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Amazon Go

Avec son premier supermarché sans caisse, Amazon donne un coup de pied dans la fourmilière de la grande distrib.

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Alors que le président de Carrefour, Alexandre Bompard, annonce la suppression de 2400 emplois et l’injection de 2.8 milliards d’euros dans le digital, dans le même temps, Amazon, le leader mondial du e-commerce ouvre sa première supérette. Pas n’importe laquelle ; une supérette bardée de capteurs dans laquelle les clients font leurs courses et repartent, sans passer à la caisse. Ces deux informations annoncent-elles une révolution dans la distribution ? Une redistribution des cartes est-elle en train de s’opérer sous nos yeux ? Et si Amazon, finalement, n’avait qu’un but : racheter les géants actuels de la distribution, dont Carrefour, pour devenir l’acteur incontournable du secteur ? 
 
Seattle. Une petite rue coquette. Un supermarché comme il y en a à tous les coins de rues de nos cités. 170 m2, pas plus. Le client entre, badge son smartphone, choisit dans les rayons les produits qu’il souhaite, les met dans son sac de courses et ressort du magasin. Pas de caisse, pas de queue, pas de vendeurs. Simple comme bonjour. Son panier de courses est automatiquement analysé par une myriade d’yeux électroniques, des algorithmes de deep learning moulinent et le tour est joué. Son compte est automatiquement débité.
 
 
C’est la première boutique Amazon Go ; elle serait, selon Business Insider, la première d’un réseau de 2000 points de vente installés progressivement.
Amazon n’est pas le premier venu. C’est un des pères fondateurs du commerce électronique, d’abord focalisé sur les biens culturels, puis sur un catalogue de plus de 500 000 produits de toutes sortes. On peut tout acheter sur Amazon, ou presque. Des années durant, la marque emblématique a amélioré à l’extrême sa connaissance des arcanes du commerce en ligne ; elle a misé plus que de raison sur la logistique, clé du succès et de la confiance en la matière. Elle a inventé le marketing en ligne, les modalités de connaissance du consommateur et le meilleur moyen de lui vendre le produit recherché ou simplement convoité. Amazon agrège une marketplace considérable. Bref, un géant du web que des centaines de millions de clients pratiquent régulièrement sur tous les continents. Son fondateur, Jeff Bezos, est devenu cette année l’homme le plus riche de la planète.

A tout problème, il existe une solution

Alors, fort de sa position sur le web, que vient faire Amazon dans le commerce de détail physique, la boutique de quartier, en « brick et mortar » comme on le disait aux débuts du web ? Est-ce un retour en arrière, un rétropédalage ? Un retour aux sources teinté de nostalgie ? Pas tout à fait. Amazon sait que les consommateurs, s’ils utilisent toujours plus le web pour faire leurs courses, sont encore en nombre attachés, au moins pour ce qui est de l’alimentaire et des produits frais, au commerce physique, et vont volontiers faire leurs courses dans les magasins près de chez eux ou dans les périphéries des villes. Les hypermarchés ont certes réinventé leur métier mais ils sont toujours une machine à fabriquer un chiffre d’affaire qui peut se compter en milliards d’euros pour un seul magasin. Amazon le sait parfaitement et observe attentivement que l’alimentaire ne représente que 5 % de son CA. En revanche, ce qu’il a aussi détecté c’est un des inconvénients majeurs de ce commerce traditionnel : il faut faire la queue aux caisses et attendre, parfois de longues minutes, pour payer. Comme pour Amazon, à tout problème il existe une solution, pourquoi ne pas s’affranchir de cette contrainte ? Les progrès en reconnaissance visuelle, en analyse des flux d’images, en capteurs sensoriels, en algorithmie… permettent aujourd’hui tous les rêves.  Alors de là à imaginer un supermarché sans caisses, où le client pourrait se servir et repartir en toute liberté, il n’y a qu’un pas.

Challenge technique

Le challenge technique n’était pas évident à lever. Amazon est très avare d’explications sur la technologie employée. L’enseigne parle de reconnaissance visuelle, d’algorithmes, de deep learning, de capteurs sensoriels, autant de gros mots qui ne veulent pas dire grand-chose tant ils embrassent un champ hétéroclite de réalités. « Nous avons créé la technologie de shopping la plus avancée du monde » clame Amazon sur son site. « C’est rendu possible par le même type de technologies que celles utilisées dans les voitures autonomes » ajoute la marque.  
 
Pour identifier le produit que la ménagère va mettre dans son panier, on peut certes recourir aux capteurs de reconnaissance visuelle. Ces derniers ont fait d’énormes progrès dans l’identification de formes complexes. Mais de là à fonctionner en situation réelle, avec une foule de consommateurs qui se servent dans les rayons, il y a une marge de difficultés techniques que les ingénieurs peinent encore à franchir avec une efficacité sans faille. Le magasin prototype d’Amazon a été lancé en décembre 2016 mais il a fallu attendre plus d’un an pour le rendre opérationnel. Selon la presse américaine, Amazon a dû faire face à des bugs de son système de caméras qui avait du mal à distinguer les personnes de même corpulence. De même, les enfants amenés dans le magasin provoquaient des difficultés en déplaçant les produits aux mauvais endroits.
 
