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management entreprise

Sur le chemin de réinvention de nos organisations

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450 personnes, 300 entreprises (dont Kiabi, Décathlon, Kabane, GT location, Arcadie, Cultura, etc.), réunies par Toscane Accompagnement pendant deux jours de prise de recul au Kripstadium de Tourcoing, les 5 et 6 avril derniers. Écoutes, réflexions, témoignages, résonances, émotions. Deux jours pour jouer ensemble le jeu de la sincérité et continuer à se transformer … pour transformer. Pour chercher sans cesse son propre alignement tête-cœur-tripes. La promesse ? « Se réchauffer, partager nos avancées, nos difficultés, s’inspirer mutuellement pour les prochains pas, susciter une communauté apprenante. » Pour inventer une nouvelle façon d’être dans les entreprises, notamment, face à l’autorité et casser les codes d’une vision pyramidale.
 

La force vitale au service des transformations

Le temps des transformations organisationnelles et culturelles est un moment favorable pour prendre du recul soi-même sur sa trajectoire – professionnelle et personnelle (qui ne font qu’une, bien souvent). Dès le début de la journée, j’entends un ami me souffler : « Mes peurs me bloquent et bloquent mon entreprise ». Les liens sont évidemment tenaces entre les transformations personnelles et celles des organisations : voir ci-dessous le cadran de Ken Wilber : 
 
 
Dans le premier cas, l’élan vital et son cortège de passions joyeuses est le moteur et dans le second, c’est la vision de l’entreprise, le cap construit collectivement, avec des intentions claires. Tout être (et par extension toute entreprise) regorge de talents qu’il faut savoir mettre en lumière et mettre en mouvement. 
 
En écoutant les témoignages, ponctués par la belle sobriété du violoncelle, certains semblent très émus. Bien sûr, les témoignages plus analytiques touchent moins que ceux qui retracent les parcours individuels, les chemins, les luttes, les peurs, les réussites. « J’ai soudain été capable pour la première fois de dire je vous aime à mes parents », dit un jeune homme qui témoigne du changement qu’il a vécu dans son entreprise. Raconter des histoires, partager ses émotions et ses questions, les incarner, permet de se connecter en profondeur avec les autres, de les mettre en mouvement à son tour.
 

« Je vais prendre soin de votre liberté, prenez soin de votre responsabilité »

Comment exprimer ses talents ? Comment apprendre de ses échecs ? Comment être dans l’humilité et en même temps dans l’affirmation de sa pleine puissance ? Comment prendre sa juste place dans l’écosystème plutôt que dans la hiérarchie ? Comment ajouter à la beauté du monde sans soulever le brouhaha de l’égo ?
 
Décathlon évoque le passage difficile et exigeant entre une organisation à douze niveaux hiérarchiques à une organisation plus horizontale, basée sur la confiance, où chacun trouve naturellement sa place. Les projets s’organisent en cercles où l’on retrouve un leader et des référents. Le mandat du leader : Je vais prendre soin de votre liberté, prenez soin de votre responsabilité !
Quelqu’un raconte : « Un jour que nous posions des questions à notre patron, il a décidé de se taire. Il voulait dire : vous avez les réponses. Je suis là pour vous écouter mais je vous mets face à vos responsabilités ». C’est le principe de subsidiarité : la décision est prise par la personne qui pourra en mesurer les conséquences. Le travail sur la liberté intérieure de chacun passe aussi par un réseau dense et invisible de coachs volontaires et internes. « La parole est libératrice, l’écoute est nourricière ». L’objectif (ambitieux) de Décathlon en 2026 c’est d’avoir 100.000 collaborateurs qui sont aussi 100.000 personnes en free-lance et 100.000 actionnaires !
 

Authenticité, humilité, lâcher-prise, confiance

D’ateliers en témoignages, de résonances en échanges informels, (la bière locale aidant parfois les langues à se délier), plusieurs lignes de fuite convergent pour dessiner les bases de l’entreprise Opale, appelée aussi l’entreprise libérée : la conviction du dirigeant, l’authenticité, l’humilité de dire qu’on cherche aussi soi-même à chaque instant, qu’on est fragile et vulnérable, la nécessité de lâcher prise, de regarder passer en soi cette tentation de reprendre la main, la difficulté à dialoguer en interne avec ceux qui ne partagent pas ces valeurs de liberté et de responsabilité, la nécessité de poser un cadre coconstruit et structurant, d’être transparent avec les équipes sur la vie de l’entreprise, de créer des « rituels » dans les échanges (réunions, méditations, facilitation, etc.), d’être soi-même son propre RH, de savoir dire non (et que dire non à quelque chose, c’est dire oui à autre chose), de s’appuyer sur ceux qui sont déjà passés par ce chemin de libération, de savoir aussi demander de l’aide.
 

