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La biologie sans programme : la variation comme facteur de stabilité

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Une bio-économie qui préserverait le vivant et tout son potentiel évolutif ne peut pas ignorer ce qui fait la spécificité biologique. Est biologique ce niveau d’organisation de la matière où la variation aléatoire des entités constitue l’une des condition de pérennité de leur lignage. D’où les mécanismes biologiques d’amplification de la variation, des gènes mut des bactéries (qui protègent la population par l’acquisition rapide de résistances) jusqu’aux origines du sexe. Pour que le lignage biologique ait un futur, il faut que des entités (des « individus ») meurent. La variation fortuite fait mourir certains individus, mais fait office d’« assurance-vie » généalogique. Ce qui est bon pour l’individu ne l’est pas nécessairement pour le lignage et vice-versa. Et ceci à tous les échelons de l’organisation biologique. La régularité des phénomènes biologiques, partout où l’on peut la documenter, ne vient pas d’un « programme » mais de variations aléatoires sélectionnées, à l’échelle de temps correspondant au niveau d’intégration considéré. Ainsi, une biologie de synthèse qui parle de « logiciel » pour désigner les interactions entre gènes, qui abuse de la métaphore du « programme » et qui regarde une cellule comme un moteur de voiture  est condamnée à court terme. Pourquoi ?
Photo : Les trois singes de la sagesse-Sculpture de Hidari Jingoro au-sanctuaire Toshogu-a-nikko-Japon (croyance Koshin)
 

 
Dans le numéro du journal Science du 16 août 2002 un article fit grand bruit. Un même gène, dans des cellules présumées identiques, dans un environnement identique, ne s’exprime pas de la même façon. C’est le fruit d’une variabilité fondamentale qui résulte du comportement aléatoire de la machinerie cellulaire, comportement que nous avons désormais les moyens techniques de détecter, et surtout la prédisposition intellectuelle pour l’accepter. En effet, nous aimions bien penser auparavant que l’ordre apparent à grande échelle (celui du « bon fonctionnement » de l’organisme) provient d’un ordre à petit échelle, ordre donné par des instructions, des donneurs d’ordre, un programme.

Le caractère aléatoire de l’expression génétique est facteur de régularité

L’expression aléatoire des gènes, suivie de phénomènes sélectifs, nous offre désormais à penser un ordre à grande échelle (celle de la population) à partir de variations désordonnées parmi la multitude à petite échelle. Le caractère stochastique, c’est-à-dire aléatoire, de l’expression génétique était démontré et n’a fait que se confirmer depuis. Il a des répercussions désormais considérées comme capitales pour le destin des cellules.
 
Pour comprendre le fonctionnement des cellules, et plus largement les régularités de l’organisme, les modèles mécanistes, réductionnistes et ultra-déterministes du rôle des gènes ont progressivement laissé la place à une biologie probabiliste, où le hasard et la sélection naturelle entrent au cœur même des cellules. Pour forcer le trait et mesurer l’ampleur du changement de point de vue, on pourrait dire que « l’ADN fonctionne comme un générateur aléatoire de protéines soumis à des contraintes sélectives imposées par son environnement (Pour La Science n° 385, novembre 2009, p. 90). Les journaux français de vulgarisation scientifique se feront l’écho de cette nouvelle biologie et de ses conséquences (La Recherche, Octobre 2009, Pour La Science, Novembre 2009, Pour La Science dossier spécial Décembre 2013).

La sélection naturelle comme source de stabilisation

À quoi sert la sélection naturelle ? Nous avons appris à l’école qu’elle expliquait l’évolution des espèces. Qu’elle expliquait le changement. La variation dans les populations d’êtres vivants se fait dans toutes les directions, pas nécessairement selon les besoins futurs des individus qui les subissent. Les individus ont donc des aptitudes différentes. Le nombre de descendants qu’ils auront, et donc celles des aptitudes héritables qu’ils transmettront, dépendent des conditions locales du milieu dans lequel ils sont. Si l’on peut se permettre une métaphore, « la variation propose, le milieu dispose ». Si le milieu change, à long terme, les populations, et donc l’espèce, vont changer. Certes, cela reste vrai aujourd’hui, mais c’est insuffisant. Au vingtième siècle, nous avons (un peu) oublié qu’à court terme la sélection naturelle peut être stabilisatrice. Du moins plus précisément, nous ne l’avons pas mobilisée comme telle en tant qu’explication des stabilités d’un seul et même corps biologique.

