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Le Feuilleton de la mutation / Introduction

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UP’ vous propose chaque semaine de partir à la découverte d’un ouvrage dans la lignée d’UP’Spirit , c’est-à-dire l’optimisme envers et contre tout, et la mise en lumière d’initiatives innovantes et d’entrepreneurs qui osent. Sous forme de feuilleton, nous vous offrons pour inaugurer cet ancrage éditorial les meilleurs extraits d’un des derniers livres de Christine Marsan, « Entrer dans un monde de coopération – Une néo-RenaiSens », en avant-première. Introduction.

« Nous postulons que nous détenons le ressort pour nous transformer et ceci sans que cela passe par le moteur de la peur ou des catastrophes. Cependant, pour y parvenir, cela nécessite d’effectuer des métamorphoses d’envergure aussi bien individuelles que collectives, de nos représentations de la réalité, de nos schémas de pensées, de nos croyances et comportements quotidiens.
Quelques catastrophes annoncées démontreront crûment aux plus sceptiques que notre mode de vie actuel ne peut plus perdurer : le bouleversement du climat, l’écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres, l’augmentation de l’obésité et de l’usage des drogues, l’emprise de la violence dans la vie quotidienne, les actes terroristes de plus en plus terrifiants, l’impossible bunkérisation des riches, la médiocrité du spectacle, la dictature des assurances, l’envahissement du temps par les marchandises, le manque d’eau et de pétrole, la montée de la délinquance urbaine, les crises financières de plus en plus rapprochées, les vagues d’immigration échouant sur nos plages, d’abord main tendue puis poing levé, les technologies de plus en plus meurtrières et sélectives, les guerres de plus en plus folles, la misère morale des plus riches, le vertige de l’autosurveillance et du clonage, viendront un jour réveiller les dormeurs les plus profondément assoupis. Les désastres seront une fois de plus, les meilleurs avocats du changement.
L’Histoire ne bifurque que quand des êtres aventureux, soucieux de la sauvegarde de leur liberté et de la défense de leurs valeurs, font – en général pour leur plus grand malheur – avancer la cause des hommes. »

Jacques Attali

Le bilan est sévère, et il nous semble important de ne pas nous laisser englués par les catastrophismes et les effets paralysants et culpabilisants que de telles énumérations suggèrent. Les crises successives, de toute nature, font vaciller le système dans lequel nous vivons et nous invitent à le repenser au plus tôt si nous voulons éviter de disparaître avec lui.

Le propos de cet ouvrage est de faire prendre conscience que nous vivons aujourd’hui un changement de paradigme majeur de notre civilisation, voire de l’humanité. Nous sommes contemporains et co-créateurs de cette évolution fondamentale, c’est la raison pour laquelle il nous est encore difficile d’avoir le recul nécessaire pour saisir en quoi cette dernière consiste. Cet essai a pour ambition de rendre cette mutation plus compréhensible ; un certain nombre de phénomènes, mis bout à bout, conduisent à une autre lecture de notre quotidien. Un nouveau sens apparaît, qui met en exergue notre monde en profonde transformation. Ainsi, au lieu d’entretenir la morosité et le pessimisme, nous démontrons de nos formidables forces de résilience et encourageons chacun à mobiliser ses ressources pour les mettre au service de cette métamorphose d’importance.

