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Cerveau et langage

Des chercheurs créent une carte 3D du cerveau pour visualiser comment nous comprenons le langage

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Chaque jour, nous échangeons des milliers de mots. En famille, au bureau, avec les amis. Comment le cerveau est-il capable de reconstituer le sens des mots. Quels mécanismes se mettent en œuvre pour que nous puissions comprendre ce flux sans fin ? Un groupe de scientifiques a entrepris de cartographier la façon dont le cerveau représente le sens de la langue parlée, mot par mot. C’est une première, publiée le 27 avril dans la revue Nature.
 
Cette recherche est non seulement une première par l’exploit qu’elle représente de construire une cartographie en temps réel de notre cerveau, en train de déchiffrer des mots, mais surtout elle montre que le langage n’est pas limité comme on le croyait à certaines zones précises du cerveau, situées plutôt dans l’hémisphère gauche. Non, pour comprendre le langage, nous utilisons un nombre impressionnant de régions du cerveau, réparties dans des zones très éloignées les unes des autres. Notre cerveau semble « allumer » des zones en fonction des mots que nous entendons.
 
Jack Gallant, neuroscientifique à l’Université de Berkeley, et ses collègues, dont l’auteur principal Alex Huth, ont voulu savoir comment notre cerveau réagit quand on nous raconte une histoire. Gallant décrit les ambitions de sa recherche au Guardian : « Notre objectif était de construire un atlas géant qui montre comment un aspect spécifique de la langue est représenté dans le cerveau, dans ce cas, la sémantique, ou la signification des mots ».
Pour ce faire, ils ont demandé à sept participants d’écouter un célèbre programme de contes diffusés à la radio : The Moth Radio Hour. Ils ont relié chaque participant à un IRM fonctionnel, une machine qui mesure le flux sanguin et l’activité des neurones dans le cerveau. Ainsi équipés, il était possible de voir les cerveaux des participants en action, et de représenter sur des cartes l’activité qui s’y déployait.
Ils ont ensuite associé les transcriptions mot à mot des contes entendus par les participants aux cartes produites par l’IRM. Les chercheurs ont pu ainsi détecter comment chaque mot déclenchait telle ou telle zone du cerveau.
 
En rassemblant les informations de tous les participants dans un modèle statistique, les chercheurs sont parvenus à créer un atlas du cerveau, un modèle 3D qui montre quelles zones sont allumées par tous les participants en réaction à des mots. Ils ont publié une version interactive en ligne de cet atlas.
 
 
Les chercheurs de Berkeley ont découvert que les mots déclenchaient plus d’une centaine de zones différentes dans le cerveau. Certaines régions étant même systématiquement activées par tous les participants par certains mots. Ainsi, par exemple, des mots connotant des lieux activent certaines zones alors que les mots connotant des chiffres ou des quantités en allument d’autres.
Cette recherche montre que chaque mot déclenche plusieurs zones du cerveau, comme une sorte de réseau qui représenterait la signification de chaque mot que nous utilisons. Les auteurs déclarent que le côté gauche du cerveau, au-dessus de l’oreille, est une des petites régions qui représente le mot « victime ». La même région répond à « tuer », « condamné », « assassiné » et « avoué ». À droite, près du sommet de la tête, se situe l’un des endroits du cerveau activé par les termes de l’univers de la famille : « femme », « mari », « enfants », « parents ». Chaque mot est représenté par plus d’un spot parce que les mots ont tendance à avoir plusieurs significations.
Ce qui est frappant dans cette étude, c’est que les atlas du cerveau étaient similaires pour tous les participants, ce qui suggère que leurs cerveaux ont organisé le sens des mots de la même manière.
 
Cette étude est considérée comme un tour de force. Elle montre comment l’imagerie moderne peut transformer notre connaissance de la façon dont le cerveau effectue une partie de ses tâches les plus importantes.
L’étude de Berkeley ouvre de nouveaux territoires mais elle mérite d’être poursuivie et étendue. Le panel des participants est trop restreint pour l’instant, et il est limité à la langue anglaise. Il n’en demeure pas moins que cette cartographie ouvre des perspectives intéressantes non seulement pour décrypter le mystère du langage, celui encore plus grand du sens, et la compréhension de certains troubles du langage comme la dyslexie ou l’autisme. Pour Alexander Huth, le premier auteur de l’étude, « cette approche pourrait aussi être utilisée pour décoder des informations sur la façon dont les mots sont compris, sur le processus de lecture, ou peut-être même de pensée ». Une utilisation potentielle serait un décodeur de langage qui pourrait permettre à des personnes réduites au silence par la maladie de parler par l’intermédiaire d’un ordinateur.
 
 
Certes, cette étude se contente pour l’instant de montrer l’anatomie du cerveau en action. On ne distingue pas encore physiologiquement les aspects fonctionnels. Jack Gallant déclare ainsi à nos confrères de Popular Science : « Dans les neurosciences nous savons beaucoup de choses sur l’anatomie du cerveau, sur les synapses individuelles, mais ce que nous voulons vraiment savoir est la fonction.  La combinaison, dit-il, est la clé pour comprendre vraiment le cerveau ».
 
Il n’en demeure pas moins que cette étude est saluée par la communauté des neuroscientifiques. Uri Hasson de l’université de Princeton déclare que, contrairement à d’autres études qui ont porté sur l’activité du cerveau, quand un mot ou une phrase isolée a été dit, l’équipe de Gallant a fait la lumière sur la façon dont le cerveau a travaillé dans un scénario réel. La prochaine étape, prédit-il sera de créer un atlas du cerveau sémantique plus complet et précis. En fin de compte, Hasson croit qu’il sera possible de reconstituer les mots auxquels une personne pense simplement en observant son activité cérébrale. Les implications éthiques sont énormes. Imaginez l’utilisation d’une telle technologie dans le domaine politique pour affuter les discours afin que les mots aillent dans les bonnes aires cérébrales des citoyens. « Il y a tellement de conséquences, et nous n’en entrevoyons qu’à peine la surface » a-t-il ajouté.
 
 
 

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