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Doit-on créer un principe d’innovation ?

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Suite au rapport de la Commission Lauvergeon de septembre 2013, l’idée de créer un principe d’innovation qui permette de fonder une grande démarche Gouvernementale de l’innovation en France fait son chemin.

Tout d’abord, le Gouvernement a acté par la déclaration de son ministre de l’Innovation (1) le 5 novembre 2013 que l’existence d’une politque d’innovation était devenue une des composantes de l’action gouvernementale, au même niveau que la politique de l’éducation, de la recherche ou du logement. 

Puis la Commission, le 18 avril dernier, a défini des ambitions d’innovations devant conduire à des activités créatrices de richesses et d’emplois.
L’innovation est indispensable pour que la France, dans dix ans, soit dans la course mondiale et conserve son niveau de vie et son modèle social. Le rapport présente sept ambitions pour la France sur le plan technologique et industriel à l’horizon 2030 : le stockage de l’énergie ; le recyclage des matières ; la valorisation des richesses marines ; les protéines végétales ; la médecine individualisée ; la silver economy (l’économie des seniors) ; la valorisation des données massives (Big Data).

En développant la notion de principe d’innovation, il s’agit de donner à cette politique Gouvernementale une assise politique durable et de faire de l’innovation l’un des grands principes qui structurent la vie politique française.

En d’autres termes, il s’agit de faire entrer officiellement dans notre code de conduite le fait que notre pays cherche à apporter des réponses toujours plus performantes aux besoins de notre société, sans nous enfermer sur des moyens et des méthodes du passé. L’innovation, comprise comme le développement d’un paradigme socio-économique durablement plus performant, deviendra ainsi une des règles fondamentales de fonctionnement de notre société. Tel est l’enjeu de la démarche lancée par le rapport de la Commission Lauvergeon.
Ce vaste thème recouvre de multiples sous-débats et modifie l’une des règles fondamentales, mais non écrite, du fonctionnement de notre société : le progrès.

Le point de départ de ce principe est une demande ainsi formulée par plusieurs responsables économiques :
« – Reconnaître que l’innovation est essentielle au succès économique (1),
– accorder un accueil favorable à la nouveauté (2),
– simplifier les procédures (3),
– encourager l’expérimentation (4),
– alléger les normes (5),
– consacrer une part significative des commandes publiques à des propositions innovantes (6),
– faire preuve de constance dans les politiques publiques (7),
– valoriser la prise de risques et son corollaire, la tolérance à l’échec, dans le sytème éducatif (8), etc.,
sont autant de mesures que la Commission recommande d’inscrire dans un principe d’innovation, qui équilibre le principe de précaution. Ce principe, promu au plus haut niveau de l’Etat, peut constituer un fil directeur commun à une politique d’avenir ambitieuse, résolument tournée vers l’avenir, et montrer aux entrepreneurs que l’Etat soutient leurs initiatives » (2).

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Ces huit règles n’ont qu’une seule justification et qu’un seul objectif : soutenir l’innovation. Il s’agit maintenant de définir le principe juridique qui permette d’atteindre cet objectif. Ce principe doit naturellement être au-dessus et contenir l’essentiel des huit règles proposées par la Commission.

1 – Nouvelle donne pour l’innovation, déclaration de Fleur Pellerin, ministre de l’innovation au 5 novembre 2013.
2 – In « Un oprincioe et sept ambitions pour l’innovation », Commission sous la Présidence d’Anne Lauvergeon – 2013. Commission composée de Philippe Aghion, François Bourdoncle, Jean-Louis Caffier, Nicolas Dubourcq, Mathias Fink, Jean-Claude Lehmann, Thierry Mandon, Pierre Prieux, José Alain-Sahel, Jacques Biot, Philippe Bouyoux, Alain Demarolle, Mercedes Erra, Claudie Haigneré, Didier Lombard, Jean Pisani-Ferry, Alain Rousset, Michel Serres et Henri Verdier ; les rapporteurs étant Aurélie Faitot et Benoît Legait.

Faut-il un principe ou une pratique d’innovation ?

Le combat des anciens contre les modernes est de tous les temps. Au XIXème siècle, le triomphe de la notion de progrès avait ce débat car le progrès était devenu à la fois général.
Ce débat est réapparu avec le XXème siècle et la remise en cause de la notion de progrès, notamment, suite aux phénomènes de pollution massifs et souvent irréversibles.
Dans les grands pays occidentaux, cette évolution a conduit au développement d’un courant politique qui entend limiter les effets négatifs du progrès et parfois même en freiner l’évolution.

Mais, entre le progrès tyrannique et la stagnation technologique, beaucoup estiment qu’il existe un chemin (3) pour un progrès choisi en fonction des besoins et des ambitions de la société. Le choix de ce chemin peut s’exprimer dans une pratique ou être confirmé par un texte juridique fondamental.

Ce principe existe-t-il ?

Depuis plus de deux siècles, l’Occident se développe selon le principe implicite et approximatif du progrès. Il est temps de prèciser cette démarche. En d’autres termes, peut-on aujourd’hui formuler un principe général d’innovation qui se situe au niveau des principes généraux de la Constitution française ?
Rappelons que le préambule de la Constitution française fait référence à un certain nombre de grands principes du droit : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils sont définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ».

Peut-on ajouter une référence à une charte de l’innovation qui deviendrait alors le fondement d’un principe directeur d’organisation et de fondement de la République ?
A certains égards, ce principe d’innovation viendrait formaliser une version acceptable de la notion de progrès qui a servi de fondement implicite à bien des décisions politiques depuis deux siècles.

