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Les mutations de l’édition

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Les acteurs de la chaîne du livre à l’ère du numérique : pour identifier les moyens de développer en France le livre numérique en préservant la chaîne de valeur du livre et la diversité éditoriale de l’édition française, le Centre d’analyse stratégique a réalisé en partenariat avec le Centre national du livre une série de 3 notes d’analyse accompagnées de propositions, centrées chacune sur l’un des acteurs de la chaîne du livre : les auteurs et les éditeurs (I), les librairies (II), les bibliothèques publiques (III). En voici le contenu.

I – Les auteurs et les éditeurs / Les mutations de l’édition à l’ère du numérique


Le livre enrichi
: Le développement rapide des nouvelles technologies brouille de plus en plus les frontières entre l’univers du texte et celui des animations visuelles et sonores. Le livre numérique ne se limite donc pas à l’édition électronique de textes, il tire parti des technologies du jeu vidéo, des images de synthèse pour créer des livres « enrichis ». Ces productions sont disponibles sous la forme de fichiers électroniques comme pour le livre homothétique mais plus souvent sous la forme d’applications pour smartphone ou tablettes. Le livre « enrichi » repose en effet très largement sur l’interactivité que permet l’écran tactile.

N’ayant pas les compétences nécessaires pour développer des livres enrichis, les maisons d’édition recourent au savoir-faire de studios de création qui apportent l’indispensable ingénierie informatique. Ces éditeurs traditionnels sont concurrencés par les éditeurs spécialisés dans les applications pour tablettes comme Good bye paperEuropa Apps, Appicadabra ou Zanzibook pour le secteur de la jeunesse. Si l’édition jeunesse a su prendre pied dans le secteur du livre enrichi, les autres secteurs du livre n’ont pas encore franchi le pas, ce qui risque de leur être préjudiciable en raison de la concurrence qui pourrait venir dans les prochaines années des éditeurs de jeux vidéo.

manuelscolaireLes singularités du marché du manuel scolaire numérique : Le marché du manuel scolaire numérique présente d’importantes particularités, par les attentes qu’il suscite et son mode de financement.

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* Premièrement, les attentes en termes de valeur ajoutée par rapport à la version imprimée sont beaucoup plus fortes pour le manuel numérique que pour le livre numérique. En effet, la nature des contenus du manuel, c’est-à-dire des connaissances en constante évolution, mais également ses objectifs, à savoir la délivrance d’un support de cours et d’apprentissage pour l’élève, se prêtent particulièrement aux enrichissements technologiques. Cependant, à l’heure actuelle, les manuels numériques restent le plus souvent relativement basiques. On en distingue trois types :

–  le manuel numérisé à partir de la version papier, avec des fonctionnalités simples d’affichage et de navigation. Tous les manuels aujourd’hui proposent a minima cette version en France.

– d’autres, moins nombreux, sont enrichis avec des ressources numériques (lien hypertexte, image, son, vidéo) et des fonctionnalités, comme l’annotation ou l’appui aux élèves (corrigé animé, lien vers l’élément de cours lié à la difficulté, etc.).

– enfin, quelques manuels numériques sont personnalisables, permettant à l’enseignant d’agencer des éléments (textes et images) à sa guise et d’ajouter des ressources personnelles. 

Par ailleurs, le manuel scolaire étant un élément central du système éducatif français, il est essentiel de s’interroger sur la plus-value pédagogique que l’on peut attendre de sa version numérique.

Les premières évaluations menées aux États-Unis ont eu des résultats relativement décevants. Il semble que les élèves sont plus attentifs et motivés, mais sans pour autant obtenir de meilleures notes. Pour certains, l’hyperstimulation offerte par le numérique favoriserait une lecture superficielle des documents. Cependant, une recherche sur le tableau numérique a démontré que son impact, pour devenir positif, nécessitait un temps d’appropriation par ses utilisateurs. Il pourrait en être de même avec le manuel numérique, en raison de la concurrence qui pourrait venir dans les prochaines années des éditeurs de jeux vidéo.

En France, la première expérimentation d’envergure a lieu depuis 2009 : plus de 15 000 élèves de sixième et cinquième ont accès à leurs manuels numériques via un environnement numérique de travail (ENT), tout en possédant chez eux la version imprimée. L’expérience montre que les problèmes d’équipements et de réseaux ont constitué le premier frein à l’usage de ces manuels. Par ailleurs, les élèves et les enseignants font preuve à la fois d’un fort intérêt et d’une certaine déception vis-à-vis du manuel numérique. Ils considèrent qu’il offre un plus dans les situations où l’interactivité est préférable (exercices collectifs), mais que la version papier reste adaptée à beaucoup d’utilisations (travail en autonomie de l’élève). Le numérique semble donc complémentaire, mais rarement substitutif de l’imprimé.

Ces attentes non satisfaites en termes de plus-value technologique et pédagogique doivent guider l’évolution du travail des auteurs et des éditeurs. La poursuite d’études d’évaluation et la mise en place d’une offre de formation sur les outils numériques pour les auteurs ainsi que pour les enseignants pourraient y contribuer.

Les manuels sans copyright : les éditeurs Lelivrescolaire et Sésamath publient des manuels grâce à la participation d’un grand nombre d’enseignants sur Internet. Les textes sont relus par des pairs, le pari étant que ces retours permettent d’amender les éventuelles faiblesses de l’ouvrage. Cela n’exclut pas l’encadrement et la coordination du travail par l’éditeur. Ces manuels sont livrés sous la licence Creative Commons BY-SA qui autorise la rediffusion du contenu à condition d’en mentionner l’auteur et de ne pas en faire d’utilisation commerciale. Suivant cette logique, les manuels sont publiés sur Internet en libre accès, même si on les trouve également sous format papier payant. Alors que la Californie vient de suspendre l’achat de livres scolaires jusqu’en 2013 et de lancer l’opération Open Source Digital Textbook Initiative, Lelivrescolaire y a implanté une filiale.

finances*  La deuxième singularité du marché du manuel numérique est son modèle de financement.

