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Le Feuilleton de la mutation / Une néo-RenaiSens – Les similitudes avec notre époque

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UP’ vous propose chaque semaine de partir à la découverte d’un ouvrage dans la lignée d’UP’Spirit, c’est-à-dire l’optimisme envers et contre tout, et la mise en lumière d’initiatives innovantes et d’entrepreneurs qui osent. Sous forme de feuilleton, nous vous offrons pour inaugurer cet ancrage éditorial les meilleurs extraits d’un des derniers livres de Christine Marsan, « Entrer dans un monde de coopération – Une néo-RenaiSens », en avant-première. 

Peinture de Giuseppe Arcimboldo


 RenaiSens : Les similitudes avec notre époque

« Et si derrière le tohu-bohu général fermentait en réalité une Renaissance mondiale ? » Patrice Van Eersel

Tout comme la majorité du peuple de la Renaissance ne devait guère avec conscience du mouvement fabuleux dans lequel elle était prise, nous postulons qu’aujourd’hui, nous vivons une époque analogue. Les frémissements et les effervescences sont multiples et il nous est difficile d’avoir une vision globale, panoramique, voire prospective de ce que nous expérimentons.
Seuls quelques humanistes, explorateurs et autres philosophes, artistes, inventeurs furent les ardents contributeurs de cette métamorphose, sans pour autant saisir l’ampleur de la mutation à laquelle ils participaient.

Pourtant, la Renaissance, au-delà de son étymologie initiale de rinascita, donna lieu surtout à un « bouleversement général qu’allaient provoquer l’invention de l’imprimerie, la découverte de l’Amérique ou, bientôt, la révolution cosmologique de Copernic […]Tout cela se produit comme il y a cinq cent ans, dans le fracas et la tourmente d’un accouchement parfois monstrueux. »(1)

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Pour Edgar Morin : « Nous participons au plus grand des récits imaginables » et pour Michel Serres : « Nous traversons la plus importante mutation depuis la Préhistoire », nous vivons une véritable métamorphose de notre civilisation comme de notre humanité.

Aujourd’hui, nous avons le recul de l’Histoire et nous pouvons mesurer comment chaque bond en avant de notre conscience a souvent été accompagné d’atroces violences. Chaque siècle s’est avéré plus barbare que le précédent, le XXe siècle ayant démontré le paroxysme de notre intelligence au service de la destruction de l’être humain. Alors tout comme l’esprit de Renaissance, nous sommes invités au doute (2), au questionnement, à la réflexion, afin de tirer les leçons de nos égarements passés et faire en sorte que nous puissions co-construire le monde en gestation avec lucidité, intelligence, éthique, altruisme et humanisme.
« Même très différents d’eux, nous avons en commun avec les gens du XVIe siècle le fait d’entrer à la fois dans une immense incertitude et dans un élan universaliste, gros d’une nouvelle civilisation […]. Le moteur principal de la Renaissance a été l’inquiétude, notamment devant la découverte que l’humain était un barbare […](3). Ne sommes-nous pas atteints de la même paradoxale, et espérons-le, fructueuse “fragilité humaniste” ? »(4).

Les parallèles que nous pouvons effectuer

Aux révolutions majeures de la Renaissance, notons aujourd’hui les similitudes contemporaines.

A l’imprimerie, c’est Internet qui apporte sa révolution avec la rapidité de transmission des données, le mode de diffusion universel, un autre rapport à la propriété (gratuité), et le fait que l’humanité entière est connectée créant à la suite de la mondialisation économique, la mondialisation de la connaissance.

A la découverte de l’Amérique et du nouveau monde, nous avons marché sur la Lune et débuté l’exploration de l’univers, du ciel, d’autres planètes et d’autres galaxies, bouleversant nos rapports à la terre et plus fondamentalement élargissant nos représentations sur le réel, ouvrant la voie à la conscience écologique.