La mondialisation économique et technologique a placé l’être humain dans le champ du complexe et du systémique. Par conséquent, la multiplicité des crises que nous traversons peut se comprendre comme la manifestation d’une crise elle aussi systémique impliquant tous les domaines du vivant : écologique climatique, économique, social, sociétal, politique, technologique, démographique, anthropologique…
La révolution de la physique quantique explique particulièrement bien ce changement de paradigme. Elle a des effets sur nos représentations et la manière dont nous appréhendons le quotidien. Nous sommes remis en cause dans les fondements de notre humanité et cela a de nombreuses conséquences. D’un côté, la place de l’homme est devenue insignifiante face à l’étendue de l’univers ; aussi observe-t-on une montée du narcissisme, dans une tentative de compensation, d’un autre, les violences sociales qui surgissent dans différents domaines rendent compte du profond malaise des citoyens. Elles manifestent la réalité de cette transformation de la société, chaos caractéristique des périodes intermédiaires. Violences qui expriment la panique face à la remise en question des référentiels : ceux du paradigme moderne largement ébranlés, et ceux du paradigme émergent, encore en construction. Dans l’intervalle, les peurs et les angoisses refont surface et avec elles l’imaginaire de l’Apocalypse, comme seule réponse à la « crise ». Face au chaos, se sentant craintifs et démunis, nombreux sont ceux qui attendent un sauveur providentiel faisant la part belle au modèle archaïque du chef de meute, en un mot au modèle hiérarchique pyramidal.
Pour certains pris par les peurs, c’est l’inertie qui domine, tout est ralenti, les idées ne parviennent pas à se transformer en actions et pour d’autres, l’impuissance et la frustration se traduisent en violences.

La question est de savoir si nous basculerons dans l’acception commune de l’Apocalypse associée aux catastrophes, guerres et révolutions ou si nous choisirons le sens de la Révélation et réveillerons nos richesses, notre force de vie pour aborder ce nouveau temps de l’histoire de l’humanité.

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L’observation du social nous conduit à constater un engouement pour diverses tendances : un retour vers le Moyen Age dans lequel nous puisons des sources d’œuvres romanesques (magie, chevaliers de la Table Ronde, Templiers…) qui ravivent les valeurs de courage, d’exemplarité, d’héroïsme dont nous avons peut-être besoin pour passer le cap de ce changement décisif de civilisation. A l’occasion du 11 septembre 2001 (1), nous avons mentionné le “retour du refoulé” venant remettre sur le devant de la scène les parts d’ombre et d”irrésolus de l’Histoire humaine et aussi notre appétit à rechercher dans le patrimoine de l’humanité les ressources pour nous repenser. Ainsi, nous pouvons voir les emprunts au XIXeme siècle, par exemple, mêlant industrialisation naissante, ferveur républicaine, enthousiasme politique, romantisme, symbolisme, curiosité pour le spiritisme et naissance de la psychanalyse. Des films comme Harry Potter ou Hugo Cabret ont d’ailleurs choisi le cadre historique du XIXeme siècle pour raconter des histoires à réenchanter le monde. Nous observons également notre vif intérêt pour les peuples premiers, témoins vivants des premiers moments de notre humanité et source d’inspiration pour la vie communautaire et les modes de gouvernance. Et encore, plus récemment, la mention régulière du néolithique. Nous serions, selon Michel Serres, contemporains d’une évolution de notre humanité aussi importante que celle qui la fit passer du paléolithique au néolithique. Nous n’en finissons pas de rechercher dans le fil del’Histoire humaine les traces et indices permettant de comprendre cette époque chahutée dans laquelle nous nous débattons pour la majorité et trouvons pour quelques-uns les signes du monde qui advient.

Le défi de ce nouveau paradigme est de co-construire, c’est-à-dire tous ensemble, à partir de la vitalité et de l’innovation des citoyens, le monde en devenir. Ce qui implique des comportements d’entraide et de solidarité qui ne sont possibles que si nous agissons à partir de valeurs de paix.

La physique quantique nous fait sortir de facto du monde duel et binaire dont nous sommes coutumiers. Grâce à elle, nous entrons dans les différentes dimensions (micro et macro) de l’univers où plusieurs réalités peuvent coexister. C’est alors qu’apparaît le ET (lien, reliance, réconciliation), signifiant que plusieurs choses sont possibles en même temps (onde et particule). La manière dont la physique quantique observe le monde rencontre alors celle dont les artisans de paix conçoivent la relation à l’autre pour sortir de la dichotomie et de la guerre. La physique concilie l’espace et le temps, la paix réconcilie les opposants et la complexité tisse les liens entre les disciplines qui éclairent notre avenir. Ainsi chaque composante de notre quotidien nous pousse à concevoir le ET, le lien entre les choses, l’interdépendance des acteurs et de leur environnement.

