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Université de la singularité et Crédit Agricole

Pourquoi le Crédit Agricole flirte avec l’Université de la Singularité de Google

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L’Université de la Singularité a lancé mi-octobre un concours d’innovation, « Global Impact Competition », ouvert aux étudiants de l’école Telecom ParisTech et axé sur les technologies de la finance (FinTech). Le Crédit Agricole et la société de conseils Keyrus sont sponsors et membres du jury de ce prix. L’étudiant vainqueur recevra des mains de la Banque française une bourse de 35.000 dollars pour suivre le programme d’été de l’Université de la Singularité, en Silicon Valley. Rien d’extraordinaire dans cette information si ce n’est que l’Université de la Singularité, financée en majeure partie par Google, a été créée par Ray Kurzweil, le pape du transhumanisme. Que va donc faire le Crédit Agricole dans cet univers qui sent le soufre ?
 
Encore peu connue de ce côté-ci de l’Atlantique, la Singularity University a été fondée par deux personnalités emblématiques de la high-tech californienne, Peter Diamandis et Ray Kurzweil.
 
Singularité et transhumanisme
 
Le premier s’est fait connaître avec la fondation X-Prize, une organisation à but non lucratif qui lance régulièrement des défis richement dotés pour « rendre l’impossible possible ».
Ray Kurzweil est plus célèbre ; professeur au MIT, titulaire du prestigieux prix américain de la technologie, il est décrit comme une machine cérébrale ultime par Forbes et comme un véritable génie par le Wall Street Journal. C’est non seulement un génie de l’informatique, c’est aussi un futurologue à succès, qui a popularisé dans un livre publié il y a tout juste dix ans (« The Singularity is Near ») l’idée de « singularité ». Ce concept désigne le moment où les ordinateurs deviendront plus intelligents que les humains. Devenu un des théoriciens les plus influents du transhumanisme – un courant de pensée qui prône le dépassement de l’humain grâce aux technologies -, Kurzweil   annonce que les humains deviendront des êtres hybrides dès 2030, moitié vivants, moitié robots. Et cela, grâce aux progrès exponentiels des nanotechnologies (comme par exemple, des puces greffées dans le corps humain) et de l’intelligence artificielle.
Raymond Kurzweil  (à gauche) et Peter Diamandis
 
Ray Kurzweil est également, depuis 2012, le « director of engineering » de Google ; et c’est Google qui a financé le lancement de l’Université de la Singularité.  Université d’un nouveau genre, puisque les programmes pédagogiques ne sont pas homologués et varient en fonction de l’émergence des technologies et des partenariats avec les entreprises. La mission affichée, sans complexe aucun, par cette Université ? « Eduquer les leaders ». Les inspirer et leur donner les moyens d’appréhender « les technologies exponentielles ».  Samil Ismail, un des fondateurs de la SU, cité par les Echos explique  cette notion : «Alors que l’être humain appréhende l’évolution du monde de façon linéaire, en envisageant une progression limitée, les nouvelles technologies se caractérisent par des progressions exponentielles ». Pour Ray Kurzweil, cette progression s’applique aussi bien à la biotech (le coût du séquençage de l’ADN a été divisé par 1 million en dix ans), qu’aux télécommunications (le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile est passé de moins de 1 milliard en 2000 à plus de 6 milliards en 2012) et plus largement à l’ensemble du progrès humain, « qui connaît depuis deux siècles une accélération exponentielle ». Partant de ce postulat, Kurzweil ne s’interdit pas les prédictions les plus incroyables : « L’ordinateur du futur aura la taille d’une cellule » ou« Les humains vont fusionner avec les machines. »
 