A la révolution copernicienne nous assistons à celle de la physique quantique qui nous invite à l’imprévisible, nous permet d’envisager tous les possibles, de sortir de la pensée binaire et de réaliser la jonction des éléments de la vie, la reliance des savoirs et la transdisciplinarité pour comprendre la complexité. Pour les humanistes de la Renaissance toutes les connaissances sont liées entre elles. « Une bonne formation – et un travail considérable – doivent permettre de les assimiler toutes. » (5). Ils ont une approche encyclopédique qui rejoint la quête transdisciplinaire actuelle visant à relier à nouveau les disciplines entre elles, comme l’a tenté Edgar Morin avec La Méthode, afin d’avoir une vision la plus complète possible de notre humanité. Sans vision globale, aujourd’hui évidemment imparfaite et non exhaustive, nous ne pouvons saisir la complexité du monde et ses enjeux et encore moins avoir une influence significative et juste sur notre humanité. Ce qui nous conduit alors à travailler en équipes pluridisciplinaires afin d’associer connaissances et savoirs pour en faire émerger de nouveaux.

La Renaissance fut une époque de mouvements et de découvertes, développant le nomadisme par les voyages surtout et quelques migrations. Notre époque a trouvé elle aussi de nouvelles formes au nomadisme, d’une part, grâce aux technologies nomades, et également avec les migrations et mobilités massives effets de la mondialisation, aussi bien choisies que subies (6) .
Aux grandes découvertes physiques de la Renaissance, le XXeme siècle a voulu explorer les étoiles et le XXIeme, ramené de force au périmètre de la Terre (7), s’est créé un nouveau continent : Internet, d’ailleurs surnommé le 6eme continent. L’exploration est désormais virtuelle, au travers des réseaux et notamment avec une grande soif de connaissances, de découvrir le monde tel qu’il est aujourd’hui, de comprendre les mutations et de co-construire le monde en devenir. Et d’ailleurs, l’engouement pour les utopies repart de plus belle, nombreux sont ceux qui voient dans les défis actuels à relever l’opportunité de manifester des eutopies (8), des nouveaux mondes alternatifs à rendre opératifs.

« A la Renaissance, La république des Lettres […] est devenue une réalité qui transcende les frontières des Etats : hommes et textes circulent en son sein au service de la progression des savoirs. Ses membres la perçoivent comme une société idéale, sans cadre juridique, une communauté savante conçue et vécue sur le modèle d’une cité antique, indissociable […] (9). » Ainsi, elle invente les réseaux qui préfigurent le mode relationnel actuel, largement amplifié par les réseaux sociaux. La Renaissance pensait déjà l’Europe – George Podiébrad (1420-1471), roi de Bohème, fut le premier à rédiger en 1463 un projet d’union européenne – et de gouvernement mondial, résonance avec les préoccupations des prospectivistes et politologues contemporains. Il est « impossible de créer de la connaissance en fonctionnant en pyramide. » (10).

Nous voyons bien comment les savoirs se construisent aujourd’hui sous nos yeux, ils se co-élaborent mondialement et manifestent l’intelligence collective des êtres humains qui sont capables de mutualiser, anonymement, de la connaissance par le crowd sourcing. La révolution de la reliance, du fonctionnement en réseau est en marche, basée sur le partage, la gratuité et le don.

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Au schisme religieux fait écho le choc des civilisations et les affrontements entre communautés religieuses, même si les récentes révolutions arabes laissent entrevoir qu’un basculement fondamental s’opère et que la majorité des citoyens préfère la démocratie à l’intégrisme. « Vingt ans plus tôt, ces générations arabes, […] semblaient n’avoir comme seul exutoire que l’intégrisme islamique. » (11). Et voilà qu’en 2011 : « Tout a déjà été tenté et a échoué, alors quelque chose de fondamentalement nouveau doit être osé. Les réseaux sociaux sont l’instrument majeur de cette mobilisation, mais l’énergie de la contestation est la colère, et la jeunesse en porte la flamme […]. Le texte (exigences du peuple égyptien) est le fruit d’une rédaction collective, à laquelle ont participé toutes les composantes de la coalition […] appelant à la poursuite de « cette révolution pacifique » (et démocratique) jusqu’à la victoire. » (12)