Ce changement de pensée radical consistant à passer des valeurs de guerre à celles de paix ne s’est pas opéré en un jour. Nous avons voulu restituer ce lent cheminement qu’il a fallu à notre conscience pour évoluer et passer d’une logique de guerre aux effets dévastateurs, que ce soit pour les êtres humains ou pour la nature, à celle de paix qui sous-tend les attitudes de coopération et de solidarité nécessaires pour gérer la complexité de notre monde globalisé. Après avoir passé des siècles à nous détacher des déterminismes de la nature et parvenir fièrement à la contrôler, voilà que nous avons pris conscience des errances dans lesquelles nous ont conduit cette arrogante séparation des lois de la nature. Aujourd’hui, la crise systémique et les effets environnementaux de nos excès (pollution, gaspillage des ressources naturelles) nous font prendre conscience de notre inscription incontounable dans le règne du vivant. C’est alors la montée de l’écologie : mode de pensée et surtout actions multiples pour modifier notre environnement et nos habitudes.

C’est en identifiant les valeurs qui nourrissent les civilisations que nous pouvons comprendre les racines des métamorphoses et les changements de paradigme.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous sommes aujourd’hui fascinés par les peuples premiers que nous considérons enfin avec intérêt. Nous cherchons chez eux une nouvelle forme de sagesse, ce qui explique notre attrait pour le chamanisme ou l’animisme. Nous regardons aussi leur mode de fonctionnement quotidien, pacifique (pour certains) et respectueux de la nature, détaché de la notion de propriété. Peut-être ont-ils trouvé les clés de la vie tandis que nous nous débattons dans les miasmes d’une société moribonde ? Enfin, c’est surtout en Orient que nous puisons les réponses à nos besoins de transcendance et de sagesse. Le bouddhisme et le taoïsme semblent détenir des clés pour dépasser nos souffrances, ce que la psychanalyse n’est pas totalement parvenue à réaliser.

Parallèlement, le niveau de conscience a considérablement évolué en Occident, en particulier à la suite des génocides et barbaries perpétrées au XXe siècle. La paix s’est alors imposée comme une nécessité vitale pour le monde de demain. Elle apparaît consubstantielle de l’expansion économique. Les signes de cette évolution se retrouvent dans les pratiques quotidiennes telles que la communication non violente, la négociation gagnant-gagnant, le management éthique, le développement durable, la responsabilité sociale d’entreprise. Nombreux sont les éléments qui participent à une autre conscience.
C’est par le dialogue, seul terrain de la rencontre où les différences se transforment en convergences et où le monde du OU cède la place à celui du ET que les accords, les traités de paix, les résolutions de conflits sont possibles.

Depuis les événements du 11 septembre, avec le recul d’une décade, nous pouvons rendre compte des signes et des faits concrets qui attestent de ces mouvements en marche. « Les processus de décomposition au sein de notre civilisation ne permettent pas de percevoir les éventuels processus de recomposition (2). » Nous avons rédigé cet ouvrage afin de mettre en lumière les processus latents qui ne sont pas toujours visibles pour démontrer de la vitalité de notre civilisation qui détient en son sein le potentiel de résilience pour renaître de ses cendres. Comme le rappelle Edgar Morin face à l’accélération de processus technologiques, il y a retard de la conscience sur l’expérience. « Comme le disait Ortega Y Glasser : Nous ne savons pas ce qui se passe et c’est justement ce qui se passe. » Et Hegel : « L’oiseau de Minerve prend toujours son envol au crépuscule. Le retard s’accentue dans un temps accéléré. » Et c’est précisément pour compenser ce retard de la pensée et de la conscience sur les faits qu’en ayant une lecture rétrospective, nous pouvons avoir une vision prospective et nous préparer à l’improbable avec des ressources renouvelées.
« Un système qui n’a pas en lui les moyens de traiter ses problèmes est condamné soit à la régression, voire à la mort, soit, en se dépassant lui-même, à la métamorphose (3). »

