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Emmanuel Macron

Macron : le CETA aux forceps

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En dépit des risques environnementaux, sanitaires et de la surpuissance donnée aux lobbies, Macron veut accélérer la ratification du CETA. Le président de la République a en effet appelé à la ratification la plus rapide possible de ce traité commercial entre le Canada et l’Union européenne. Après deux ans de mise en œuvre provisoire et malgré les nombreuses controverses qu’il suscite, le CETA sera inscrit dans les prochaines semaines en Conseil des ministres en vue d’une ratification, « dans les meilleurs délais » par un vote de l’Assemblée nationale.
 
« Après presque deux ans de mise en œuvre provisoire, le bilan du CETA est positif, la déstabilisation économique qui avait été crainte par certaines filières agricoles sensibles n’a pas eu lieu, en particulier les importations de viande bovine », a souligné le président Macron lors d’une conférence de presse. « Le risque d’une déstabilisation à moyen terme est endiguée ». « Une application définitive du CETA peut se faire en totale cohérence avec les exigences nationales en matière de santé et d’environnement », a-t-il ajouté. « Je souhaite pour ce faire que l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines puisse examiner ce texte pour lecture et adoption en première lecture ».
 
Le CETA, que l’UE et le Canada négocient depuis 2009, est entré provisoirement en vigueur le 21 septembre 2017 et doit être approuvé par les parlements nationaux pour être définitivement mis en œuvre.
 

Un traité controversé

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron, qui est favorable au CETA, s’était dit prêt à reconsidérer sa position si l’impact du traité était jugé négatif par la commission d’évaluation qui a été mise en place en juillet 2017. Cette dernière a estimé que le traité devrait avoir un impact « légèrement défavorable » sur le climat et a émis neuf recommandations au gouvernement.
 
Pour ses partisans, le traité constitue un tournant dans la défense du libre-échange face à une vague protectionniste et permet de faire disparaître les tarifs douaniers sur près de 99 % des marchandises entre les deux partenaires.
Ses détracteurs estiment en revanche que ce traité constitue un risque de régression en matière de normes sociales et environnementales de l’Union européenne.
 
Les risques de ces accords de libre-échange de nouvelle génération, qui considèrent à peu près tout comme des barrières au commerce à supprimer ou à contourner, y compris les normes sociales et environnementales, sont en effet bien connus : pour la protection des droits sociaux, des consommateurs et de l’environnement, l’agriculture et l’alimentation.
Ces traités prévoient en effet des mécanismes qui se traduiront par un gel des réglementations, voire une impossibilité de les améliorer alors même qu’elles ont encore besoin d’être renforcées en ce qui concerne la protection de la santé, la transparence de l’étiquetage (Nutri-score), les pesticides, les OGM, etc.
 
La plupart du temps, ce type d’accords a un objectif simple : réduire les droits de douane afin de stimuler les échanges commerciaux. Mais le CETA et ses cousins vont plus loin : l’enjeu est de s’attaquer aux autres « obstacles au commerce », c’est-à-dire les différences de normes et standards. Le problème est que cela ne concerne pas seulement les normes techniques, mais aussi les réglementations qui protègent l’environnement, les droits sociaux ou encore les consommateurs. Ces accords vont beaucoup plus loin que les questions de commerce et auront de fait un impact durable sur notre vie quotidienne.
 

Risques sur les grands principes

Ces accords mettent en danger la capacité de nos institutions démocratiques à décider librement de politiques d’intérêt général. Selon les opposants à ces traités comme le CETA, plusieurs risques sont pointés :
 
Le principe de précaution. En Europe, un simple soupçon de nocivité, s’il est fondé, suffit à faire interdire un produit, ou un procédé. Aux Etats-Unis et au Canada, en revanche, un aliment peut rester sur le marché tant que sa dangerosité n’est pas prouvée. Or ce principe n’est absolument pas garanti ni dans le texte du CETA, ni dans les autres projets d’accords étudiés.
 
Le règlement des différends entre investisseurs et États : la possibilité offerte aux entreprises étrangères d’attaquer les États devant des tribunaux d’arbitrage, au motif que des décisions politiques affecteraient leurs bénéfices, réels ou attendus, est une véritable épée de Damoclès. La simple menace de poursuites risque de dissuader les pouvoirs publics d’adopter de nouvelles règlementations concernant par exemple la santé publique et bien sûr l’alimentation.
 
La coopération règlementaire : décider de normes communes pour les clignotants de voitures, pas de problème. Mais là encore, CETA et TAFTA vont beaucoup plus loin, avec un nouveau processus en dehors des circuits habituels de prise de décision démocratique. Aux commandes ? Un « forum » ou « comité » de personnes non élues qui auront voix au chapitre sur les règlementations décidées après l’adoption des traités. Le CETA met en place plus de dix comités aux larges pouvoirs et sans contrôle démocratique adéquat.
 
