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bio-innovation et biologie de synthèse

Vivant synthétique : attention, ça grouille…

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Lors de la dernière convention des Nations Unies pour la diversité biologique, 195 Etats ont signé un accord exhortant toutes les parties à mettre en place des systèmes d’évaluation des risques afin de réguler la diffusion d’organismes, composants ou produits résultant de techniques de biologie de synthèse et d’appliquer le principe de précaution. Alors qu’un plan international de régulation de ces organismes est actuellement à l’étude sous l’égide de l’ONU, on assiste à un foisonnement de manifestations.

Le verdict est tombé ce 1er novembre : les Coréens remportent le concours iGEM, suivis par une équipe de San Diego, et d’un troisième groupe lauréat venu de Taipei. Pas d’Européens en vue… La cuvée 2014 est tournée vers l’Orient.

Les 245 équipes d’étudiants qui viennent de concourir au Jamboree 2014, sont des sportifs d’un genre nouveau. Leurs spécialités ? Bricoler des microbes. Vêtus aux couleurs de leurs équipes respectives, ils étaient plus de 2 500 à Boston pour la dixième édition de l’iGEM (lnternational Genetically Engineered Machine).  C’est le célèbre MIT (Massachussets Institute of technology) qui organise depuis 2004 ce concours international de biologie synthétique.

Le but pour les participants est de recomposer les génomes ou « partitions d’ADN » chez des bactéries, levures ou êtres vivants de leur choix (homme compris) afin de leur « faire-faire » des choses inédites. Ainsi par exemple, parmi les sept équipes françaises qui se sont mobilisées cette année, celle de Bordeaux a fait produire des protéines élastiques à leurs bactéries, celle de Lyon a fait avaler du nickel à un microorganisme pour dépolluer l’eau, et celle de Toulouse a programmé une souche bactérienne de Bacillus subtilis pour qu’elle s’attaque au chancre coloré (champignon invasif) qui menace les platanes du Canal du midi… Le projet « The smell of us » (Notre odeur) de l’équipe pionnière Paris-Bettencourt s’est focalisé sur les bactéries qui dégradent la sueur en générant les effluves indésirables. Quant à l’équipe d’Evry, elle a travaillé sur un écosystème formé par l’éponge et son « Pseudovibrio » afin de l’aider à nettoyer les océans !

Le concours iGEM de Boston met la biologie de synthèse à l’honneur

L’iGEM prend de l’ampleur d’année en année et le nombre de candidats ne cesse de grandir. En 2004, pour sa première édition, le concours rassemblait seulement cinq équipes. Six ans plus tard, en 2010, 130 équipes avaient fait le déplacement. Du fait du nombre croissant d’inscrits, des sélections régionales sont organisées avant le grand rassemblement dans la célèbre université du Massachussetts.

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Les trois lauréats couronnés cette année ont proposé des choses contrastées : l’équipe de Corée du sud (CSIA – SouthKorea) a eu recours à une enzyme produite par la Klebsiella (entérobactérie responsable des infection urinaire) comme moyen de cristalliser le carbonate de calcium en calcite et aider ainsi à lutter contre la désertification.

L’équipe chinoise de Taipei (SAS Taipei) s’est attaquée à l’espérance de vie et a tenté d’empêcher le raccourcissement des télomères, phénomène qui règle la longévité. Enfin, l’équipe américaine (TP-CC-san Diego) s’est attelée à un sujet majeur : comment dé-toxifier les récoltes de fruits, graines, viande qui sont contaminées par les aflatoxines responsables de 40% des maladies dans les pays en développement ? Les étudiants ont modifié le génome de la célèbre bactérie Escherichia coli pour lui faire produire des enzymes chimères capables de détoxifier les aflatoxines.

Tous ces exemples illustrent la créativité des équipes et le champ foisonnant de la biologie de synthèse. Le plus souvent les constructions génétiques présentées sont des « preuves de concept ». Parfois seulement elles débouchent sur un développement concret comme c’est le cas du projet toulousain, d’éradication biologique du chancre des platanes par trithérapie de biofongicide.  La méthode, baptisée SubtiTree a reçu le soutien de quatorze organisations et entreprises dont celui du Ministère de l’Agriculture. Elle pourrait rendre inutile les abattages préventifs de platanes et préserver le paysage en bordure du Canal du Midi classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

L’imaginaire foisonnant à Vienne

Alors que se tenait à Boston le meeting festif de l’iGem, s’achevait à Vienne la seconde édition du festival Biofiction de film d’art et biologie synthétique.  L’événement vaut la peine qu’on s’y attarde, puisqu’il met en culture ce champ émergent des biotechnologies qui impactent déjà nos vies. L’occasion d’explorer l’imaginaire fertile qui surgit dès lors que l’on explore le principe vital. Ainsi pendant deux jours, cinéastes, artistes, designers, ingénieurs, biologistes, sociologues échangèrent, au cours de tables rondes entrecoupées de démonstrations de manips Do-it-yourself (expériences de biologie « amateur » et de présentation des films en lice (une centaine)).