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D’une part, il s’agit d’un public captif, d’autre part, celui qui paye n’est pas l’utilisateur dans la majorité des cas. En effet, les dépenses sont en grande partie assumées par l’État et les collectivités territoriales. Les pouvoirs publics jouent donc un rôle particulièrement important dans la structuration du marché. En 2010, les manuels représentaient 10,3 % du chiffre d’affaires de l’édition française, soit 281 millions d’euros.

Ce marché est très concurrentiel pour la vingtaine d’éditeurs spécialisés. Mais, alors que l’on pourrait penser que l’offre numérique est un avantage concurrentiel non négligeable, les éditeurs semblent timides en la matière. Ils expliquent attendre un équipement informatique plus important des établissements scolaires et leur connexion systématique au haut débit. Le coût de développement  est également un frein majeur : aux dépenses de création s’ajoutent celles de recherche, les droits de reproduction, d’hébergement, de sécurisation des fichiers et une TVA à 19,6 % lorsque le manuel n’est pas considéré comme une version homothétique d’un livre imprimé, pour laquelle le taux réduit s’applique. 

L’offre restreinte en matière de manuel numérique se couple à une très faible demande. En cause, les limites du modèle économique traditionnel de diffusion et de distribution des manuels. Alors que la version imprimée est utilisée par cinq élèves en moyenne, les licences informatiques sont individuelles. De plus, la question du support de ces manuels dématérialisés est centrale. Actuellement, ils sont soit visionnés collectivement en classe au vidéoprojecteur ou au tableau numérique interactif, soit individuellement à partir d’un ordinateur (via un ENT, un CD-Rom, une clé USB, etc.).Toutefois, pour beaucoup, le support le mieux adapté au contexte scolaire se révèle être la tablette, qui permet de conjuguer travail à l’école et au domicile. Dès lors, se pose la question du coût d’investissement pour les pouvoirs publics,le principe de la gratuité de l’école prévalant.

Certains États américains, comme l’Utah, ont ainsi décidé de suspendre l’achat de manuels afin de consacrer les sommes à l’équipement individuel (souvent des tablettes) et à la mise en ligne de ressources libres de droit . Parallèlement, on constate la création de start-ups, à l’image d’Inkling. Mais c’est probablement l’arrivée sur le marché d’Amazon et d’Apple qui fera évoluer l’offre le plus rapidement. En effet, Amazon a inauguré en juillet 2011 un système permettant, en louant un manuel électronique, durant un à douze mois, d’économiser jusqu’à 80 % sur le prix d’achat. De son côté, Apple a annoncé en janvier 2012 une déclinaison de son lecteur de livres électroniques, iBooks 2, optimisée pour les manuels scolaires multimédiias. 

En France, si le passage au « tout numérique » ne semble pas envisageable pour l’instant, une intégration progressive pourrait être favorisée dès à présent en coordonnant les efforts financiers des collectivités territoriales et de l’État. Cela requiert aussi de mener des discussions avec les éditeurs pour parvenir à de nouveaux modèles économiques de diffusion (par exemple, une licence collective pour les élèves ou un système de location annuelle, couplé à une impression à la demande).

La concurrence de l’auto-édition

autoeditionUne autre interrogation majeure pour les éditeurs à l’ère du numérique est celle de l’essor de l’auto-édition. Celle-ci permet de s’affranchir de l’intermédiaire de l’éditeur dont la première tâche est de sélectionner les manuscrits jugés dignes d’être publiés. Mis en ligne sur un site web personnel, le livre auto-édité requiert un minimum de compétences techniques (maîtrise du traitement de texte, de la publication assistée par ordinateur), ce qui n’est pas le cas lorsque cette réalisation se fait par l’entremise d’une plate-forme d’auto-édition.

Cette pratique a déjà fait de nombreux émules aux États-Unis où l’on recense 250 000 livres auto-édités en 2011, soit presque l’équivalent de la production totale des éditeurs américains. Noyée dans la masse des contenus disponibles sur Internet, la production auto-éditée d’un auteur anonyme n’a guère de chance de susciter l’intérêt d’un large public. Aucun relais (attachés de presse, représentants) n’est en effet présent pour valoriser le texte auprès des médias et des internautes. Seul le bouche à oreille peut faire office de prescripteur. 

Il en va tout autrement dans le cas des auteurs ayant déjà une certaine renommée et pour lesquels l’auto-édition représente la possibilité de tirer un revenu plus important de leurs ouvrages. Ainsi, les auteurs britanniques Kerry Wilkinson, avec Locked in, et Katie Stephens, auteur de Candles on the Sand, ont-ils vendu plusieurs centaines de milliers d’exemplaires de leur ouvrage sur la plate-forme d’auto-édition Kindle Direct Publishing. Alors que le roman policier Locked in coûte 10,23 euros dans sa version papier, son équivalent numérique est vendu seulement 1,20 euro, soit une décote de 90 %. Ce faible prix de vente permet à l’auteur de n’obtenir qu’une rémunération modeste pour chaque exemplaire vendu, mais, si les ventes atteignent des volumes considérables, l’intérêt est évident. 

(Source : Thomas Loncle, avocat au barreau de Paris ; Sarah Sauneron, département Questions sociales ; Françoise Vielliard, département Développement durable et Julien Winock, service Veille et Prospective)

 

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