L’espèce conçue dans la profondeur du temps

Il y a une raison à cet oubli. Au vingtième siècle, Ernst Mayr, l’un des principaux acteurs de la théorie synthétique de l’évolution, pratique ce qu’on appelle un « réalisme de l’espèce ». Pour lui, l’espèce est conçue ici et maintenant, en gros comme des populations dans lesquelles et entre lesquelles les gènes circulent. L’espèce est réelle.
Pourtant, avec Simpson, l’espèce est conçue « dans la profondeur du temps », et ce n’est qu’à cette condition que peut apparaître son caractère conventionnel, et non réel. Mais dans ce que va retenir la théorie synthétique de l’évolution, en gros entre 1937 et 1977, c’est que les espèces existent dans le monde matériel. Le rôle de la sélection naturelle va donc consister principalement à expliquer le changement des espèces.
 
Pourtant, si l’on relit attentivement Charles Darwin, la sélection naturelle est d’abord une source de stabilisation. Elle ne sera une source de changements que si le milieu change significativement. Il est remarquable de constater que le sous-titre du fameux livre « L’Origine des espèces » ne comporte pas le mot « évolution », ni « transformation », ni « transmutation ». Il comprend le mot « préservation » : « L’Origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle, ou lapréservation des races favorisées au cours de la lutte pour l’existence ».
 
Pour résumer, pour Ernst Mayr, la sélection naturelle explique le changement de espèces ; pour Darwin la sélection naturelle explique la préservation momentanée d’une moyenne des organismes, une ressemblance à laquelle nous donnons un nom d’espèce. Pour Mayr, l’espèce est réelle, pour Darwin elle est conventionnelle. Mayr se demande pourquoi et comment ce qui est régulier (l’espèce) change, Darwin se demande pourquoi ce qui change tout le temps (les variations des individus) arrive encore à offrir à nos yeux une régularité (une ressemblance). Régularité à partir de laquelle nous forgeons un nom d’espèce pour des besoins de communication.

Des cellules en état de variabilité et d’héritabilité

Cet oubli du XXème siècle aura des conséquences considérables. En effet, la biologie aura besoin d’un principe de changement pour expliquer l’évolution des espèces, mais d’un principe de stabilité pour expliquer la régularité de la structure et du fonctionnement du corps et de ses organes. Comme la sélection naturelle n’est pas regardée comme un principe de régularité, elle ne sera pas utilisée en médecine ni en physiologie, ni en biologie moléculaire, ni en biochimie, aux échelles concernées.
Ce principe de régularité résidera dans une métaphore importée en biologie depuis la cybernétique, celle du programme génétique. Dans le dernier tiers du XXème siècle, on enseignera encore à l’université que toutes les cellules d’un corps ont le même « programme », et même la même « information génétique », la différenciation cellulaire ne résultant que de l’allumage différents de diverses parties de ce même programme. Il arrivera, ponctuellement, que la sélection soit mobilisée pour résoudre des questions délicates insolubles sous le paradigme dominant, mais elle ne sera jamais considérée comme cadre théorique général de ces disciplines. En d’autres termes, on pouvait, dans ces années-là, soutenir une thèse dans ces disciplines sans jamais avoir entendu parler de sélection. La biologie restait borgne.
 
Aujourd’hui, nous savons qu’au sein d’un même corps biologique, les cellules subissent et enregistrent des variations génétiques. Ces cellules se divisent, et lors de la mitose, transmettent ces variations. Nous sommes donc en face de cellules faisant état de variabilité et d’héritabilité, et à partir de là, de cellules sélectionnables. Le couple variation-sélection naturelle est massivement entré dans le corps comme source de régularités à la charnière XXème-XXIème siècle.
Depuis la démonstration faite au niveau moléculaire du caractère aléatoire de l’expression génétique en 2002, la biologie d’aujourd’hui est mûre pour reconnaître que des phénomènes sélectifs à petit échelon sont source de stabilité, de régularités dans l’organisme à plus grande échelle, là où l’on mobilisait jadis la notion de « programme », devenue de moins en moins utile.
 
