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Les algues dans la course aux biocarburants du futur

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Les algues génétiquement modifiées pourraient-elles nourrir et fournir en énergie le monde, comme l’a annoncé en 2011, J. Craig Venter (pionnier du séquençage du génome humain et de la fabrique de microorganismes synthétiques, NDLR) ? Pour les entrepreneurs mobilisés autour de la biomasse des algues (de l’organisation ABO), le futur c’est maintenant. 
 
Tel fut le message du sommet de l’organisation de la biomasse des algues qui s’est tenu du 30 septembre au 2 octobre à Washington. Alors que des entreprises comptent déjà sur les microbes synthétiques pour éditer et « adapter » les algues à des besoins industriels et agricoles, l’Agence de protection environnementale américain (EPA) a réalisé, le 30 septembre 2015, une audition sur les microorganismes modifiés par les nouvelles méthodes d’ingénierie génétique (voir article Emmanuelle Charpentier).
 
L’Institut pour la politique agricole et commerciale a participé aux deux événements, abordant ainsi les dimensions scientifiques et d’ingénierie, la réglementation et les défis financiers d’une industrie prête à décoller, avec le soutien ferme d’un gouvernement américain qui investit. Il est apparu que les agriculteurs qui sont à la recherche de fertilisants ou de protéines pour les élevages pas chers peuvent espérer plus qu’ils ne l’espèrent de la biomasse des algues. Pourtant, les techniques d’ingénierie avancées pour modifier les algues ne permettent pas encore d’empêcher les gènes de se croiser et de se transformer en espèces invasives ou en mauvaises herbes dans les champs cultivés. Quand on sait qu’aux Etats Unis, 24 millions d’hectares agricoles sont envahis de mauvaises herbes résistantes, il semble clair que les agriculteurs ne peuvent se trouver confrontés à une autre génération de « super- mauvaises herbes ». 
Les membres de l’organisation ABO – qui comprend aussi bien des start-ups que des utilisateurs de biofuels issus des algues comme Boeing – ont de bonnes raisons de se réjouir. L’EPA a annoncé récemment un règlement pour une énergie propre qui considère le recours à la production d’algues (qui absorbent le C02) comme un moyen pour les centrales électriques et d’autres grands émetteurs de gaz à effet de serre de répondre à leurs objectifs de réduction d’émissions. Cette décision de l’EPA non seulement ouvre une voie pour faire à grande échelle du biocarburant algal, économiquement viable, mais également l’avenir commercial des co-produits, tels que les aliments du bétail, ou les engrais.
 
Un réservoir d’algues au Texas A&M AgriLife
 
Parmi les sujets débattus, la conception des bassins de culture, semble un point stratégique puisqu’il est possible de réduire la consommation d’énergie par un facteur dix. Et même d’accroître l’efficacité de la capture et de l’utilisation du CO2 par un facteur de quinze. La technologie de déshydratation permet aussi de multiplier par huit la récolte primaire. Toutes ces avancées ont été annoncées par une seule entreprise, Global Algae Innovations, qui  recherche des partenariats pour produire des produits de haute valeur tels que les cosmétiques, les pigments et les «nutraceutiques» tels que les compléments alimentaires.
Cette entreprise doit contrôler ses coûts et les souches d’algues sèches choisies. Les progrès dans le séquençage et la transcription génétique ont aidé le processus de sélection de souches d’algues utiles. Certaines méthodes de production utilisent de «nouveaux microbes», dont l’examen règlementaire est effectué par l’EPA, en référence à la réglementation du Toxic Substances Control Act (TSCA) de 1976.
 
Pour mettre cela en contexte, il faut comprendre que le Congrès est en train d’entreprendre  une révision controversée du TSCA. On compte aujourd’hui 22.000 produits chimiques déjà enregistrés pour un usage commercial depuis 1976. La révision en cours doit permettre à l’industrie chimique de continuer à ajouter de nouvelles substances sans évaluation formelle des risques quant à la sécurité de ces produits chimiques. Le projet de loi proposé par les sénateurs David Vitter et Tom Udall pourrait mettre fin à la capacité des gouvernements des États d’exiger des informations plus détaillées auprès des fabricants. Le projet de loi ne prévoit pas de nouveaux pouvoirs pour l’EPA qui est déjà largement sous-financé, ni de réglementer les «nouveaux microbes» utilisés pour certaines méthodes de production d’algues (…)
L’EPA est en train de réviser les «points à prendre en considération » dans la préparation de la partie « Critères à prendre en compte pour les microorganismes dans la TSCA. Le texte de 1997 n’a en effet pas envisagé la modification génétique des algues. L’EPA est également en train d’élaborer ses « Considérations pour les algues issues de la biologie de synthèse  » document qui décrira les informations requises auprès des industriels qui procèderont à l’enregistrement ou à la demande d’autorisation commerciale de leurs produits. L’EPA a tenu une audience publique pour recueillir des commentaires pour ce document ainsi que des contributions en ligne concernant quatre types de questions (jusqu’à la fin octobre 2015).
 