Le jury a finalement primé quatre films. Le premier Copy and Clone (dans la catégorie animation) présente la réduction de l’élevage bovin en un flux depuis le troupeau jusqu’à la grande distribution en passant par l’abattoir. Réalisée par le français Louis Rigaud, cette animation se passe sur un écran d’ordinateur : les vaches sont créées, calibrées, programmées, mises en dossier avant d’être envoyées dans la chaîne de production. On aurait pu donner le titre de « Clics et meuglements » à cette création car ce sont les seuls sons que l’on y entend pendant ces quelques trois minutes d’animation.

Le second film salué par le jury est la fiction Hybris réalisée néerlandais Arjan Brentjes.

Il s’agit d’un dialogue télévisé métaphysique sur l’existence humaine entre deux hommes. Vaguement dérisoire, la discussion concerne le destin, et interroge la possibilité d’une vie éternelle. Mais alors que ferez vous pendant tout ce temps ? interroge l’enquêteur qui fait bigrement penser à Woody Allen. Ici la vie semble un jeu où l’on abat des cartes, tandis qu’apparaît sur l’écran des silhouettes qui simulent diverses situations, rencontres, émotions.  

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En troisième lauréat, le jury a choisi Tobias Revell pour son film New Mumbai, qui raconte l’usage inopiné d’un champignon génétiquement modifié, introduit par des trafiquants de drogues lors de la guerre civile indienne. Ce dernier est devenu la ressource clé du bidonville de Dharavi puisqu’il permet de fournir de l’énergie et de la chaleur, dans une démarche qu’on qualifie de Jugaad (terme qui désigne une idée innovante qui résoud facilement un problème).

Un prix spécial du jury a été décerné à Vermin, conçu par Adi Gelbart qui, sous forme d’un récit enregistré sur bande magnétique, met en scène des êtres aux formes de légumes produisant des machines organiques faites d’oignons et de laitues géantes.

La Convention sur la diversité biologique demande des précautions

Ces manifestations ont lieu alors que la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique vient de statuer sur la régulation de la biologie de synthèse. En effet, le 20 octobre dernier, 194 pays réunis à Pyeongchang (Corée du Sud) ont exhorté les Etats à réglementer la biologie synthétique qui n’est pas encadrée par des règles internationales. Les négociations ont été tendues entre le groupe des promoteurs (Brésil, Canada, Nouvelle Zélande, Australie et Grande Bretagne) et les pays réticents (Malaisie, Bolivie, Philippines, Ethiopie, Timor et Egypte) qui craignent que des produits issus de la biologie de synthèse remplacent leurs productions agricoles. On pense à l’exemple de l’artémisinine, qui intéresse l’industrie pharmaceutique du fait de son effet antipaludisme, extrait de la plante artémisine mais qui peut être produite par une Levure modifiée (projet développé par Sanofi). De même le parfum de vanille peut être extrait de levures aux génomes recomposés ou les huiles pour les détergents ou les savons peuvent être produites par des algues modifiées.

Plusieurs associations comme ETC Group, les Amis de la Terre, Econexus et la fédération des scientifiques allemands (qui coordonnent le site SynBioWatch) s’impliquent pour une vigilance dans ce domaine car ils craignent des perturbations des écosystèmes par des relargages non maîtrisés d’organismes synthétiques. Elles soulignent par exemple que la firme américaine Glowing Plants Inc. a l’intention de planter 6000 arbres modifiés sans surveillance  gouvernementale (Rappelons que les Etats Unis ne sont pas signataires de la CDB). En 2013, ces associations ont dénoncé vivement d’ailleurs le « Glowing Plant project » lancé par Kickstarter qui a récolté 450 000 dollars par crowdfunding. Finalement, la société Kickstarter a décidé de renoncer à toute initiative faisant appel à des organismes génétiquement modifiés.

Cet exemple atteste que ces choix biotech vont forcément concentrer à l’avenir des controverses sociales. Avec la biologie de synthèse, on réanime en effet les points d’achoppements de la guerre des OGM, avec en ligne de mire, les questions de maîtrise, de contamination (confinement), de propriété intellectuelle sur les organismes ou leurs composants, de concentration des entreprises…

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