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Blanchiement des coraux
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Exxon accusé de crime contre la barrière de corail

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Ce sont des massifs entiers de récifs coralliens, habituellement grouillant de vie et pétillant de couleurs qui ont inexorablement blanchi. Cette année a battu des records dans le désastre écologique que représente cette mort des coraux. Des étendues gigantesques ont été décimées, de la Grande Barrière de corail aux îles Andaman dans l’océan Indien, en passant par les îles Marshall dans l’océan Pacifique.
La cause directe ne fait plus de doute. C’est le réchauffement climatique et la poussée de fièvre continue des océans, partout dans le monde, qui explique cette hécatombe.
Mais il ne faut pas se leurrer. Le corail n’est pas mort de mort naturelle ; il a été tué. C’est ce qu’affirme l’ONG 350.org.
Se contenter d’incriminer le changement climatique reviendrait à dire « la victime a été tuée par balle ». La vraie question est la suivante : qui a appuyé sur la gâchette ? Pour l’ONG, la réponse ne fait aucun doute. Il s’agit de la multinationale Exxon, qui connaissait parfaitement, depuis 40 ans, les effets dévastateurs de l’énergie fossile sur l’environnement. Et a continué son business, as usual

 
Grâce au travail de recherche de journalistes d’investigation, les principaux coupables sont incriminés : Exxon et ses complices de l’industrie fossile. Selon l’ONG 350.org, dès la fin des années 1970, Exxon savait tout ce qu’il y avait à savoir sur le changement climatique. Au lieu de dire les choses, la multinationale a toutefois préféré taire la vérité, différant ainsi d’une génération la lutte mondiale contre le changement climatique. Ce temps perdu s’est soldé par la mort des récifs coralliens, parmi d’autres impacts climatiques dévastateurs.

Exxon savait

Dans les années 1970, les chercheurs qui travaillaient pour Exxon savaient déjà l’ampleur et la vitesse du réchauffement que subirait la planète sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la gravité des ravages que ce réchauffement provoquerait. Convaincue que ses spécialistes ne se trompaient pas, la compagnie entreprit de protéger ses installations contre le changement climatique, en bâtissant entre autres des appareils de forage capables de résister à la montée du niveau des océans.
 
Exxon se garda cependant d’alerter le monde. Au contraire, Exxon et de nombreux autres acteurs de l’industrie fossile financèrent l’essor de « think tanks » et de lobbies climatosceptiques, qui ont défendu pendant une génération l’idée que la réalité du réchauffement climatique était discutable. Nous avons par conséquent perdu un quart de siècle à débattre, en dépit du bon sens, de l’existence ou non du changement climatique.
 

1968 – « Des élévations notables de la température ». Le Stanford Research Institute à Exxon et à l’American Petroleum Institute : « Si les taux de CO2 continuent d’augmenter au rythme actuel, des élévations notables de la température seront probablement observées ». (source)

1977-1978 – « L’humanité dispose de cinq à dix ans ». Division de recherche sur les produits d’Exxon : « On pense à l’heure actuelle que l’humanité dispose de cinq à dix ans, après quoi la nécessité de prendre des décisions difficiles pour modifier les stratégies énergétiques pourrait devenir critique » (source)

1980 – « Il n’y a aucun doute… ». Imperial Oil, la filiale canadienne d’Exxon, publie un document intitulé Review aof Environmental Protection Activities for 1978-1979 affirmant qu’ « il n’y a aucun doute que l’intensification de l’utilisation de combustibles fossiles … aggrave le problème potentiel de l’élévation du taux de CO2 dans l’atmosphère ». (source)

1980 – « Le problème du CO2 ». Exxon réunit régulièrement avec d’autres leaders de l’industrie pétrolière pour débattre de la réalité du « problème du CO2 ». (source)

1982 – « Des événements potentiellement catastrophiques ». Les programmes sur les questions environnementales d’Exxon s’attendent à « des événements potentiellement catastrophiques » si l’utilisation des combustibles fossiles n’est pas réduite. (source)

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1992 – Global Climate Coalition. Exxon participe à la formation de la Global Climate Coalition qui explique aux décideurs : « Le rôle des gaz à effet de serre dans le changement climatique est imparfaitement compris ». (source)

1997 – Exxon s’oppose au Protocole de Kyoto. Le PDG D’Exxon, Lee Raymond, s’exprime contre le protocole de Kyoto : « Il est très peu probable que la prise de mesures, aujourd’hui ou dans 20 ans, influe significativement sur la température au milieu du siècle prochain ». (source)

1998 – La confusion climatique est une « victoire ». Une note interne de l‘American Petroleum Institute, financé par Exxon, explique que « la victoire sera nôtre lorsque l’homme de la rue aura « compris » (reconnu) les incertitudes de la science climatique ». (source)