Un accord comme le CETA aboutit au risque que l’harmonisation des normes relatives à la protection des consommateurs et de la santé induise un nivellement par le bas et bloque la possibilité de renforcer ces niveaux de protection. Pour l’ONG foodwatch, la perte de souveraineté règlementaire pour les États et l’UE est préjudiciable à la démocratie.

LIRE DANS UP : Les accords commerciaux internationaux menacent-ils nos choix démocratiques ?

Le poids des lobbies
Ces traités ouvrent grand la porte à l’influence des lobbies, dès la phase d’élaboration des nouvelles réglementations. Ainsi, ils auront officiellement leur mot à dire avant même que les élus nationaux et européens, représentants des citoyens, ne soient consultés. Tout cela est rendu possible par la « coopération réglementaire ».
 
Sur le papier, cette coopération entre l’Union européenne et ses partenaires (Canada pour le CETA) semble inoffensive. Il s’agirait simplement de s’entendre pour éliminer au maximum les entraves au commerce et aux investissements. « Coopérer » sur les règlementations pour éviter des coûts inutiles, ou des doublons administratifs injustifiés, pourquoi pas ? Il parait sensé d’harmoniser la couleur ou encore la taille des clignotants des voitures de part et d’autre de l’Atlantique.
 
Mais, en réalité, cela va beaucoup plus loin. La coopération règlementaire garantit aux lobbies un accès à l’élaboration des règlementations et projets de lois. Ils seront consultés, pourront faire des commentaires et exiger des réponses – mécanisme appelé « notice and comment » outre Atlantique – en amont du processus. Leur rêve : pouvoir freiner ou même bloquer de nouvelles règles et être quasiment corédacteurs des nouvelles lois. La Chambre de commerce des Etats-Unis a d’ailleurs qualifié la coopération règlementaire de « cadeau qui ne cesse de rapporter gros ».
 
La Commission européenne promet que les standards ne seront pas bradés, et que les normes en vigueur en Europe ne seront pas abaissées. Pourtant, l’expérience d’une coopération transatlantique volontaire ces dernières années, laisse présager du pire après la mise en œuvre de CETA et TAFTA (voir à ce sujet le rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory).
 
De toute évidence, la coopération réglementaire possède un objectif plus ambitieux : éliminer un maximum de « barrières non tarifaires » au commerce, c’est-à-dire de différences législatives. En d’autres termes les standards divergents, tels que le principe de précaution ou les règles sociales et environnementales, comme par exemple l’interdiction des OGM ou du bœuf aux hormones. Or si les lois ne sont pas identiques entre le Canada, les Etats-Unis et l’Union Européenne, c’est parce que nos élus ne prennent pas des décisions identiques.
 
Ces processus, et le rôle de plus d’une dizaine de comités dans l’exemple du CETA, auront lieu en dehors des circuits habituels de prise de décision démocratique. Pour les mettre en œuvre, les comités et un « forum » de coopération réglementaire réunissant des représentants commerciaux non élus pourra prendre des décisions sur les réglementations, en discussion avec les acteurs concernés, en particulier les lobbies industriels. Un système « d’alerte précoce » permettra que l’autre partie (le Canada dans ce cas) soit informée et consultée dès la phase de projet et de rédaction d’une nouvelle réglementation, c’est-à-dire avant que les parlementaires ne soient consultés.
 

Le pouvoir incertain du Parlement

La question d’un éventuel rejet de la part des parlementaires français demeure elle aussi en suspens. Avec l’entrée en vigueur provisoire, la vaste majorité de l’accord s’applique déjà, et seules quelques dispositions (tels que les tribunaux d’arbitrages) doivent effectivement attendre le vote de l’ensemble des parlements nationaux pour s’appliquer des deux côtés de l’Atlantique.
 
Une situation qui agace côté parlementaire. Depuis le 21 septembre, « environ 90% des mesures prévues dans ce traité sont appliquées » a rappelé la députée Clémentine Autain (La France insoumise), lors du débat à l’Assemblée. Pour les députés, chargés de ratifier les 10% restant, la question de la portée d’un éventuel rejet pose aussi question. « C’est la grande question mystère. Un vote négatif bloquerait évidemment les dispositions qui ne sont pas encore entrées en application, mais l’effet est plus incertain pour le reste » explique Mathilde Dupré de l’Institut Veblen.
 
Côté français, un rejet parlementaire engendrerait une suspension de l’accord dans son intégralité, a confirmé le Secrétaire d’État aux Affaires européennes, Jean-Baptiste Lemoyne, aux députés. Mais au niveau européen, le son de cloche est différent. « Lors de son audition à l’Assemblée nationale, le commissaire européen Pierre Moscovici nous a répondu que le CETA continuerait à s’appliquer » en cas de rejet d’un des parlements nationaux, a rappelé Clémentine Autain. « Comment pouvons-nous accepter un tel déni démocratique ? » a-t-elle interrogé.
 
Pour l’heure, huit pays européens ont déjà ratifié le CETA : la Croatie, le Danemark, l’Espagne, la Lettonie, Malte, la République tchèque, l’Estonie et le Portugal.
 
Sources : Euractiv, AFP
 

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