton rompu sur l’innovation avec le Professeur Pierre Joliot

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C’est dans le cadre prestigieux de l’Institut de Biologie physico-chimique que le Professeur Pierre Joliot a reçu UP’ Magazine pour un entretien exclusif. Un petit bureau ressemblant davantage à une cellule de moine, rempli d’un fouillis de livres et de dossiers et du fameux tableau blanc couvert de chiffres, de formules complexes et mystérieuses ; le quartier de la rue d’Ulm à Paris, concentré d’intelligence, d’éthique de la recherche fondamentale. Une conversation à bâton rompu sur l’innovation.

Tout comme Serge Haroche, nouveau prix Nobel de physique 2012, qui pense que « la recherche ne se justifie pas par ses retombées économiques », pour le Professeur Joliot, la Recherche est une marque de culture et de civilisation, aussi noble que l’art. Voilà pourquoi un gouvernement devrait favoriser la recherche fondamentale. Ne pas décourager l’enthousiasme des jeunes chercheurs par des conditions matérielles « misérables ». Et mettre beaucoup d’argent dans la formation. Une tâche prioritaire qui, à l’heure où se développe « un inquiétant esprit antiscientifique », fait des enseignants « les dépositaires, bien plus que les banquiers, de la richesse d’un pays ». (Source : Le Monde.fr /Pierre Le Hir – 9 oct 2012)

Pierre Joliot : un parcours au service de la connaissance

« Pour être original et créatif, il faut être un peu ignorant ». Professeur Pierre Joliot

Pierre Joliot, fils de Frédéric et Irène Joliot-Curie, tous deux prix Nobel de chimie en 1935 et petit-fils de Pierre et Marie Curie, a démarré sa carrière à l’IBPC en 1953, à l’âge de 21 ans. En tant que directeur, il y mena une brillante carrière : Chercheur depuis 1956, il devient directeur de recherche au CNRS en 1974. Il se spécialise en biologie et prend, entre autres, la direction du Département de biologie de l’École normale supérieure de 1987 à 1992, avant de présider le Conseil scientifique de l’École normale supérieure de Lyon. Professeur honoraire au Collège de France, ancien titulaire de la chaire de bioénergétique cellulaire et membre de l’Académie des sciences, et de la National Academy of Sciences américaine, son parcours est jalonné de succès. Il reçoit par exemple le Prix du Commissariat à l’Énergie Atomique en 1980, ainsi que la Médaille d’or du CNRS en 1982. Il est également commandeur de l’Ordre national du Mérite et de la Légion d’honneur depuis le 19 juin 2001. Il est promu Grand officier de la Légion d’honneur le 13 juillet 2012.

Pierre Joliot est aujourd’hui professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences de France et des États-Unis. (Source : Wikipedia)

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Aujourd’hui à la retraite, il continue ses travaux de recherche et considère avoir considérablement rajeuni et gagné en liberté.


puce-purppleUP : La recherche ne débouche pas toujours sur une innovation. Alors, qu’est-ce qu’une innovation pour un homme de science comme vous ?

PJ : On peut choisir de nombreuses définitions du mot innovation. Par exemple, une découverte en recherche fondamentale peut très bien être qualifié d’innovation. Pour moi, il y a innovation quand le progrès de la connaissance et le progrès de la recherche appliquée conduisent à des applications qui sont utiles aux citoyens. En amont d’une innovation telle que je la définie, il y a un long processus impliquant un ensemble de recherche de connaissances ou recherche fondamentale, recherche appliquée et enfin recherche de développement. Chaque étape est nécessaire, mais demande à la fois du temps et la mise en œuvre de moyens très différents.

puce-purpple L’innovation est-elle en danger aujourd’hui ?

Dans une société obnubilée par le court terme, la tendance est de vouloir condenser l’innovation en une seule phase, ce qui me parait être une absurdité et risque même de la condamner. Aller trop vite conduit à une stérilisation de la notion d’innovation.

puce-purpple La recherche sert-elle l’innovation ? Quel est son rôle ?

jacquesmonod2La plupart des scientifiques considère que la recherche fondamentale – la recherche de connaissances – est une recherche et une étape indispensable dans le processus d’innovation. Jacques Monod, avec lequel j’avais de longues discussions sur ce sujet, considérait que la seule et unique justification de la recherche de connaissance était un intérêt d’ordre culturel. Le seul but du chercheur étant d’améliorer notre connaissance et compréhension du monde et qu’il n’y a donc pas d’autres justification à donner. Personnellement, j’accepte cette définition mais je constate que, pour des raisons opérationnelles, tous les grands progrès technologiques dans tous les domaines (santé, technologie,…) sont issus d’un progrès de la connaissance dont les possibilités d’application sont impossibles à prévoir.