1998-2005 – Exxon finance un important think tank de déni climatique. Exxon verse 2 millions de $ au CEI (Competitive Enterprise Institute). Le CEI a affirmé que le changement climatique créerait « un monde plus doux, plus vert et plus prospère ». (source)

2000 – Annonces d’Exxon niant le changement climatique dans le New York Times. Exxon publie ces annonces pour semer le doute sur la science climatique : « une science incertaine : sachant que les prévisions météorologiques ne sont fiables qu’à quelques jours tout au plus, on ne peut que prendre acte de l’énorme défi auquel sont confrontés les scientifiques cherchant à prédire le changement climatique et son impact au cours du siècle prochain ». (source)

2005 – Exxon diffame le GIEC, lauréat du Prix Nobel. Le rapport annuel sur la citoyenneté d’entreprise d’Exxon lance des accusations infondées contre les conclusions climatiques du GIEC, soutenant que ce dernier n’avait pas utilisé des « méthodes statistiques objectives et reproductibles ». (source)

2015 – Le procureur général de New York enquête sur Exxon. Eric Schneiderman, procureur général de New York, annonce l’ouverture d’une enquête sur ce que savait Exxon (source)

Les récifs coralliens condamnés

Les victimes – les personnes que les récifs nourrissent et protègent contre les vagues, les sociétés qui dépendent des revenus du tourisme et les peuples dont la spiritualité repose sur les mystères éternels des profondeurs marines – ont donc toutes les raisons d’être à la fois tristes et indignées. Les récifs blanchis sont très probablement condamnés : dans le meilleur des cas, qui semble peu probable au vu de la poursuite du réchauffement, leur rétablissement sera lent. Les décennies de déni et de tromperie d’Exxon et des autres géants des industries fossiles leur ont fait engranger des profits record. Pour les ONG, cet argent devrait légitimement servir à payer les dommages occasionnés et à bâtir des systèmes énergétiques susceptibles de satisfaire nos besoins sans détruire la planète.
 
350.org tient à rappeler que cette situation catastrophique n’a rien de naturel. Comme tant d’autres crimes, elle est la conséquence directe de l’avidité. Cette cupidité se poursuit : Exxon continue de rechercher de nouvelles sources d’hydrocarbures et s’oppose encore à tout changement, même modeste, de sa stratégie.

Vers la reconnaissance d’une responsabilité climatique ?

Cette campagne de 350.org vient en prolongement de celle initiée par quatorze organisations qui font comparaître devant les tribunaux philippins 47 entreprises les plus émettrices de CO2. La plainte a été déposée en septembre 2015 à la Commission des droits de l’homme (CHR) de Manille, qui l’a ensuite adressée le 27 Juillet dernier aux PDG de 47 entreprises, comprenant ExxonMobil, Chevron, BP, Shell ou Glencore.  
Dans le document de 65 pages, adressé à la CHR, les plaignants affirment que « le changement climatique prive les Philippins de leurs droits fondamentaux ». Ils citent notamment le droit à la vie, à une bonne santé physique et mentale, à l’alimentation, à l’eau, et à l’assainissement. Pour y remédier, ils demandent que « la responsabilité des principaux contributeurs au réchauffement soit reconnue ». Et pour les identifier, ils se sont basés sur l’étude de Richard Heede, fondateur du Climate Accountability institute, qui estime que 65% des émissions anthropiques de CO2 depuis l’ère industrielle proviennent des 90 producteurs principaux d’hydrocarbures et de charbon dans le monde. Avec Chevron, ExxonMobil et BP en tête.
 
Selon le Journal de l’environnement ce n’est pas un hasard si cette plainte est déposée aux Philippines. L’archipel a été fortement touché par le typhon Haiyan, en novembre 2013, qui a fait plus de 6 000 morts et 2 000 disparus. Entre 2000 et 2008, les catastrophes climatiques ont représenté 78% des décès dus à des événements extrêmes aux Philippines.
Par cette action, Greenpeace espère répéter la victoire historique du 24 juin 2015, lorsqu’un tribunal de La Haye a condamné l’État néerlandais pour sa politique insuffisante de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À l’origine de cette action, l’ONG Urgenda avait déposé une plainte collective au nom de 900 citoyens.
Aux États-Unis, la Cour supérieure de l’État de Washington a reconnu de son côté, en novembre dernier, la plainte de huit jeunes Américains visant l’inaction climatique du département en charge de l’écologie.
Si ces actions judiciaires visent le plus souvent à mettre les gouvernements face à leurs responsabilités, certaines plaintes ont ciblé les entreprises. C’est le cas de l’association américaine des producteurs de pétrole et de carburants et de l’institut américain du pétrole dans une affaire portée en avril 2016 par le climatologue James Hansen devant une Cour de l’Oregon.
Un mouvement qui, sans nul doute, devrait s’amplifier partout dans le monde.
 
 
Image d’en-tête : © bioquest studios
 

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