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Laboratoires Pfizer

Le laboratoire Pfizer aurait un puissant remède contre Alzheimer mais préfère le garder secret

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Le géant de l’industrie pharmaceutique, le laboratoire Pfizer, a développé depuis longtemps déjà un puissant anti-inflammatoire, l’Enbrel. Des chercheurs du laboratoire ont découvert que ce produit réduirait de 64 % le développement de la maladie d’Alzheimer. Un chiffre considérable qui pourrait guérir des millions de malades dans le monde. Or Pfizer a abandonné les recherches sur ce médicament et conserve secrètes toutes les données des études qui ont été menées sur ses effets. Le Washington Post révèle que cette décision de Pfizer serait fondée sur des motifs financiers : l’Enbrel est en fin de vie et passera dans la gamme des génériques prochainement. Un médicament qui ne représenterait donc pour le laboratoire aucun intérêt économique. Les médecins et les malades d’Alzheimer voient cela d’un autre œil.
 
Dans son édition du 5 juin, le Washington Post révèle cette affaire qui semble bien symptomatique du fossé qui existe entre intérêt financier et intérêt général dans le monde des géants de l’industrie pharmaceutique. Une équipe de chercheurs de Pfizer aurait, en 2015, fait une découverte surprenante : Enbrel, un puissant antiinflammatoire mis sur le marché par le laboratoire américain depuis une vingtaine d’années aurait des effets insoupçonnés sur la maladie d’Alzheimer. Il réduirait de 64 % le risque de développer cette maladie terrible. Un résultat sans commune mesure avec ceux habituellement enregistrés par tous les traitements recherchés pour combattre cette pathologie dégénérative.
 

Espoir et frustration

Ce chiffre de 64 % provient d’une étude massive faite en interne chez Pfizer. Les statisticiens ont analysé des données issues de centaines de milliers de déclarations d’assurance médicale impliquant des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies inflammatoires. Or malgré ce résultat qui aurait pu faire l’effet d’une bombe dans le milieu médical, Pfizer décide de ne plus poursuivre les recherches et de ne pas rendre publiques les données. Un choix confirmé par l’entreprise au Washington Post.
 
On imagine aisément la frustration des chercheurs de la division de l’inflammation et de l’immunologie de l’entreprise ; ils ont exhorté Pfizer de mener un essai clinique sur 3 000 à 4 000 patients pour valider leurs conclusions. Coût de cet essai : 80 millions de dollars. Dans un document interne préparé pour examen par un comité interne de Pfizer en février 2018, les chercheurs affirment que « Enbrel pourrait potentiellement prévenir, traiter et ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer en toute sécurité ».
 
Pour justifier cette décision, Pfizer a déclaré au Washington Post que ce choix avait été fait après trois années d’examens internes qui avaient conclu qu’Enbrel ne pouvait pas prévenir la maladie d’Alzheimer parce que le médicament n’atteignait pas directement le tissu cérébral. La firme pharmaceutique a donc jugé que la probabilité de réussite d’un essai clinique était faible et qu’il convenait de ne pas publier les données recueillies car elles auraient pu mener les scientifiques extérieurs sur des voies non valides. Exit donc l’essai clinique dont le coût modeste est à rapprocher des milliards consacrés à combattre cette maladie de plus en plus répandue, mais qui demeure obstinément réfractaire à toute prévention ou traitement efficace.
 

Pression des actionnaires

Les scientifiques extérieurs à Pfizer sont en désaccord avec la décision du laboratoire. Parmi eux, Rudolph E. Tanzi, éminent chercheur sur la maladie d’Alzheimer et professeur à la Harvard Medical School et au Massachusetts General Hospital pense qu’il s’agit d’une mauvaise décision et que les données devraient être publiées. « Il serait avantageux pour la communauté scientifique de disposer de ces données », confirme Keenan Walker, professeur adjoint de médecine à Johns Hopkins, qui étudie comment l’inflammation contribue à la maladie d’Alzheimer. « Qu’il s’agisse de données positives ou négatives, cela nous donne plus d’informations pour prendre des décisions plus éclairées » ajoute-t-il.
 