L’autonomie ne se déclare pas, elle s’accompagne

Dans un atelier sur la liberté intérieure, Laura me raconte comme elle est bouleversée par ce qu’elle vient d’entendre. La liberté, est-ce de pouvoir choisir ou au contraire de ne pas avoir à choisir, comme le disait Camus ? Je ne suis pas responsable de ce que j’ai vécu mais de ce que j’en fais. Je peux choisir de nourrir en moi la part centrale et vitale plutôt que la part qui me retient et me limite. Toucher l’élan de vie en moi, la profondeur, dire oui à ce qui arrive, consentir. Choisir la confiance et non la peur, la méfiance, le rejet.
 
Lors d’un autre atelier sur les équipes auto-gérées, une collaboratrice de Adhap Service témoigne : « J’ai subi une hiérarchie très lourde et lorsque je me suis retrouvée manageuse, j’ai commencé par reproduire les mêmes erreurs avant de comprendre que ça n’allait pas, qu’il fallait transformer l’entreprise. » Personne n’aime qu’on lui dise ce qu’il a à faire ! On lance des ateliers d’écoute, des ateliers de travail, des ateliers pour expliquer pourquoi on libère l’entreprise. Quelques temps plus tard, dans le sillon de Buurtzorg qui a su réinventer avec brio les soins de santé au Pays Bas (largement documenté dans le livre de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations), une petite dizaine d’équipes auto-gérées naissent, chacune de 5 à 10 personnes. « L’autonomie ne se déclare pas, elle s’accompagne ». Plus de contrôle asphyxiant mais une auto-régulation salvatrice, complexe, responsabilisante.
 

Utiliser des solutions à de petites échelles et avec patience

Le temps de la conversion est lent. Il faut apprendre les petits pas. Plusieurs années sont nécessaires, un peu comme pour la conversion d’une ferme en bio. Il faut le temps de lâcher et de laisser les choses et les être se retisser sans nous, autour de nous. L’art de savoir se retirer tout en créant les meilleures conditions pour l’épanouissement des autres, c’est aussi le fil directeur des éducations alternatives comme Montessori ou Steiner. Car c’est au plus jeune âge que ces questions se jouent. Sortir de la soumission, de l’alternative aliénante … entre la carotte et le bâton.
 
Frédéric Laloux (1) explique : Le changement et l’avant-garde atteignent d’abord les artistes, puis les organisations, puis le pouvoir et enfin l’argent. Il faut avoir cette échelle en tête et savoir être patient. Le changement politique n’est sans doute pas encore pour maintenant…
 
Par où commencer ? Par le plus facile, par le plus visible, par le plus inspirant. Là où le ratio résultat/effort est le meilleur. S’appuyer sur un réseau de volontaires. Être efficace est bon pour le moral. Puis petit à petit, apprendre à lâcher, à oser, à se laisser surprendre. Allier la force et la douceur. C’est le chemin pour que chacun puisse être la plus grande version de lui-même. Pour que  chacun soit capable d’accueillir la vie qui veut être vécue à travers lui. « Et surtout ne prenez rien pour argent comptant, passez tout au crible de l’expérience », nous rappelle-t-on. Laissons le mot de la fin à Frédéric Laloux : « La vraie question à se poser, la question qui maintient en vie : qu’est-ce que tu pourrais faire maintenant qui a le plus de sens pour toi ? » Une mise en mouvement saine et perpétuelle pour irriguer les cœurs et retrouver de la joie au travail.
 

(1) Auteur de « Réinventing Organizations », (Edition Diateino, 2015), vendus à plus de 350.000 exemplaires, Frédéric Laloux a retracé une histoire des organisations et identifié un nouveau type d’entreprises émergentes qu’il qualifie d’Opale (à la suite de Ken Wilber). Stade que Maslow nomme l’accomplissement et que certains ont nommé authentique ou intégral. A la question « Avons-nous la capacité de créer des organisations à l’abri des pathologies que l’on constate trop souvent dans les environnements de travail ? Des organisations sans politique, sans bureaucratie, sans conflits internes ; à l’abri du stress et du burn-out ; où ne règnent pas la résignation, le ressentiment et l’apathie ; sans postures directoriales en haut ni travail d’esclave en bas ? » Il répond oui, sans hésiter. Les entreprises selon lui ne doivent plus être considérées comme des machines inhumaines et cahotantes mais comme des êtres vivants, évolutifs, interconnectés, dotés d’une vie propre.

 
Louise Browaeys, Ingénieur Agronome – RSE, Transition agricole et alimentaire, Agriculture bio, Nutrition
Consultante RSE et facilitatrice en intelligence collective
 
Dessins ©Étienne Appert
 
Bibliographie :
–              Frédéric Laloux, Reinventing organisations : Vers des communautés de travail inspirées, Diateino, 2014
–              Isaac Getz, L’Entreprise libérée : Comment devenir un leader libérateur et se désintoxiquer des vieux modèles, Fayard, 2017
–              Douglas McGregor, The Human Side of Enterprise, McGrawHill, 1960
–              David Emerald Womeldorff, The power of Ted, the empowerment dynamic, Paperback, 2016
–              Don Miguel Ruiz, Les 4 accords Toltèques : la voie de la liberté personnelle, Jouvence, 2016
–              Thomas d’Ansembourg, Cessez d’être gentils, soyez vrais, être avec les autres en restant soi-même, Les éditions de l’homme, 2004
 

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