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Contre le pillage de notre patrimoine immatériel, changeons nos habitudes.

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A qui appartient une Société aujourd’hui ?
Nos habitudes, en matière de propriété, sont bousculées par la complexité des processus de création d’entreprise. Elles doivent donc évoluer. Les patrons n’en ressentent pas directement le besoin, mais les conditions à remplir pour devenir une terre attractive et lutter contre le pillage de notre patrimoine immatériel démontrent que nous allons devoir changer nos habitudes. Voici pourquoi et comment.

Petite parabole :
Par le passé, j’ai acheté un champ. J’ai demandé à des ouvriers agricoles de le cultiver. En contrepartie, je leur ai concédé une partie de la récolte.
Par la suite, j’ai créé une usine. J’y ai transféré mes ouvriers et je leur ai appris à faire marcher les machines que j’ai achetées. En vendant leur production, je leur versais un salaire et je remboursais l’emprunt qui a permis d’acheter les machines. Je n’avais pas de problème pour vendre car cela se passait avant la mondialisation et donc nous avions le contact direct avec nos clients. Ils nous faisaient faire des progrès et nos relations régulières nous permettaient de prévoir notre propre avenir.
Tant dans mes activités agricoles qu’industrielles, l’Etat a ponctionné une partie de mes bénéfices pour assurer son propre fonctionnement et apporter une protection sociale à mes ouvriers.
A présent, je me suis lancée dans la création d’une startup pour exploiter une idée intéressante. J’ai déposé des brevets sur des procédés mis au point avec mon équipe, composée de jeunes, sortis des meilleures universités de la région. Il a été difficile de se faire connaître, mais peu à peu, les clients se sont mis à apprécier nos innovations. Nous avons beaucoup travaillé. Heureusement, nous avons bénéficié d’aides publiques sous différentes formes.
Notre entreprise va bien, tellement bien qu’elle intéresse des investisseurs qui m’en proposent un bon prix. Je ne sais pas ce qui les intéresse le plus. Sans doute les brevets, les savoirs faire et les beaux cerveaux universitaires qui nous sont restés fidèles et éventuellement nos clients.
Au mieux, ils vont délocaliser l’entreprise ; au pire, ils vont la tuer car notre offre fait concurrence à un géant du secteur qui peine à se moderniser, mais qui dispose de grands moyens pour pérenniser sa survie sur le marché.
Si j’accepte leur offre, je vais pouvoir me lancer dans des projets plus personnels. En revanche, mes collaborateurs, à qui je dois une part importante de cette fortune, ne toucheront rien (ou si peu).
Les instances publiques qui m’ont aidée ne toucheront rien non plus. Bien au contraire, non seulement elles vont devoir prendre à leur charge les chômeurs qui vont immanquablement apparaître, mais elles ont être spoliées du patrimoine de savoir que nous avions développé.
Tant mieux pour moi, mais est-ce bon pour la communauté ? Existe-t-il une solution plus équitable ?

Lorsque j’avais accaparé un champ en en devenant propriétaire, je n’avais pas pris de risque car je savais, en gros, quel allait être le rendement agricole et donc financier.
Lorsque j’ai créé mon usine, j’ai pris davantage de risques car je ne savais pas si les ouvriers allaient être capables de faire marcher correctement les machines.
Lorsque j’ai créé ma startup, j’ai pris bien plus de risques car je n’étais pas certain que nous parviendrions à déposer notre brevet et je n’avais aucune garantie quant à l’accueil qui serait fait sur le marché de mon produit.
Pour me donner bonne conscience, je me dis que le gros chèque que je vais empocher récompense ma prise de risques et les efforts que j’ai consentis ; mais honnêtement, ces jeunes qui m’ont suivi ont eux aussi pris des risques car une startup qui échoue marque négativement le CV de ceux qui s’y sont investis.

Mon équipe est hostile à la vente de l’entreprise, elle ne sait pas comment s’y opposer. La loi ne protège pas ces salariés repreneurs et nos instances publiques ne se protègent pas non plus contre ces formes de pillages devenus de plus en plus fréquents au fur-et-à-mesure que nous entrons dans l’économie de l’immatériel, dans l’ère post-mondialisation et dans les guerres des talents.