Quand Max Planck s’est intéressé à l’étude des changements de couleurs que subit un morceau de métal en fonction de la température, il s’agissait d’un sujet académique, sans perspectives d’application. Il ne pouvait pas prévoir que ces recherches le conduiraient à démontrer que l’énergie était distribuée de manière quantifiée. Il n’avait pas la moindre idée des révolutions que cette découverte allait entrainer. Rien de ce qui caractérise le monde moderne, informatique, électronique ou électro technique ne serait possible sans cette découverte.

irenejoliotcurieAutre exemple, mes parents, Frédéric et Irène Joliot-Curie ont découvert la radioactivité artificielle, découverte qui a eu des conséquences majeures sur les progrès de la biologie et de bien d’autres domaines de la science. Or, il est clair que quand mes parents ont fait cette expérience, ils n’avaient pas la moindre idée des conséquences pratiques qui pouvaient en résulter. Ils se sont aperçus qu’ils avaient fabriqué un atome radioactif possédant les mêmes propriétés chimiques que les atomes présents dans la nature. Cet atome incorporé dans une molécule d’intérêt biologique peut permettre de suivre le devenir de cette molécule à l’intérieur d’une cellule ou d’un être vivant. Les conséquences de cette découverte qui a eu un nombre considérable d’applications dans des domaines étrangers à la physique, étaient parfaitement imprévisibles.

Il faut donc une recherche de connaissances, dans l’esprit de Jacques Monod, mais, en se plaçant du point de vue du citoyen soucieux de savoir pourquoi il doit financer un tel type de recherche, il faut souligner que tout progrès de la connaissance est potentiellement susceptible de conduire à des innovations utiles à l’homme.

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puce-purpple Vous avez dit « le chercheur doit être un opportuniste face aux faits inattendus qui peuvent être à l’origine d’une grande découverte ».

Cela me parait en effet fondamental mais rendu de plus en plus difficile dans le cadre de l’idéologie du court terme qui domine actuellement nos sociétés. On essaie d’orienter les travaux des chercheurs sur des sujets dont on suppose qu’ils vont donner des applications rapidement et on leur demande d’inscrire leur projet de recherche dans un programme. Comme la plupart des chercheurs, j’ai souvent des idées qui me paraissent « géniales », je les teste et la plupart du temps, mon idée « géniale » n’est pas confirmée par l’expérience. Par contre, le fait de partir d’une théorie, même fausse, permet de construire une expérience bien conçue qui peut conduire à un résultat inattendu et baroque. Le plus souvent, ce résultat est la conséquence d’une erreur expérimentale et donc sans intérêt ; mais, quelques rares fois, il peut être à l’origine d’une découverte. Les grand chercheurs sont ceux qui savent profiter de la chance qui leur est offerte en réorientant leur travail en fonction de ces résultats inattendus. En d’autres termes, les chercheurs se protègent contre ce qui est trop nouveau. Et comme le répète mon collègue, André Verméglio, « on n’est jamais à l’abri d’une découverte » qui nous force à sortir de nos idées préconçues. Il faut avoir le courage d’être avide de tout ce qui n’a pas été prévu ou programmé.

puce-purpple Dans le mot innovation, il y a le mot « nouveau ». Est-ce nouveau par rapport à l’état de l’art ou est-ce nouveau par rapport à des usages, des modes de comportement, ou par l’acceptation qu’en font les individus ?

Question difficile car c’est presque une question politique. Dans le cadre de la société de consommation et de l’idéologie libérale, le mot innovation recouvre trop souvent la création de besoins totalement inutiles. Donc, on tombe sur un problème qui dépasse la science et qui concerne l’organisation de la société. Un bel objet technologique comme un jeu vidéo de football par exemple, peut reposer sur un grand nombre d’innovations. Mais je préfère qu’un enfant aille jouer sur un terrain de football plutôt que d’utiliser ce jeu, quelle que soit sa perfection technique.

