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Bioéconomie : de quoi parle-t-on ?

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Voici la contribution de René Passet aux Assises du vivant du 30 novembre 2012, organisé par VivAgora au siège de l’INESCO Paris. D’abord définir ce dont on entend parler.

Je considère que la bioéconomie n’est ni une discipline particulière, ni une branche particulière de l’économie, mais celle-ci tout entière, qu’il convient de repenser dans le respect des mécanismes naturels assurant la reproduction de la biosphère et des sociétés humaines que cette dernière porte en elle.

En effet, la question, aujourd’hui cruciale, du développement durable marque le moment où, les limites de la capacité de charge de la biosphère étant franchies, la plupart des conventions fondatrices de l’économie se trouvent remises en question. Ainsi :

– la nature cesse d’être ce bien libre, inépuisable et indestructible, situé hors du champ du calcul économique qu’elle était supposée être depuis les premiers classiques ; elle entre dans le circuit de la rareté.

– la relation positive censée relier la variation quantitative d’une provision de biens et les satisfactions qui en découlent devient aléatoire et peut s’inverser (paradoxe d’Easterlin) avec la saturation des besoins, où lorsqu’une production supplémentaire se paie d’une atteinte au patrimoine naturel dont elle provient.

– l’hypothèse de substituabilité – entre biens comme entre facteurs – située au cœur de toute stratégie d’optimisation, se heurte aux limites physiques de la planète : accroître la quantité d’une ressource qui s’épuise ne compense pas la réduction quantitative d’une autre ressource encore abondante dans la nature.

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L’économie est condamnée à redécouvrir qu’elle ne manipule pas seulement des valeurs monétaires, mais aussi des flux physiques et énergétiques qu’elle prélève, transforme et rejette sur les milieux naturels. Elle ne saurait donc être durable que si elle déploie ses stratégies d’optimisation dans le respect de deux impératifs fondamentaux :

– En premier lieu, l’insertion de ses processus linéaires dans les phénomènes de circularité par lesquels flux et stocks naturels assurent leur reproduction (en évolution) dans le temps ; cela suppose : une gestion permettant d’assurer les prises de relais des ressources naturelles non renouvelables par d’autres ressources (de préférence reproductibles) ; le respect des rythmes de reproduction des ressources renouvelables ; le respect des rythmes d’autoépuration des milieux. Cela suppose la préservation, non point des choses, mais des fonctions de la nature. Cette économie-là doit s’ouvrir à des réalités qu’elle pouvait ignorer aussi longtemps qu’elle ne menaçait pas leur existence; elle doit se faire transdisciplinaire.

– En second lieu, dans la mesure où organes et fonctions se déterminent mutuellement, l’économie doit repenser son organisation et sa gouvernance à la lumière des principes issus des systèmes vivants qui sont des systèmes complexes : il faut se garder ici de confondre une réflexion sur les principes avec une simple transposition de modèles d’un domaine à un autre.

Telle est la conception que je me suis attaché à développer, dès 1979, dans mon livre L’Economique et le Vivant, ainsi que, plus récemment (2010) dans Les grandes représentations du monde et de l’économie.

Au moment crucial où le paradigme néolibéral se fissure sous le poids de ses propres contradictions, on peut déclarer que le paradigme économique de l’avenir devra être bioéconomique… s’il doit y avoir encore un avenir pour l’humanité.

Par rapport à d’autres conceptions :

– Cette bioéconomie, se situe aux antipodes de ce que Gary Becker désigne du même terme et qui constitue, en fait, une simple prétention à absorber la logique de la biosphère dans celle d’une économie prétendument « généralisée » , attitude réductionniste s’il en est ;

– Eu égard à Georgescu-Roegen, elle se rattache à la ligne pionnière inaugurée par celui-ci, intégrant les phénomènes économiques dans les flux de l’énergie solaire qui les anime et les nourrit ; mais elle en diffère sur deux points fondamentaux : 1°/ alors que Georgescu s’en tient étroitement à la thermodynamique des systèmes fermés de Carnot, aboutissant fatalement à la dégradation entropique , je m’appuie sur la thermodynamique des « structures dissipatives » de Prigogine, qui se réfère à des systèmes ouverts ( notre planète est un système ouvert sur l’énergie solaire) , et débouche sur les processus de « destruction créatrice » propres à l’évolution complexifiante des systèmes vivants …et de l’économie ; 2°/Par ailleurs , l’une des faiblesses de Georgescu, à laquelle je m’efforce de remédier, est de ne jamais pénétrer dans le jeu des mécanismes naturels, pour s’en tenir à ce que j’appellerai une simple « entropie du vivant ».

Il me semble – sans vouloir remonter au-delà de l’époque moderne – que la grande école de pensée que l’on puisse considérer comme authentiquement bioéconomique est l’Ecole Physiocratique . En 1758, le Tableau Economique de François Quesnay nous propose une économie entièrement subordonnée au respect d’un « Ordre naturel » et de « lois naturelles » d’ordre physique et moral, « dont les sociétés ne sauraient s’écarter, nous dit Le Mercier de la Rivière, sans trahir leurs véritables intérêts, sans cesser d’être des sociétés ». Cela clôt, me semble-t-il, toute autre recherche de paternité.

vivagora

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