Credo et propagande
 
Le credo de l’Université de la Singularité est clairement affirmé : la convergence des technologies « exponentielles » est une bonne chose, car l’accélération du progrès permettra de régler les plus grands défis de l’humanité – qu’il s’agisse de nourriture, d’environnement, de sécurité ou de pauvreté. Rob Nail, le CEO de la SU poursuit : « Nous vivons dans un monde où 3 milliards d’êtres humains vivent avec moins de 2,50 dollars par jour. Nous avons tout ce qu’il faut pour les aider et pour arriver dans un monde où l’énergie et la nourriture seront abondants ».  A condition toutefois que les humains, et en premier lieu leurs gouvernants, ne se mettent pas en travers du progrès technique, comme le font les pays européens avec les OGM, par exemple. « Nous n’avons pas la capacité de nourrir la population mondiale sans y avoir recours, estime Salim Ismail. Nous ne défendons pas Monsanto pour autant, car leur approche est dangereuse et uniquement motivée par l’argent. Mais l’interdiction des OGM est également dangereuse, car elle coûte des vies en Afrique. »
 
 
La Singularity University s’active donc à convaincre non seulement les étudiants et les entrepreneurs, mais aussi les gouvernements des bienfaits de ces technologies, même si certaines font peur au plus grand nombre. « Les pouvoirs publics ne sont pas armés pour comprendre les technologies exponentielles, estime Salim Ismail. Ils ont donc tendance à vouloir entraver leur progression, ce qui ne sert à rien ».
 
Même si elle s’en défend, l’Université de la Singularité ressemble fortement à un outil de propagande du transhumanisme et des technologies NBIC décomplexées. Elle ne s’encombre pas de questions éthiques, politiques ou sociales. Ce qui compte pour elle, c’est faire avancer le progrès technologique sans entraves.
 
Un doigt dans l’engrenage
 
Alors, quand le Crédit Agricole finance en grande partie la première opération en France de l’Université de la Singularité, on est en droit de se poser des questions. Certes, le financement est mineur au regard des enjeux. Il s’agit d’une bourse de 35 000 dollars destinée à récompenser un étudiant de Telecom ParisTech pour un projet original lié aux Fintechs. Il n’en demeure pas moins qu’un doigt semble être mis dans un engrenage singulièrement controversé.
 
 
Grâce à ce partenariat, le Crédit Agricole entend accéder à une nouvelle source de veille sur l’innovation pour la formation de ces 5 000 informaticiens. L’Université de la Singularité enrichira son programme Sqypark qui propose déjà aux collaborateurs de la DSI des cours en ligne (MOOC), l’accès à des conférences et des showroom d’innovation. « Il faut que nous regardions le plus loin possible », souligne aux Echos Jean-Paul Mazoyer le directeur informatique et Industrie groupe de Crédit Agricole SA.  Il assure que la banque gardera son libre-arbitre vis-à-vis de son partenaire. « Le travail sur les exosquelettes et sur l’intelligence artificielle nous intéresse bien plus que le transhumanisme qui n’est pas notre sujet », ajoute-t-il.
Dans un communiqué,  Keyrus, la société de conseil en stratégie et en management des technologies copartenaire de l’opération déclare chercher via ce concours à rapprocher sa marque de celles de start-up de progrès qui pourraient naître de cette opération et être soutenues par l’Université de la Singularité. « Elle apporte une dynamique à l’innovation », estime Eric Cohen, le PDG de Keyrus.
 
La « Global Impact Competition » est ouverte aux étudiants de l’école d’ingénieurs Télécom ParisTech. Elle est axée sur les nouveaux développements au sein des FinTech. Le vainqueur de la compétition, qui sera sélectionné en décembre 2015, sera invité à participer au programme d’été 2016 ‘Singularity University Graduate Studies Summer Program’ (GSP). A son retour en France, l’étudiant aura la possibilité de développer son projet avec le soutien du réseau des anciens élèves de la Singularity University.
Les finalistes non retenus bénéficieront, quant à eux, de l’accompagnement de mentors et coaches qui les suivront dans la phase de développement de leurs projets. Le jury sera composé de plusieurs membres de la Singularity University, de Crédit Agricole S.A., sponsor financier de la compétition, de Keyrus et de Télécom ParisTech, partenaire universitaire, ainsi que des personnes issues du secteur de l’innovation, de l’entrepreneuriat et des institutionnels.
La mission des quatre partenaires sera d’encourager et d’inspirer les candidats dans le développement de nouvelles idées sur lesquelles ils pourront choisir de capitaliser à la fin de la compétition.
 
Encore une fois, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
 
Photo : Ray Kurzweil © Forbes
 

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