Ces phénomènes ont commencé en immunologie, avant de toucher les neurosciences, le développement embryonnaire, et la cancérologie. Les bouleversements peuvent en être considérables. L’actualité nous démontre que l’évolution, et plus exactement la sélection naturelle, est utile à concevoir à tous les étages de la biologie.

Les bonnes thérapies ne devraient pas être fondées sur l’éradication des cellules cancéreuses

Deux articles récents montrent l’actualité des deux piliers de la théorie darwinienne de l’évolution pour l’interprétation des tumeurs cancéreuses. Ces deux piliers sont le principe de sélection naturelle, d’une part, et la filiation généalogique avec modification, d’autre part.
S’agissant du premier pilier, Enriquez-Navas et al. consacrent les thérapies darwiniennes contre le cancer qui font de la sélection une source de stabilité.
Pour comprendre de quoi il s’agit, faisons un petit retour en arrière. Tout d’abord, il faut savoir qu’une tumeur cancéreuse détient une variabilité génétique considérable, supérieure à toute la diversité somatique partout ailleurs dans l’organisme. Jadis, nous pensions que pour guérir un patient, il fallait éradiquer les cellules tumorales prolifératives. D’où les traitements anti-cancéreux agressifs qui, à l’image des abus d’antibiotiques sur les populations de bactéries, finissaient par sélectionner involontairement des quelques cellules prolifératives résistantes au traitement (ce que les cancérologues appellent « competitive release »). Il s’en suivait parfois une bouffée de métastases qui tuait le patient.
Le changement auquel nous assistons n’est pas que technologique, il est aussi dans nos idées : en réalité, les cellules sont prolifératives par défaut. C’est un équilibre sélectif et un dialogue cellulaire qui canalisent, régulent le potentiel prolifératif de chacune, exactement à l’image de ce qui se passe avec les espèces dans un écosystème. Ce qu’on croyait être la conséquence –la prolifération- n’est qu’un état par défaut, et ce qu’on croyait être la cause –la présence d’une mutation « driver » dans un gène- n’est qu’une prédisposition susceptible d’être canalisée, mais qui ne l’est pas en présence d’une instabilité sélective ou d’un déficit de dialogue.
En cherchant à éradiquer les cellules tumorales, on ne rétablit ni dialogue, ni équilibre sélectif. On s’attaque à la conséquence, pas à la cause.
 
Enriquez-Navas et al. montrent que les thérapies chimiques utilisant des raisonnements adaptatifs sont plus efficaces que les thérapies éliminatives. Les doses de substances anticancéreuses utilisant le coût en fitness du phénotype résistant sont fortes au début, puis aléatoires ensuite, pour maintenir une sélection naturelle modérée qui engage la tumeur dans une stabilité de cohabitation entre phénotypes cellulaires, laquelle requiert ensuite des doses décroissantes de substances. Ils montrent par là que les bonnes thérapies ne devraient pas être fondées sur l’éradication mais sur une biologie évolutionniste.

Caractériser l’ordre d’apparition des mutations

Un autre article (Zhao et al.) s’intéresse à l’autre pilier, la filiation avec modification, en montrant que l’on peut reconstruire une phylogénie des cellules de la tumeur cancéreuse avec reconstruction des mutations somatiques ancestrales et inférence des temps de divergence entre lignées de cellules métastasiques.
L’une des conclusions est que les cellules métastasiques ne sont pas nécessairement tardives dans la tumeur, mais peuvent apparaître dès le départ dans la tumeur primitive, et ceci avant même que le diagnostic ait eu le temps d’être dressé. La phylogénie permet de dresser l’ordre d’apparition des mutations signalétiques du cancer, permettant de développer des thérapeutiques anti-cancéreuses spécifiquement tournées vers ces mutations « signalétiques » primitives, et pour cela rendues plus efficaces. Les thérapies anti-cancéreuses vont être profondément revues, conséquence de l’introduction de la sélection naturelle comme principe de compréhension des phénomènes du corps.