L’AP2E travaille sur un projet de loi qui vise à favoriser la reprise des entreprises par leurs salariés, lorsque le contexte s’y prête. Le gouvernement actuel y travaille également (promesses du candidat Hollande). Hélas, le projet de loi, en passant de main en main, perd jour après jours de sa pertinence.
Parmi les obstacles, il y a la vision juridique de la propriété. Elle est traitée comme du temps où j’avais un champ (au 18ème siècle). Elle a été revue avec les nuances induites par l’industrialisation. Il faut à présent la revoir à la lumière des enjeux de la mondialisation et de la guerre des talents.

Notre vision juridique semble désormais incohérente face au contexte actuel ou une entreprise repose de plus sur de la richesse immatérielle (des savoirs faire, des réseaux) qui devient de plus en plus le fruit d’une œuvre collective.
La richesse immatérielle est facile à piller. Pour la conserver, il faut créer de l’attractivité. Cette attractivité est créée par l’environnement (collectivité locale et nationale). L’environnement doit pouvoir s’impliquer de bout en bout dans le renouveau de son tissu entrepreneurial. Il doit s’en donner les moyens. Il ne doit pas seulement régler les notes de la maternité, la crèche, l’hospice et verser des subsides aux orphelins parce qu’au-delà d’une entreprise qui ferme ou qui quitte le territoire, il y a une perte de talents, de savoir et de dynamique socio-économique qui va être très difficile à reconstruire.

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Par ailleurs, la propriété apparaît comme la contrepartie de la prise de risques de l’entrepreneur. Or, sauf exception, celui-ci ne peut plus prendre de risques tout seul. Ainsi, notre vision de l’entreprise et de la notion de propriété, ainsi que le droit qui en découle, s’écarte de la réalité et devient trop inadapté. Légiférer, en espérant s’adapter, semble dérisoire. De fait, les lois se multiplient et ne font qu’alourdir la vie de ceux qui veulent entreprendre.

Il existe pourtant une solution et ceux qui commencent à la mettre en œuvre s’en félicitent : tout individu (physique, moral ou institutionnel) qui contribue à l’enrichissement de l’entreprise par son travail, par la mise à disposition de moyens et par ses prises de risques doit posséder une part de l’entreprise en contrepartie, lorsque ses apports ne sont pas récompensés au juste prix.
Ce qui devient nouveau dans cette nouvelle approche économique, c’est que même la collectivité qui a accordé des aides (de toutes natures) va commencer à posséder une part des sociétés qu’elle accompagne et le nombre de citoyens impliqués « affectivement » dans le capital des entreprises va également croître, amplifiant ainsi le processus amorcé par le crowdfunding.
C’est comme ça dans le monde collaboratif dans lequel nous entrons inexorablement.
Autrefois nous disions « toute peine mérite un salaire ». À présent nous allons ajouter « toute prise de risque mérite une part de capital ».

Ceux qui s’opposent à cette nouvelle approche ne pourront pas survivre car la complexité est devenue trop prégnante dans nos processus de création de richesses. En partageant les prises de risque, nous élevons les espérances de succès, parce que, c’est bien connu, « l’union fait la force ».

Cette nouvelle approche économique s’adresse à des citoyens plus matures, désireux de s’impliquer dans la vie sociale et économique. Ce sont donc des citoyens qui aspirent à une forme renouvelée de la démocratie, rendue possible par l’élévation du niveau de vie, les moyens modernes de communication et une prise de conscience du « moi » dans le « nous ». Un tel projet de société est porté que par ces citoyens engagés, qui façonnent jour après jour un consensus nouveau dans notre vision collective.

Sans attendre l’aboutissement de ce travail de fond, pour le sujet précis de la reprise d’entreprise par les salariés, vous pouvez signer la pétition de l’AP2E.

Geneviève Bouché, Docteur en prospective

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