Ces réactions sont sans surprise et il n’est pas rare de voir des décisions prises par les dirigeants de laboratoires pharmaceutiques qui vont contre les intérêts des chercheurs mais sont dictées par la pression des actionnaires.
Pour éclairer la décision de Pfizer, il faut préciser que le médicament Enbrel a atteint la fin de la la période de 20 ans d’exclusivité de brevet pendant laquelle le fabricant tire profit d’un médicament en situation de monopole. Après la durée de vie du brevet, les profits financiers diminuent au fur et à mesure que la concurrence des génériques s’intensifie, ce qui diminue, aux yeux des actionnaires, l’intérêt économique de poursuivre la recherche sur Enbrel et d’autres médicaments de sa classe.
 
Alors que le cycle de vie d’Enbrel s’achève, Pfizer a introduit un nouveau médicament contre la polyarthrite rhumatoïde, Xeljanz, qui fonctionne différemment d’Enbrel. Pfizer met toute ses ressources marketing au service de ce nouveau traitement. Ainsi, alors que le chiffre d’affaires d’Enbrel diminue, celui de Xeljanz augmente. Le brevet de Xeljanz expire en 2025 aux États-Unis et en 2028 en Europe, selon les déclarations publiques de Pfizer. Le médicament est en voie de rapporter à Pfizer des milliards de dollars de plus chaque année dans un avenir prévisible.
 
Alors, parier de l’argent sur un essai clinique d’Enbrel pour une maladie totalement différente, surtout lorsque Pfizer doute de la validité de son analyse interne, n’a guère de sens sur le plan commercial, a déclaré, sous couvert de l’anonymat, un ancien dirigeant de Pfizer.
 

Paradoxes scientifiques

L’intérêt de publier les données est d’autant plus grand que, pour certains médecins, les raisons scientifiques invoquées pour justifier l’arrêt de la recherche sont très contestables. En effet, Pfizer affirme que son médicament cible une protéine spécifique appelée TNF-a qui aurait un lien direct avec Alzheimer. Mais, selon le laboratoire, Enbrel ne peut atteindre le tissu cérébral ; la molécule est trop grosse pour traverser la « barrière hémato-encéphalique » et cibler directement le TNF-a dans les tissus cérébraux. Pourtant, les chercheurs sur la maladie d’Alzheimer croient que l’inflammation à l’extérieur du cerveau – appelée inflammation périphérique – influence l’inflammation dans le cerveau.
 
« De nombreuses preuves suggèrent que l’inflammation périphérique ou systémique peut être un facteur de la maladie d’Alzheimer », affirme le Dr Keenan Walker de la faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins. « C’est une hypothèse raisonnable que la lutte contre l’inflammation à l’extérieur du cerveau avec Enbrel aura un effet similaire à l’intérieur du cerveau », dit-il. « Je ne crois pas qu’Enbrel aurait besoin de traverser la barrière hémato-encéphalique pour moduler la réponse inflammatoire/immune à l’intérieur du cerveau », ajoute le chercheur.
 
Le paradoxe de cette affaire est que l’on reproche souvent aux laboratoires de ne pas rendre publics des effets secondaires négatifs des médicaments qu’ils mettent sur le marché. Or en l’espèce c’est de l’inverse dont il s’agit. « Le fait d’avoir acquis les connaissances, de refuser de les divulguer à ceux qui pourraient en tirer profit cache un avantage potentiel et, par conséquent, porte préjudice à ceux qui risquent de développer la maladie d’Alzheimer en entravant la recherche », a déclaré au Post Bobbie Farsides, professeure d’éthique clinique et biomédicale à Brighton and Sussex Medical School, au Royaume-Uni.
 
Quelle est l’obligation d’une entreprise de diffuser des informations potentiellement bénéfiques sur un médicament, surtout lorsque les bénéfices en question pourraient améliorer les perspectives de traitement de la maladie d’Alzheimer, une maladie qui touche au moins 500 000 nouveaux patients par an ?
 
Source : Washington Post
 

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