La première question concerne les interrupteurs « tueurs » issus de la biologie synthétique qui sont censés empêcher que les gènes des microbes modifiés diffusent au sein d’autres espèces de plantes, à savoir le transfert horizontal de gènes (HGT). Il y a une préoccupation parmi les chercheurs en matière de biosécurité : des algues modifiées pourraient en effet laisser s’échapper leurs gènes dans les milieux naturels. Ces fuites peuvent se produire aussi bien avec des algues génétiquement modifiées (AGM) utilisées comme engrais ou placées dans des étangs ouverts (disséminables par les oiseaux ou les animaux) et les micro-algues transportées par le vent.
Selon un avis scientifique produit en 2015 par trois comités scientifiques de la Commission européenne, « aucune technologie ne résout tous les risques en matière de biosécurité ». Divers dispositifs peuvent être envisagés pour prévenir le transfert horizontal des gènes mais ils pourrait « surcharger » les microbes hôtes et entrainer l’échec du confinement. 
 
La deuxième question traite des diverses techniques de biologie synthétique aptes à contenir au mieux les gènes synthétiques. Les déposants industriels répondent que leurs innovations dans ce domaine ne peuvent être publiées et revendiquent que ces données soient classées comme « Confidential Business Information (CBI) » même si elle a trait à la santé publique ou à l’environnement et même si elles sont protégées par brevets. Alors que l’EPA continue d’accorder systématiquement ce statut de confidentialité (CBI), elle se trouve en contradiction avec son engagement d’inclusion du public à propos de la biologie synthétique. La confidentialité empêche tout examen scientifique indépendant des données du déposant et réduit la communication à un dialogue entre une poignée de scientifiques régulateurs et développeurs de produits
La Maison Blanche a commandé en juillet dernier une révision du cadre réglementaire des biotechnologies agricoles de 1992. Une réflexion est en cours pour savoir quelles parties des dossiers de commercialisation doivent être estampillées « confidentielles » et pourquoi. 
 
On ne sait pas quand l’EPA va produire de nouvelles orientations aux documents de l’industrie sur les informations à communiquer pour les microbes synthétiquement modifiées. On ignore aussi quels produits issus des algues sera concernés. Ce qui est clair par contre, c’est que les développeurs de produits issus des algues se considèrent comme des acteurs cruciaux de la création d’une nouvelle « économie carbone» et se revendiquent promoteurs de la « santé durable et de la nutrition ».
Certains des industriels des algues développent des produits qui répondent aux menaces environnementales imminentes avec des conséquences économiques majeures. Le professeur Charles Yarish explique, par exemple, que l’on peut faire croître des souches d’algues pour réduire considérablement les concentrations excessives de nitrates provenant des engrais agricoles (qui polluent notamment les eaux du détroit de Long Island). De même, le professeur Pallab Sarker du Dartmouth College a fait valoir que si l’on nourrit la nourriture les poissons uniquement à partir d’algues, cela peut enrayer l’effondrement des chaînes alimentaires marines. Cela fait sens quand on sait que ce sont des bouillies de sardines, d’anchois ou d’autres petits poissons qui nourrissent les saumon et autres poissons d’élevage (…)
 
La preuve de concept montrant que l’on peut obtenir du carburant à partir d’algues a été faite au niveau d’usines pilotes qui répondent aux exigences du Secrétariat de la Marine. Mais la mise à l’échelle pour déboucher sur une production commerciale compétitive vis-à-vis des énergies traditionnelles va requérir non seulement le soutien de l’EPA et des ministères de la Défense et de l’énergie mais aussi la résolution des problèmes de biosécurité lié au transfert horizontal des gènes. 
 
Par Steve Suppan, de l’Institut américain pour la politique agricole et commerciale (IATP)

 
 

Campagne en cours aux Etats Unis pour le droit de savoir ce que nous mangeons « Americans should have the same right as citizens of 64 other countries to know what’s in their food and how it’s grown ». Image credit: Just Label It

En France, l’Association des Cadres Bretons et l’Aquarium de la Porte Dorée a organisé une Table ronde le jeudi 15 octobre 2015 à 19 h à l’Aquarium de la Porte Dorée, Paris XIIe : La Bretagne maritime face à la COP21 : le changement climatique constitue-t-il une opportunité pour les entreprises bretonnes innovantes, l’emploi et la recherche ? 

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