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Frénésie high tech sur la production agroalimentaire

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D’ici 2050, il faudra nourrir 10 milliards d’humains. Certains observateurs pensent que les technologies pourront aider à trouver des moyens de nourrir une population mondiale gigantesque, au même moment où le dérèglement climatique et la pollution environnementale entraîneront la dégradation des sols et limiteront l’accès à l’eau. La FoodTech a donc le vent en poupe et attire investisseurs, startups et grands groupes. Une révolution similaire à celle de l’informatique dans les années 70 est en train de se forger, à grand renfort de manipulations génétiques, traitements massifs des données, robotisation et intelligence artificielle. Voyage dans les Silicon Valley de la production alimentaire.
 
C’est une petite ville de 37 000 âmes située au centre des Pays-Bas. Wageningen héberge une université riche de 7 400 personnes, dédiée essentiellement aux sciences de la vie. C’est ici le cœur d’une nouvelle révolution qui commence à avoir un impact à la fois sur l’industrie alimentaire et la production agricole. Avec l’Université de Californie, Davis, et l’Université Cornell aux États-Unis, Wageningen est l’un des principaux centres de recherche au monde dans le domaine des technologies alimentaires.
 
Cette « Food Valley » européenne est atteinte de la même frénésie que celle qui fit le succès de la Silicon Valley californienne. Les investisseurs s’y précipitent, persuadés que l’industrie alimentaire est sur le point de faire face à des perturbations de même ampleur que celles qui touchèrent l’industrie informatique des années 70 ou le monde de la finance des années 80. La production agroalimentaire est mûre pour révolutionner, à coup d’innovations disruptives, son secteur.
 

Tendances porteuses

Une révolution qui n’apparaît pas au hasard. Elle est portée par plusieurs tendances fortes mais de natures très différentes. Il y a d’abord la croissance démographique, notamment dans les pays en développement. Elle exerce une pression très puissante sur les besoins en protéines ; une pression que ni l’offre mondiale ni le respect d’une production respectueuse de la planète ne peuvent satisfaire. La production de viande occupe déjà 70 % des terres agricoles mondiales et contribue pour une part très signification aux émissions de gaz à effet de serre. Il est impossible, en l’état, d’imaginer que les pays en développement adoptent les mêmes pratiques alimentaires que les pays riches. Pourtant, les besoins protéiques existent et ne peuvent être négligés.
Il y a ensuite, surtout dans les pays occidentaux et principalement en Europe, l’exigence des consommateurs pour une nourriture plus saine, composée de produits authentiques et le plus neutres possibles par rapport à l’environnement. La déferlante du bio tout comme celle des produits innovants en sont le symptôme.
 
 
Il y a enfin l’impact des dérèglements climatiques, l’effondrement de la biodiversité et la dégradation des sols qui obligent les agriculteurs à changer leurs pratiques. Bon gré, mal gré, sous la pression de l’opinion publique, des marchés, ou par conviction personnelle, les producteurs agricoles savent qu’ils doivent reconsidérer les façons ancestrales de pratiquer leur métier.
 

Déferlante d’innovations

Ces tendances fortes ouvrent des brèches laissant entrer toutes les solutions innovantes possibles. Une vague d’innovations scientifiques allant de l’édition génétique à l’intelligence artificielle en passant par les technologies numériques entrent dans la production alimentaire et les cultures agricoles.
 
Le monde agricole a longtemps été considéré comme démodé par rapport aux changements du monde qu’apportaient l’informatique et toutes les technologies numériques qui font aujourd’hui partie de notre quotidien. Cette image est désormais révolue. L’agriculture captive l’imagination des créateurs de startups comme celle des investisseurs. « Partout dans le monde, l’argent s’engouffre dans de nouvelles formes d’agriculture et de distribution alimentaire, finançant des projets allant des fermes verticales et des robots agricoles aux alternatives à la viande » écrit Emiko Terazono dans le Financial Times. En 2017, les investissements annuels mondiaux dans les technologies alimentaires, les systèmes de gestion agricole, la robotique et la mécanisation, ont plus que triplé pour atteindre 10 milliards de dollars.
 
Financements annuels dans les technologies agroalimentaires (en milliards de $)
 
Dans cette frénésie financière, la valse des méga acquisitions s’est endiablée. Monsanto a racheté en 2013 l’américain Climate Corporation pour 1 milliard de dollars. Cette startup, fondée par des anciens de Google, est spécialisée dans l’analyse ultra localisée du risque agricole et la vente de polices d’assurance associées. La firme dispose ainsi de suffisamment d’informations sur les terres d’un agriculteur pour réagir immédiatement. En cas de sécheresse ou d’attaque de prédateurs sur sa parcelle, l’agriculteur reçoit de Monsanto, en quelques secondes sur son smartphone, une offre de produits phytosanitaires adaptés.
Puis ce fut au tour de Bayer de racheter Monsanto l’année dernière pour la somme pharaonique de 66 milliards de dollars. Selon l’ONG Greenpeace, le mariage entre l’américain et l’allemand ferait naître un numéro un mondial des semences transgéniques et des pesticides, avec respectivement 30 % et 24 % de parts de marché.