Il nous faut sortir du cadre des schémas du passé, des lourdeurs des establishments et des conditionnements nocifs pour nous réinventer. Et ce sera possible pour autant que nous aurons une vision claire des éléments qui nous ont fait évoluer au niveau où nous en sommes. Ceci afin d’envisager ce dont nous avons besoin pour sortir des systèmes économiques et politiques anachroniques, comme des systèmes de pensée et des schémas obsolètes, et parvenir à des horizons régénérés.

Nous concluons sur le fait que l’urgence écologique, devenue une priorité planétaire, implique des solidarités et des fraternités mondiales. Inspirées de l’observation de la nature, les recherches sur le biomimétisme tendent à accorder la créativité de la nature avec les applications au monde industriel (aérodynamisme, thermodynamisme….) et plus largement social (urbanisme, mode de coopération, rapport à la résilience). Elles démontrent que la vie détient les clés de la coopération et les moyens de rebondir à la suite de dévastations des écosystèmes. Sachons en tirer enseignements.

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Les pouvoirs centralisés ont démontré soit leurs faiblesses, soit leurs errances, voire les dangers qu’ils représentent pour notre écologie éthique. Pourtant, nombre de citoyens éprouvent le besoin d’exprimer directement par la variété incroyable de leurs initiatives leur engagement et leur motivation, prenant à bras le corps la responsabilité du changement majeur de notre humanité. Encore faut-il le voir, en rendre compte, le reconnaître et écouter les modifications substantielles que cela entraîne sur notre humanité et notre quotidien. Nous identifions les composantes de cette nouvelle humanité et des modalités de l’engagement existentiel et humaniste, voire politique, en proposant de concilier éthique et démocratie.

Enfin, les actions pour juguler les dérapages de la pollution et l’épuisement des ressources énergétiques ne peuvent advenir que sur la base de valeurs de paix manifestées au jour le jour. Celles-ci s’apprennent et reposent sur une évolution généralisée des consciences. La paix commence déjà au cœur de soi. Elle agit ensuite dans le collectif et dessine d’autres manières d’être et de vivre ensemble.
Ce qui ne pourra avoir lieu que si nous parvenons à dépasser les tensions et à concilier les acquis et réalisations positifs d’aujourd’hui avec les exigences du monde à venir. Nous nous orientons vers un renouveau de notre démocratie, régime politique restituant la souveraineté aux citoyens qui sont désormais clairement les instruments du changement du monde. Des quatre coins de la planète émergent des initiatives qui prouvent la vitalité des peuples et leur résolution à prendre à bras le corps les problèmes gigantesques causés par le libéralisme dérégulé, la croissance sans limite et la mondialisation. Nombreux sont ceux qui agissent « localement » pour répondre aux carences d’une pensée globale qui doit être revivifiée afin d’assumer les problèmes globaux de la planète, des espèces vivantes et des êtres humains.

(1) Voir C. Marsan, L’imaginaire du 11 septembre. Des cendres émerge un nouveau monde, Editions Camion Noir, 2012. L’ouvrage a été rédigé sur la base d’interviews menées immédiatement à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
(2) E. Morin, Pour une politique de civilisation, Aréla, 2008.
(3) E. Morin, op.cit.

©Christine Marsan, Psycho-sociologue – « Entrer dans un monde de coopération. Une néo-RenaiSens » – Editions Chronique Sociale, 2013.

Photo illustration : ©Jerry Uelsmann : Symbolic Mutation 1961

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