Ce qui caractérise notre société actuelle, c’est qu’elle produit de plus en plus d’innovations qui n’apportent rien à l’homme et à la société et qui peuvent même avoir des conséquences négatives. Par exemple, la proportion d’enfants obèses augmente régulièrement parce qu’ils préfèrent rester devant leur écran plutôt que de pratiquer un sport comme il y a 20 ans. Mais, il s’agit peut-être de propos d’un homme d’une autre génération …

Une part de plus en plus de l’innovation actuelle me parait assez stérile pour l’individu et j’aurai tendance à dire que, au stade ultime de l’innovation, c’est-à-dire la recherche de développement, on doit se poser la question « à quoi va servir cette recherche », quelles seront les conséquences, seront-elles utiles, voire même négatives.

En ce qui concerne la recherche fondamentale, il n’y a pas de bonne recherche ni de mauvaise recherche. Toute découverte peut avoir des applications positives ou négatives et, dans aucun domaine. Plus on s’approche d’une application concrète, plus on doit se préoccuper des conséquences possible, positives ou négatives, des innovations envisagées.

Si on prend l’exemple du principe de précaution, la prise en compte de ce principe dans la recherche de connaissance me parait une absurdité. Au niveau de la recherche appliquée, il faut examiner la faisabilité d’une projet d’innovation sans trop se préoccuper des conséquences pratiques. C’est lors des étapes ultimes, recherche de développement et plus encore lors de la mise sur le marché, que le principe de précaution doit être pris en considération

puce-purpple Ce principe de précaution justement doit être néanmoins modulé par une certaine prise de risques, non ?

pasteurIl est certain que dans toute situation de crise, le pire des risques consiste à ne pas prendre de risques. Dans le domaine de la santé, le refus d’une prise de risque peut avoir des conséquences dramatiques dans la mesure ou toute intervention chirurgicale ou tout traitement médicamenteux présente toujours un risque. Il en est de même quand un nouveau type de traitement est introduit. L’exemple de Pasteur : quand il a pratiqué sa première vaccination contre la rage, elle pouvait être justifiée en considérant que la probabilité pour l’enfant de survire était très faible. La prise de risque de Pasteur se justifiait donc pleinement à l’époque.

L’innovation est toujours une prise de risque. Donc il y a un équilibre à trouver entre la nécessité d’innovation et cette prise de risque. Un compromis entre des contraintes opposées.

 

puce-purpple La recherche fondamentale orientée peut-elle conduire les chercheurs à une certaine perte de crédibilité ?

biocarburantC’est une certitude absolue. Pour obtenir de l’argent aujourd’hui, il faut faire des promesses que tout chercheur sérieux sait qu’il ne tiendra pas. Je vous donne un exemple : à la première crise du pétrole (années 1970), il y a eu une masse d’argent qui s’est abattue dans le monde entier dans le domaine des bioénergies et plus particulièrement dans le domaine de la photosynthèse qui représente mon sujet de recherche. Cet argent a suscité des projets de recherche souvent totalement aberrant. J’ai été invité à l’époque à participer à un colloque international organisé par l’agence américaine pour l’énergie. Un document nous a été présenté concernant la production d’hydrogène par les algues ou il était expliqué que cette technique allait résoudre le problème de l’énergie dans le monde. Le document présentait une estimation du coût de l’hydrogène ainsi produit avec une précision de l’ordre du 1% alors que le prix réel était probablement de plusieurs ordres de grandeur supérieur au prix annoncé.

Quand il y a une nouvelle crise du pétrole, on repart dans des aberrations du même ordre. C’est le cas aujourd’hui avec les bio-carburants, certainement ceux de première génération et même probablement ceux de seconde génération. Les cultures en Amérique Latine pour fabriquer des bio-carburants me paraissent une catastrophe pour l’avenir de l’humanité. Il y a certes le problème de l’énergie, mais il y a aussi le problème des terres cultivables dont la surface diminue alors que la population augmente. La tragédie de la faim dans le monde me parait encore plus importante et plus grave que le problème de l’énergie.

Le résultat est que pour justifier une demande de financement, les chercheurs sont conduits à des promesses totalement irréalistes à court terme. Cette pression permet, d’une part, à des mauvais chercheurs de subsister et d’autre part, à de bons chercheurs qui utilisent d’une manière raisonnable l’argent qu’ils reçoivent de contribuer à la perte de crédibilité de notre communauté.