(3) envisagé dès le début du XXème siècle par Bergson sous le vocable d’évolution créatrice. Cette notion de progrès choisi et non plus imposé, a inspiré la démarche « progessiste » du Général de Gaulle dès les années 30. Pour concrétiser cette démarche dans le domaine de la R&D, le Général de Gaulle a largement utilisé les travaux réalisés dans les années 50 sous la direction de Piere Mendès-France.

Les contours d’un principe

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Essayons d’en déterminer les contours : à partir d’une définition de l’innovation et de son principe de fonctionnement, il s’agit de définir sa place dans la société et les règles d’acceptabilité, de soutien ou de rejet de cette innovation :
– L’innovation est le développement d’un paradigme socio-économique durablement plus performant pour la société.
– En raison des bénéfices économiques considérables que la société retire de ces innovations, celle-ci doit encourager et soutenir ceux qui en assument le développement.
– L’innovation résulte d’un choix collectif initié par un innovateur, personnalité exceptionnelle ou équipe réduite. Ce choix collectif se réalise selon divers processus depuis la simple mise sur le marché (automobile) jusqu’au vote d’une Loi (nucléaire). Dans tous les cas, la société doit s’assurer que tous les avantages qu’elle en retirera compensent et au-delà, tous les coûts qu’elle devra supporter.
Dans nos sociétés, comme dans la science économique « officielle », l’innovation est encore bien peu de chose. En établissant un tel principe, l’innovation devient à la fois un axe principal et une règle fondamentale de notre économie et de notre société, à l’instar de la défense nationale ou de la formation.

Pour exemple, « Le gaz de schiste est interdit au nom du principe de précaution, illustre l’ancienne patronne d’Areva. En vertu du principe d’innovation, on pourrait tenter d’imaginer d’autres façons de mener des explorations que la fracturation hydraulique qui pose problème. Cela permettra déjà de savoir s’il y a en France des gisements de gaz de schiste ou pas du tout… »

Ce principe doit-il être écrit ?

La question a été posée notamment par les travaux du CESE du 10 décembre 2013 dans le cadre d’une journée intitulée « Principe de précaution et dynamisme d’innovation ». Il en est ressorti que la dynamique d’innovation pourrait compléter, sinon compenser le principe de précaution. Mais qu’est-ce qu’une dynamique de l’innovation ?

Pas de placement du débat à ce niveau de la coutume mais au niveau de la règle de droit et de la politique : puisque la précaution a été sanctuarisée (et cela, avec un texte d’une grande sagesse), il  paraît indispensable que l’innovation le soit aussi. A la règle écrite précaution, il faut ajouter une règle écrite d’innovation.
De plus, dans notre pays où la Loi écrite a progressivement effacé la coutune, notamment après la révolution, il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’écrit.
Pour les Français, ce qui est établi sur des raisonnements, des analyses et des textes vaut souvent mieux que l’usage.
L’écriture d’un principe d’innovation va dans ce sens. Il formalise un raisonnement, une démarche et un principe qui prendront progressivement la place autrefois réservée au progrès ; avec toutefois une ambition plus limitée puisqu’il ne s’agira ici que d’un mécanisme matériel et non d’une croyance en un progrès global millénariste, de la société.

A quel niveau juridique ou politique doit être situé ce principe ?

Dans la mesure où d’une part la Constitution française comprend, depuis 2004, un principe de précaution et où d’autre part, elle a progressicement évolué d’une simple écriture des règles générales de fonctionnement des pouvoirs publics à la définition sans cesse étendue des grands principes qui règlent le fonctionnement politique de notre pays, de notre Etat, de nos administrations et de notre société, il est normal que le principe d’innovation trouve sa place aux côtés du principe de précaution.

Comment élaborer un principe d’innovation consensuel ?

Définir un principe d’innovation qui vienne équilibrer le principe de précaution dans le cadre d’une dynamique positive vers l’avenir est le souhait de très nombreux opérationnels de l’économie, de responsables politiques et d’intellectuels qui souhaitent que la France et les Français dépassent la crainte du progrès sans oublier le respect de l’environnement.

Nous avons vu qu’il était possible de définir un tel principe et qu’il était souhaitable de l’écrire car la coutume ne suffirait pas à l’établir.

Il faut maintenant définir une démarche permettant de préparer la construction d’un consensus politique entre les différents intervenants dans ce débat, pour autant qu’ils acceptent un objectif global d’amélioration du sort des Français et de l’humanité.
Cette démarche passera par une définition de l’innovation, la définition d’une méthodologie d’appréciation de son bénéfice pour la société et de la définition des principes généraux de choix collectifs acceptables par tous.

Source : ©PNS/!FPI/Groupe de travail OPECST/8 avril 2014)

– Compte-rendu intégral « Principe de précaution et dynamique d’innovation – Débat d’actualité » / 10 décembre 2013

– Rapport officiel  » Principe de précaution et dynamique d’innovation » / JO du 13 janvier 2014

– Livre « Aux risques d’innover : les entreprises face au principe de précaution » de François Ewald – Editions Autrement 2009

Livre « De Gaulle et la technologie » de Stanley Hoffmann (Préface), Patrice Noailles (Auteur), Charles de Gaulle (Auteur), Gilles Marchandon (Auteur), Alain Peyrefitte (Auteur), Pierre Guillaumat (Collaborateur), Jacques Chirac (Préface). Edition Lavoisier 1994.

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