Epigénétique et au delà, héritabilité étendue

Depuis une vingtaine d’années, la biologie adopte une plus grande flexibilité concernant l’héritabilité. Ce qu’une population transmet à la génération suivante n’est plus seulement une affaire d’ « information génétique » qui serait codée dans le fameux ADN. Tout ce qui varie et qui se transmet est susceptible de subir, à l’échelle de la population, les effets de la sélection naturelle, et donc de concerner ce qu’on appelle l’évolution.
Certes, les gènes continuent de transmettre ; seulement voilà ils ne sont plus les seuls. Une partie de ce que subit l’individu laisse des marques chimiques sur cet ADN, des « étiquettes » qui conditionnent la « lecture » des gènes. Ce sont les marques épigénétiques. Certes, une mère transmet une partie de ses gènes à son enfant, cependant elle lui transmet aussi, après sa naissance, sa flore du tube digestif. Et l’on sait aujourd’hui à quel point celle-ci est importante pour la santé et le phénotype de l’individu.
Il en va de même pour la flore cutanée. Par exemple, une phylogénie des acariens de la flore cutanée résidente a été faite, elle correspond parfaitement à la généalogie des familles. Cela signifie que la transmission est assez fidèle.
 
Les langues varient, et sont transmises : chez les humains elles conditionnent même assez lourdement le choix des partenaires sexuels. C’est la même chose pour les habitudes alimentaires qui, dans la population, ont tendance en retour à sélectionner certains gènes intervenant dans l’assimilation de composantes de la nourriture. Cela est vrai à d’autres échelles d’observation : on sait aujourd’hui que des cellules somatiques (les cellules d’un même corps) sont sujettes à variation et sélection.
 
Ces constats sont courants aujourd’hui dans les neurosciences, en immunologie, en cancérologie par exemple. L’héritabilité dont nous parlons concerne donc aussi d’autres niveaux d’analyse des phénomènes biologiques. L’évolution du XXIème siècle n’a plus les yeux rivés sur le seul ADN. C’est, « à tous les étages » d’un organisme que des caractéristiques sont susceptibles de varier et de se transmettre. Le gène est désormais un partenaire, pas un notaire.

L’épigénétique moderne n’est pas « le retour de Lamarck »

Remarquons pour finir que l’on a coutume de dire que l’épigénétique annonce le retour de Lamarck. Cette idée courante est erronée à plusieurs titres. Premièrement parce qu’elle repose sur l’idée, en arrière-fond, que la différence entre Lamarck et Darwin résiderait dans l’héritabilité des caractères acquis au cours de la vie individuelle, qui serait admise par Lamarck et non par Darwin. C’est une erreur historique : Darwin l’admettait également (il ne connaissait pas les mécanismes fins de l’hérédité).
Ce qui fait la différence entre ces deux auteurs tient surtout à deux idées. Lamarck s’intéresse à l’origine de la variation dans les populations, Darwin la tient pour acquise et s’intéresse surtout aux conséquences de la variation.
Pour Lamarck, la variation apparaît en fonction des besoins de celui qui la porte, tandis que pour Darwin la variation apparaît au hasard, indépendamment de ces besoins. Pour Lamarck, le changement accumulé dans un lignage individuel reflète le changement de toute la population : il n’y a pas de différence de niveau entre aptitude et adaptation.
Chez Darwin, ces deux niveaux sont découplés : les changements d’un lignage individuel ne reflète pas nécessairement la moyenne des changements stabilisés dans la population. Aptitude (de l’individu) et adaptation (de l’espèce) sont deux qualités distinctes qui correspondent à deux échelles d’observation. L’épigénétique moderne est darwinienne : en effet, les marques épigénétiques ne sont pas nécessairement bénéfiques aux individus qui les ont. L’héritabilité épigénétique des comportements et des effets du stress en est un exemple.

