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Immortalité

Immortalité et jeunesse retrouvée ? Des chercheurs percent le secret de l’horloge interne qui nous fait vieillir.

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Des scientifiques américains affirment être sur le point d’enrayer le mécanisme du vieillissement. Ils viennent de révéler une étape cruciale du cycle catalytique d’une enzyme, la télomérase. Celle-ci détient la clé pour retarder ou même inverser le processus de vieillissement cellulaire. La compréhension de ce mécanisme resté jusqu’à ce jour mystérieux, offre de nouvelles perspectives vers des traitements antivieillissement efficaces. Les médecins parlent même de possibilité de rajeunissement ! Sommes-nous à la veille de réaliser le fantasme faustien de l’humain : ne plus vieillir et retrouver sa jeunesse ?
 
La plupart d’entre nous admettons, bon gré, mal gré, que le vieillissement et a fortiori la mort ne sont que les prix inévitables que nous avons à payer pour être en vie. Mais, au fond de nous, nous espérons toujours pouvoir passer outre. Les recherches antivieillissement se sont concentrées, depuis longtemps, sur des structures particulières de l’ADN, les télomères. C’est là que les chercheurs pensent trouver le secret du vieillissement.
 
Le premier à lever le voile du mystère des polymères est le biologiste soviétique Alekseï Olovnikov. En 1971, il est le premier à émettre l’hypothèse que la durée de vie maximale des cellules en culture est corrélée à la perte progressive de séquences télomériques.
Les télomères se situent à l’extrémité des chromosomes. Ils comportent des séquences répétitives d’ADN dont la fonction principale est de protéger l’extrémité des chromosomes. Ils les empêchent, en quelque sorte, de s’effilocher en prévenant ainsi la perte des données du chromosome.  Chaque chromosome humain comporte ainsi plusieurs centaines de séquences de télomères. Mais, – et c’est là que se situe le destin tragique de la vie –, à chaque division cellulaire, les télomères s’érodent jusqu’à atteindre une taille critique qui déclenche l’entrée en sénescence de la cellule. Les télomères sont donc, en d’autres mots, le stock de temps imparti à nos cellules. C’est une véritable horloge biologique qui décompte le temps restant jusqu’à la mort.
 
Arrêtons-nous un instant à ce stade et rêvons : si nous pouvions intervenir sur le mécanisme de cette horloge, ne pourrions-nous pas enrayer ce décompte fatidique ? Et si nous pouvions remonter les aiguilles de cette horloge, ne rajeunisserions-nous pas ? Certes, mais encore faut-il comprendre le moteur de ce mécanisme. C’est ce qu’ont commencé de faire Elisabeth Blackburn et Carol Greider. Ces deux biologistes ont détecté une enzyme qui synthétise de nouvelles séquences d’ADN télomérique. Cette enzyme, la télomérase, est dotée d’une capacité très intéressante : elle favorise l’allongement des télomères. Elle rajoute du temps au décompte de l’horloge. Cette découverte valut le prix Nobel de médecine 2009 aux deux biologistes.
 

Le rôle clé de la télomérase

La télomérase détiendrait donc la clé pour retarder ou même inverser le processus de vieillissement cellulaire. La télomérase compense le vieillissement cellulaire en allongeant les télomères, en ajoutant de nouveau des répétitions d’ADN perdues pour ajouter du temps au compte à rebours de l’horloge moléculaire, prolongeant ainsi efficacement la durée de vie de la cellule. La télomérase allonge les télomères en synthétisant de façon répétée des répétitions d’ADN très courtes de six nucléotides – les éléments constitutifs de l’ADN – avec la séquence « GGTTAG » sur les extrémités chromosomiques.
 
La suralimentation de l’enzyme télomérase pourrait aider à prévenir le vieillissement (Crédit : Arizona State University)
 
 
Serions-nous sur le point de trouver le secret ? Pas tout à fait car l’activité de l’enzyme télomérase est insuffisante pour restaurer complètement les répétitions d’ADN télomère perdues, ni pour arrêter le vieillissement cellulaire. Le rétrécissement graduel des télomères affecte négativement la capacité de réplication des cellules souches adultes humaines, les cellules qui restaurent les tissus endommagés et/ou reconstituent les organes vieillissants de notre corps. L’activité de la télomérase dans les cellules souches adultes ne fait que ralentir le compte à rebours de l’horloge moléculaire et n’immortalise pas complètement ces cellules. Par conséquent, les cellules souches adultes s’épuisent chez les personnes âgées en raison du raccourcissement de la longueur des télomères, ce qui entraîne une augmentation du temps de guérison et une dégradation des tissus organiques en raison de populations cellulaires inadéquates.
 
Ce problème est un sujet central chez les biologistes. Les scientifiques tentent depuis des années de trouver des moyens de ralentir la dégradation des télomères, de les réparer ou même d’augmenter leur longueur. On soupçonne bien que la télomérase est en mesure de reconstituer les télomères au fur et à mesure qu’ils se dégradent. On pourrait empêcher le vieillissement pendant un certain temps, mais en fin de compte, comme le sable, les grains de vie nous filent entre les doigts.
 