Ma conception personnelle de l’éthique me conduit à penser que l’intérêt financier ou économique, en d’autre terme la rentabilité, est parfaitement acceptable lorsque que l’on se projette sur le long terme, mais peut conduire à des erreurs majeures sur le court terme.

puce-purpple Que serait pour vous une bonne politique de l’innovation en France ?

D’abord, il faut faire comprendre que l’innovation repose au départ sur le progrès des connaissances et qu’il faut donc continuer à investir dans la recherche fondamentale non orientée. Sur le plan de la recherche appliquée et de développement, nous avons en France un problème avec la formation des ingénieurs. Les jeunes veulent être Manager, gestionnaire, mais rarement Ingénieur qui d’une manière absurde, sont moins rémunérés que les commerciaux ou gestionnaires.

L’effort de recherche appliquée par le monde industriel me parait tout à fait insuffisant et ceci est lié en grande partie au système des grandes écoles où les responsabilités sont distribuées en fonction du niveau supposé des écoles dont sont issus les candidats, plus que sur la base de l’efficacité dont ces candidats ont fait preuve sur le terrain.

D’autre part, la plupart des grands dirigeants français n’ont jamais pratiqué une activité de recherche. Par exemple, aux USA ou dans de nombreux pays européens, une thèse de doctorat en recherche fondamentale représentera un titre reconnu par les entreprises privées. Si ce chercheur devient ingénieur ou dirigeant, il aura pratiqué pendant quelques années un métier de chercheur et sera plus en mesure de développer la recherche et l’innovation dans son entreprise. Ce type de profil n’est pas ou peu représenté dans les entreprises françaises.

Seul l’Etat peut aujourd’hui assurer – malheureusement – le développement de la recherche fondamentale. Les subventions d’état sont donc essentielles mais il faudrait aussi que la recherche appliquée et la recherche de développement soient beaucoup mieux prises en compte par nos industriels. Il faut constater que sous la pression du capitalisme financier dominé par le court terme, un industriel considérera que l’innovation est un risque pour son entreprise, même si sur le plan théorique il a compris l’intérêt de la recherche et de l’innovation. .

Au capitalisme triomphant qui fonctionnait efficacement dans une société en croissance a succédé une nouvelle forme de capitalisme financier caricatural. L’innovation n’est plus destinée qu’à la croissance sans conséquences positives sur la société. Cette forme de croissance est condamnée pour des raisons purement quantitatives, c’est-à-dire les ressources limitées de matière première et de combustibles fossiles. A ces contraintes d’ordre quantitatif, il faut ajouter les conséquences de la consommation d’énergie fossile sur l’évolution du climat.

Il faut donner à l’innovation d’autres perspectives que celles que nous avions il y a encore 30 ans. Dans quel monde voulons-nous vivre et quels types d’innovations devons-nous mettre en œuvre pour permettre à neuf milliards d’individus de vivre dans des conditions acceptables ? L’innovation devient de plus en plus indissociable de la politique et de l’économie mondiale.

>> amazonLire  « La Recherche passionnément » – Pierre Joliot – Editions Odile Jacob /2007 – 209 P

 

joliot4A propos de l’Institut de Biologie Physico-chimique

André Mayer (1875-1956), Professeur au Collège de France et Directeur du Service de Physiologie, distinguait trois cas où la création d’une institution de recherche est nécessaire : celui où cette institution doit donner refuge à la liberté de recherche menacée par un conformisme imposé, ainsi est né le Collège de France ; le second cas est celui où l’on veut rassembler des hommes de science avec des praticiens voués à l’application des découvertes et ce fut la raison de la création de l’Institut Pasteur ; le troisième cas est celui où l’on veut faire vivre et travailler côte à côte des chercheurs de différentes disciplines sur des problèmes aux frontières de ces disciplines, et c’est ce qu’a voulu le baron Edmond de Rothschild en fondant l’Institut de Biologie Physico-chimique en 1930, sur l’impulsion du physicien et prix Nobel français Jean Perrin qui, constatant les insuffisances de la recherche universitaire trop cloisonnée, voulut favoriser l’interdisciplinarité et créer un nouveau métier, chercheur, exclusivement rémunéré pour cette tâche . L’IBPC est donc né de la rencontre de deux facteurs exceptionnels, d’une part l’espoir syncrétique d’associer des sciences que l’on traitait encore comme séparées, d’autre part la disposition de fonds pour une recherche fondamentale dont l’objet est la création de la connaissance.

Sculpture / Buste de Jean Perrin, Bibliothèque de l’IBPC

 

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