Le gène n’est pas un régisseur absolu

Enfin, et ce n’est pas nouveau, l’environnement intervient dans l’expression génétique, manifestant chez les organismes ce qu’on appelle une plasticité. Par exemple, chez certaines espèces de papillons, la couleur des ailes dépendra du degré d’humidité dans l’environnement. En retour, une bonne partie des organismes modifient leur environnement, ce qui fait que ce qui reste stable, ou bien évolue, ce sont même parfois des boucles d’interactions. Le gène dépend de ses protéines environnantes, il dépend de l’environnement, il est donc un partenaire, il n’est plus conçu comme un « régisseur absolu », le détenteur d’un programme.
 
La biologie du XXIème siècle est donc à même de reconnaître l’évolution par sélection naturelle (ou dérive) à tous les niveaux de l’organisation biologique où l’on trouve de la variation et de l’héritabilité de cette variation, et l’on sait aujourd’hui que ces phénomènes ne concernent pas que les gènes. Cela ne bouleverse pas tant la théorie de l’évolution, cela bouleverse surtout la médecine et une certaine conception de la génétique (y compris la génétique du développement embryonnaire) qui, dans la seconde moitié du XXème siècle, furent trop centrées sur les gènes et le tout-ADN.

La fin d’une biologie génocentrée

Dès lors, il n’existe pas un mécanisme différent pour expliquer le développement (l’ontogenèse) ou l’apparition et le maintien (le programme) d’un individu d’une part, et l’apparition et la stabilité d’une espèce d’autre part (la phylogénèse). C’est la sélection naturelle qui permet d’expliquer à la fois les stabilités relatives, et les changements lorsque l’environnement change, aux deux niveaux d’observation. D’où la proposition d’un nouveau mot, l’ontophylogenèse, pour redonner cohérence à la biologie.
 
Les conséquences de ces bouleversements, c’est que la biologie du XXIème siècle est moins centrée sur l’ADN et moins encline à parler de « programme génétique ». La métaphore est tellement revisitée qu’elle s’étiole et s’estompe. Il s’agit là de la fraction des chercheurs qui réfléchissent sur la biologie. Dans le public, dans les programmes scolaires récents, chez une certaine biologie de synthèse qui continue de ne pas comprendre le propre d’une pérennité biologique, et pour une majorité de chercheurs non biologistes, la biologie du XXème siècle, génocentrée, ADN-centrée, excessivement réductionnisme et déterministe, reste dans les esprits.

La notion d’information génétique est en débat

Dans la biologie qui s’annonce, la notion de gène reste importante, mais son statut et sa contribution sont au cœur des discussions. Si le gène n’est qu’un partenaire, alors la différence de statut entre « génotype » et « phénotype » s’estompe. La notion de « plan d’organisation » n’est qu’une métaphore mnémotechnique et utilitaire pour apprendre son anatomie comparée à l’université, pas une inscription dans la réalité biologique. On devrait lui préférer la métaphore utilitaire de « carte », laquelle a d’ailleurs le mérite de la clarté. Et dans le champ de ce qui est vraiment, on doit parler non pas de « plan », mais de mosaïque phylogénétique. Au demeurant, la pensée phylogénétique à elle seule est incompatible avec cette notion de « plan ».
La notion d’ « information génétique » est en débat, et l’on pourrait même dire que si on voulait la conserver il faudrait qu’elle soit redéfinie. Mais ce serait là l’objet d’un autre colloque.
En attendant, il est fort à parier que la biologie de synthèse ne maîtrisera pas le vivant comme elle entend le faire, en occultant la variation spontanée qui lui est intrinsèque, ou en prétendant la contrôler. Tel est le regard que peut porter l’histoire naturelle moderne, et son cadre théorique, celui de l’évolution, sur certains usages qui sont faits de la matière biologique.
 