LIRE DANS UP : Validation du mariage Bayer-Monsanto : les dessous de la création d’un monstre

L’Europe n’est pas en reste dans cette fièvre financière. Chaque jour, une nouvelle startup voit le jour et selon L’Usine nouvelle, 4.2 milliards d’euros ont été investis dans le secteur au cours des quatre dernières années. 1655 startups s’activent, en Europe, dans tous les domaines : production, fabrication, livraison ou même recyclage. La France, pourtant pays de la gastronomie, est toutefois à la traîne. Elle se situe en quatrième position dans le top européen, derrière l’Allemagne, le Royaume Uni, et les Pays Bas. Un retard au démarrage qui s’expliquerait par la frilosité et la méfiance des industriels qui hésitent à passer des partenariats avec de jeunes sociétés innovantes mais terriblement ambitieuses.
 

Jeux d’alliances

À Wageningen, on ne s’embarrasse pas de ces craintes stériles. Des armées de chercheurs ont déjà passé des accords avec des industriels pour développer des projets aptes à transformer radicalement les pratiques agricoles. « La combinaison de technologies et de nouvelles plateformes technologiques, comme la combinaison de la génétique, des capteurs et de l’IA pour surveiller l’état nutritionnel des plantes, des animaux et des humains, va entraîner des changements considérables », confie au Financial Times, Louise Fresco, présidente de l’université de Wageningen et de ses instituts de recherche. Dans les labos de cette université on cherche à mettre au point de nouveaux produits aptes à remplir les besoins en protéines d’une population humaine de plus en plus importante.  
 
Atze Jan van der Goot présente sa viande synthétique
 
Atze Jan van der Goot, professeur de technologie des protéines durables à l’université, présente ainsi ce qui ressemble à une grande plaque de bœuf salé. Son équipe faisait des recherches sur la façon de fabriquer de longs fils de protéines à partir de produits laitiers lorsqu’elle est tombée sur un procédé de transformation de protéines de soja en fibres de type viande : « Nous pensons que cette technologie permet la formation de plus gros morceaux de viande, et qu’un produit tendre mais savoureux avec la sensation en bouche de la viande devrait être prêt à être mis sur le marché « d’ici quelques années ». » Ce chercheur ne travaille pas seul dans son labo. Il est associé à un groupe de huit entreprises qui l’ont financé à hauteur de 6 millions d’euros. On trouve dans son pool financier aussi bien un fabricant néerlandais de transformation de la volaille que le milliardaire Warren Buffet, le suisse Givaudan spécialiste des arômes, ou le géant Unilever.
 
Dans d’autres labos de cette université prolifique on travaille sur des bras robotiques capables de « sentir » la maturité d’un fruit ou d’un légume avant de le cueillir. Une prouesse technologique alliant dextérité mécanique à cognition spatiale pour que l’IA récolte les fruits au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard.
 
L’alliance entre laboratoires de R&D, startups spécialisées et industriels de l’agroalimentaire est devenue la norme. Unilever ouvre ainsi un centre mondial de l’innovation alimentaire sur le campus de Wageningen. Bayer vient de lancer en France un appel à projet à destination des startups pour « Tirer parti des sciences numériques et de la science des données pour catalyser de nouvelles découvertes en matière de protection des végétaux ».
 

Technologie toute-puissante ?

Steak sans viande, barre protéinée à base d’insectes, pilule repas-complet, imprimante 3D pour concocter son diner, robots désherbeurs, bras tâteurs de fruits, tomates bleues, brownies aux algues… sans compter les plantes transformées pour résister au manque d’eau, pour produire plus, pour être plus grandes, plus fortes, plus belles… La technologie investit un champ jusque-là réservé au travail manuel, à la sensibilité humaine, au goût, aux savoir-faire transmis entre générations. Promesses d’une alimentation si ce n’est meilleure, en tout cas différente et suffisante pour nourrir toute la population sur Terre.
 
 
Cette technologie boostée aux hormones des investisseurs financiers et des plans stratégiques des grands groupes industriels sera-t-elle la panacée ? Quelles en seront les conséquences sur la santé, l’environnement ? Quelles externalités négatives produira-telle ?
Ces questions n’ont aucun sens aux yeux de ceux qui misent tout sur l’innovation technologique pour sortir l’humanité de la passe difficile qu’elle s’apprête à traverser. Doit-on pour autant les suivre les yeux fermés ?
 
La technologie ne pourra pas tout résoudre. Les changements dans nos comportements seront prépondérants. Le mouvement est amorcé.  Les consommateurs sont en train de changer leur alimentation et les représentations qui l’entourent bien plus vite qu’on ne le pense. Déclin de la viande, explosion de la consommation de bio, changement des pratiques au sein de la restauration collective, nouveaux modes de distribution… autant d’exemples qui montrent que la transition agricole et alimentaire a commencé, au moins dans les esprits.
 
 
Source : Financial Times
 

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