Un système de freinage intégré

Problème insoluble ? Pas vraiment pour des chercheurs tenaces. C’est le cas du professeur Julian Chen et de son laboratoire de l’École des sciences moléculaires de l’Université d’État de l’Arizona. Ils viennent de publier, ce 12 février, dans la revue scientifique EMBO, les résultats de travaux qui mettent à jour une étape cruciale du fonctionnement de la télomérase.
 
En examinant de très près comment la télomérase agit, ils ont bien repéré que cette enzyme code une chaîne répétée de six nucléotides – GGTTAG – sur les extrémités des chromosomes.  Cela on le savait. Mais le fait nouveau est qu’ils ont remarqué qu’après chaque séquence, il y avait un signal de pause pendant le redémarrage du cycle.  Il y aurait une sorte de freinage intégré dans la télomérase.  De plus, ce signal de freinage reste actif pendant la séquence suivante, ce qui ne peut manquer de réduire l’efficacité de l’enzyme.
 
« La télomérase est dotée d’un système de freinage intégré pour assurer une synthèse précise des répétitions exactes de l’ADN télomère », explique le professeur Julian Chen. « Cependant, ce frein de sécurité limite également l’activité globale de l’enzyme télomérase. Trouver un moyen de relâcher correctement les freins de l’enzyme télomérase a le potentiel de rétablir la longueur de télomère perdue des cellules souches adultes et même d’inverser le vieillissement cellulaire lui-même. »
En d’autres mots, si l’on trouve la pédale du frein, on a gagné !
 
La révélation de ce système de freinage résout enfin le mystère vieux de plusieurs dizaines d’années de la raison pour laquelle un seul nucléotide spécifique stimule l’activité de la télomérase. En ciblant spécifiquement le signal de pause qui empêche la reprise de la synthèse répétée de l’ADN, la fonction enzymatique de la télomérase peut être suralimentée pour mieux prévenir la réduction de la longueur des télomères, ce qui pourrait rajeunir les cellules souches adultes humaines vieillissantes.
 
Résumons en termes simplistes : la nature a prévu un système de freinage intégré dans le mécanisme de la télomérase. Ce frein remplit une utilité, il empêche des répétitions erronées de l’ADN. Mais la conduite de la nature est extrêmement prudente. Elle garde le pied sur le frein ce qui conduit progressivement à l’arrêt. Donc la mort. Si on relâche les freins, que risque-t-il de se passer ? En conduite automobile, c’est le crash assuré.
En biologie, ce « crash », c’est le cancer. Les tumeurs sont en effet essentiellement des cellules qui se développent de façon incontrôlée. Il n’est donc pas surprenant que les cellules cancéreuses soient connues pour détourner la télomérase pour maintenir leur croissance aberrante et destructrice.
 
L’augmentation et la régulation de la fonction télomérase devront être effectuées avec précision, en marchant sur une ligne étroite entre le rajeunissement cellulaire et un risque accru de cancer. Les chercheurs en sont conscients et affirment que tout traitement antivieillissement potentiel qui réduit les freins de la télomérase devrait cibler uniquement les cellules souches adultes.
 
Cette réserve importante faite, il n’en demeure pas moins que cette découverte révèle que l’étape cruciale du cycle catalytique de la télomérase est une nouvelle cible médicamenteuse importante. Des médicaments à petites molécules pourraient être conçus pour accroître l’activité télomérase exclusivement dans les cellules souches. Cela accélèrerait le traitement de certaines maladies du vieillissement voire même développer des thérapies antivieillissement sans augmenter le risque de cancer.
 
 
Les travaux de cette équipe de scientifiques sont impressionnants car ils semblent avoir mis en lumière un fonctionnement caché du vivant. Ils s’inscrivent dans une tradition longue, aussi longue que la vie humaine, celle de la quête de l’immortalité. Dans UP’ Magazine, la philosophe Mazarine Pingeot en brossait récemment la fresque. Ce rêve prométhéen   de l’humain cherchant à contrer le vieillissement et in fine, la mort elle-même, les transhumanistes en sont obnubilés. Ils pensent que la technologie nous permettra d’augmenter notre corps et de l’affranchir de ses servitudes.

LIRE DANS UP : Serons-nous un jour immortels ?

Les chercheurs de l’Arizona montrent que la nature est prudente. Elle a tout organisé pour que nos organismes aient une fin. Sommes-nous bien raisonnables d’essayer d’en contourner les desseins ? Des médecins comme Jean-François Toussaint nous disent que l’homme a déjà atteint ses limites.  Les dépasser nous expose à des risques.  La démarche sinue sur une ligne de crête dangereuse où le bien côtoie le mal.
Les chercheurs parviendront sans aucun doute à relâcher, un jour, les freins dont la nature s’est dotée. Nous pourrons certainement agir sur le moteur de la vie et de l’obsolescence programmée de notre corps. Mais, au fond, est-ce bien souhaitable ?  
 
 
 

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