Guillaume Lecointre, Muséum national d’histoire naturelle
Intervention du 15 septembre 2016 au FESTIVAL VIVANT 
 

BIBLIOGRAPHIE
Quelques articles de fond, surtout récents et par ordre chronologique, attestant ces changements :
Elowitz, M.B. et al. Stochastic Gene expression in a single cell. Science 297 (5584) pp. 1183-1186 (16 août 2002).
Laland, K. et al. Does Evolutionary theory need a rethink? Nature 514, pp. 161-164 (9 octobre 2014).
Enriquez-Navas P.M. et al., Science Translational Medicine 8 (327) (24 février 2016).
Zhao et al., PNAS, 113(8), pp. 2140-2145 (24 février 2016).
Kiberstis P.A., Science 352 (6282), pp. 163. (8 avril 2016).
Turajlic S. & Swanton, Science 352 (6282), pp. 169-175. (8 avril 2016).
Willyard C. Nature 532, pp. 166-168. (14 avril 2016).
 
Quelques livres et articles de vulgarisation pour aller plus loin :
Dossier Pour La Science n°81 « L’hérédité sans gènes », Décembre 2013.
La Recherche, Le hasard au cœur de la Vie, n° 434, octobre 2009.
Pour La Science, Hasard et incertitude, n°385, novembre 2009.
Capp, Jean-Pascal. 2015. « Nouveaux regards sur les cellules souches ». Editions Matériologiques.
Heams, Thomas, Huneman, Philippe, Lecointre, Guillaume et Silberstein, Marc. 2011. Les Mondes darwiniens. L’évolution de l’évolution. Seconde Edition. Editions Matériologiques, Paris.
Kupiec, Jean-Jacques, Olivier Gandrillon, Michel Morange et Marc Silberstein (éditeurs). 2009. Le hasard au cœur de la cellule. Editions Matériologiques, Paris.
Lecointre, Guillaume, 2015. Descendons-nous de Darwin ? Le Pommier.
Lecointre, Guillaume, 2013. Mauvais plan ! pp. 58-59, in Espèces, revue d’histoire naturelle, n°9.
Théry, Frédérique, 2016. « La face cachée des cellules ». Editions Matériologiques.
 
Autres livres :
Deutsch, Jean. 2012. Le gène. Un concept en évolution. Seuil, Paris.
Gage, Fred et Muotri, Alysson. 2013. Des gènes sauteurs dans le cerveau. Dossier Pour La Science n°81 « L’hérédité sans gènes », pp. 18-23.
Heams, Thomas. 2004. Biologie moléculaire : affronter la crise de la cinquantaine. Pp. 237-261 in Dubessy, Jean, Lecointre, Guillaume et Silberstein, Marc (éditeurs). Les matérialismes (et leurs détracteurs). Syllepse, Paris.
Heams, Thomas. 2008. Vers une théorie probabiliste du vivant. Prisme n°12, publié par le Centre Cournot pour la recherche en économie, Paris.
Heams, Thomas. 2009. Expression stochastique des gènes et différenciation cellulaire. Pp. 31-62 in Kupiec, Jean-Jacques, Olivier Gandrillon, Michel Morange et Marc Silberstein (éditeurs). Le hasard au cœur de la cellule. Editions Matériologiques, Paris.
Heams, Thomas. 2013. Existe-t-il un programme génétique ? pp. 131-146 in Kupiec, Jean-Jacques. La vie, et alors ? Belin, Paris.
Kupiec, Jean-Jacques. 2008. L’origine des individus. Fayard, Paris.
Kupiec, Jean-Jacques. 2013. La vie, et alors ? Belin, Paris.
 
Kupiec, Jean-Jacques. 2012. L’ontophylogenèse. Evolution des espèces et développement de l’individu. Collection Sciences en questions, Quae, Versailles.
Lewontin, Richard. 2003. La triple hélice. Les gènes, l’organisme, l’environnement. Seuil, Paris.
Longo, Giuseppe, Miquel, Paul-Antoine, Sonnenshein, Carlos, Soto Ann. 2012. Is information a proper observable for Biological organization ? Progress in Biophysics and Molecular Biology, 109 (3) : 108-114.
Mayr, Ernst. 1969. Principles of systematic zoology. McGraw-Hill. New York.
Mayr, Ernst. 1982. Histoire de la biologie. Fayard, Paris.
       Théry, Frédérique. 2016. « La face cachée des cellules ». Editions Matériologiques.
Tort, Patrick. 2016. Qu’est-ce que le matérialisme ? Belin, Paris.
 
 

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