 
Le recours à des technologies innovantes n’est pas quelque chose de nouveau dans la grande distribution. La plupart des grandes enseignes pratiquent déjà le « self scanning », adoptent les caisses mobiles comme c’est le cas chez Sephora ou dans les Apple Stores. Mais envisager un système de « just walk out technology » comme le prétend Amazon est une gageure quand il s’agit de points de vente proposant des articles aussi nombreux et diversifiés que ceux que l’on trouve dans un grand magasin d’alimentation et a fortiori, dans un hypermarché. Toutefois, admettons qu’Amazon soit capable dans un proche futur de relever ce challenge. Quel est alors l’intérêt de cette annonce aux effets « wow », et surtout, quel est l’enjeu stratégique d’une telle innovation ?
 
En annonçant son concept, Amazon prend à rebrousse-poil tous les acteurs de la grande distribution. Ceux-ci ont abondamment investi ces dernières années dans le commerce en ligne, ils ont inventé le drive mais ne sont pas parvenus à modifier profondément le concept de grande surface. Amazon leur dit que c’est possible et annonce en fanfare l’émergence d’un modèle disruptif : un modèle qui n’est ni totalement physique ni totalement dématérialisé. Un modèle physique dans lequel la technologie est prépondérante. Un modèle où le client n’attend plus, ne se rend même plus compte qu’il est en train d’acheter. Un modèle où l’achat est instantané, irréversible et totalement indolore. Un modèle où le moindre comportement d’achat, la moindre hésitation est analysée, scrutée et décortiquée par le marchand devenu panoptique. Un modèle où les humains, ces sacrés humains qui coûtent cher, qui râlent et parfois font grève pourront être éliminés ; nul besoin de caissières dans les supermarchés d’Amazon.
Coup de pied dans la fourmilière
En lançant Amazon Go, la firme de Seattle met un coup de pied dans la fourmilière et rebat les cartes en autorisant tous les possibles. Elle s’appuie pour cela sur son expérience en matière d’automatisation et sur la lame de fond de la robotisation et de l’intelligence artificielle. Amazon s’en est fait une spécialité avec ses centres logistiques. Le magazine Quartz note à ce propos : « Amazon utilise déjà des robots dans ses entrepôts pour transporter des produits et les faire parvenir à des humains, qui les expédient ensuite. Ils travaillent sur des robots qui pourront bientôt retrouver les produits et les expédier eux-mêmes. Inversez ce processus, et ces mêmes robots pourront théoriquement restocker les rayons d’un Amazon Go. Dans un futur proche, un tel magasin pourrait potentiellement fonctionner presque sans être humain. »

Coup de semonce

Alors, Amazon Go ne serait-il pas le coup de semonce préfigurant des bouleversements majeurs ? Il faut le prendre avec sérieux. La synchronie de l’annonce d’Amazon avec celle de Carrefour laisse rêveur. Le président de l’enseigne d’hypermarchés vient en effet d’annoncer la suppression de 2400 postes de son siège en France sur les 10 500 actuels. Ce « plan de transformation » comme le dit Alexandre Bompard, le PDG de l’enseigne, s’accompagne d’une réduction des coûts de 2 milliards d’euros dès 2020 en année pleine, notamment via des économies sur la logistique et les coûts de structure, ainsi qu’un projet de réduction de 273 magasins anciennement Dia mais passés sous sa propre enseigne. Carrefour compte au total 115.000 salariés en France.
Alexandre Bompard, PDG de Carrefour
 
 
Parallèlement, le dirigeant annonce que son plan prévoit aussi 2,8 milliards d’euros d’investissements sur cinq ans pour accélérer la stratégie numérique du groupe et le développement de ses ventes via tous les canaux possibles.
Un plan d’envergure destiné à relever deux défis de taille : gérer l’« héritage » des hypermarchés, nés pendant la précédente révolution commerciale, dans les années soixante, et dont le modèle a sérieusement besoin d’être dépoussiéré, d’une part. Et d’autre part, faire entrer l’enseigne dans le commerce du XXIe siècle, et notamment celui du digital. Il y a urgence. En effet, avec 12.300 magasins sous enseigne dans le monde et 374.478 collaborateurs, 88 milliards d’euros de CA dont la moitié en France, le géant français de la distribution, qui était encore en 2001 n°2 mondial du secteur derrière l’intouchable groupe américain Wal-Mart, occupe désormais la 9e place, dépassé par Amazon (6e), selon le baromètre annuel du cabinet Deloitte.
Carrefour dépassé par Amazon, serait-il une proie pour le groupe de Jeff Bezos ? Selon le quotidien Les Echos, Amazon dispose bel et bien de moyens financiers colossaux comme le prouve le montant investi pour acquérir le distributeur bio Whole Foods : près de 14 milliards de dollars, l’équivalent de la capitalisation boursière de Carrefour, et deux fois plus que celle de Casino ! Jeff Bezos bénéficie également d’une latitude de ses actionnaires pour pouvoir perdre de l’argent afin d’apprivoiser certains marchés, ce qui peut faire craindre le pire en termes de guerre des prix sur un marché déjà ultra-compétitif et en déflation depuis plusieurs années.
Des rumeurs de rachat se sont multipliées l’année dernière. Amazon a approché plusieurs enseignes de la grande distribution pour nouer des alliances ou des partenariats. Mais à ce jour aucune d’elles n’a abouti. Jusqu’à quand ?
 
 

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