Ensuite, l’humanisme se retrouve aujourd’hui dans la construction de soi. A la suite des excès de l’individualisme et du consumérisme, s’est développée une conscience de soi qui entraîne des millions de gens au travers de l’Occident, depuis les Années 1960 pour quelques-uns et de manière bien plus massive depuis les années 1980, à entreprendre un travail personnel, de la thérapie au développement personnel ou spirituel. Nombreux sont les individus en quête d’eux-mêmes, cherchant, comme l’invitait Erasme, à devenir des êtres humains, sortis des conditionnements et des limitations en tout genre. L’individuation théorisée par Jung (13), puis Simondon, est une invitation à l’autonomie et à la liberté.
A l’Homme nouveau, les transhumains et Créatifs Culturels préfigurent une mutation significative de l’être humain qui devra sans doute choisir entre transhumanisme (14) et évolution de l’Homme par ses seules capacités (du type Mindfulness). Nous parlons d’humanité 3.0 sur laquelle nous reviendrons en fin de troisième partie. La science et la spiritualité s’engagent dans un bras de fer sur les moyens pertinents les plus adéquats pour faire effectuer un saut quantique à l’humanité.

Enfin, la Renaissance fut l’émergence du projet radical de la liberté individuelle, poursuivi par les révolutions : indépendance des Etats-Unis et Révolution française, avènement de la démocratie et de la République, déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Aujourd’hui, le défi en Occident est de revivifier notre démocratie en danger tandis que ses principes essaiment dans de nouvelles parties du monde.

(1) Van Eersel P., « Vivons-nous une nouvelle Renaissance ? » Nouvelles Clés, N°71, juin-Juillet 2011.
(2) Patrice Van Eersel nous rappelle que : Contrairement à l’idée que nous nous en faisons généralement, l’esprit de la Renaissance fut imprégné de doute. « Vivons-nous une nouvelle Renaissance ? » Ibid.
(3) Tandis qu’à l’époque nous supposions l’Autre comme étant barbare, car inconnu, depuis la XXe siècle l’évidence apparaît que le barbare c’est nous. Delpech T., L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIe siècle, Grasset et Fesquelle, Paris, 2005.
(4) Patrick Boucheron, cité par Patrice Van Eersel, op.cit.
(5) Ibid.
(6) Voir à ce sujet Attali J., L’homme nomade, Fayard, 2003.
(7) nécessité d’allouer les budgets d’Etat à autre chose qu’à la conquête spatiale
(8) Néologisme de l’auteur pour mettre l’accent sur l’acception de l’utopie qui n’est pas “irréaliste et chimérique” mais potentiellement atteignable et souhaitée comme un futur possible. Voir le dévelppement dans L’imaginaire du 11 septembre, op.cit.
(9) Hamon P., op.cit.
(10) Luyckx Ghisi M., op.cit.
(11) Patrice Van Eersel, op.cit.
(12) Filiu J-P., La révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique, Fayard, 2011.
(13) L’individuation pour Jung est le processus de création et de distinction de l’individu. Dans le contexte de la psychologie analytique il se rapporte à la réalisation du Soi par la prise en compte progressive des éléments contradictoires et conflictuels qui forment la « totalité » psychique, consciente et inconsciente, du sujet. Vers la fin de sa vie, Carl Gustav Jung le définit ainsi : « J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par lequel un être devient un individu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité. » Jung, C.G., Ma Vie, Folio, Gallimard, 1991. http://fr.wikipedia.org/wiki/Individuation_(psychologie_analytique), consulté le 17 août 2011.
L’individuation selon Simondon est résumée de la manière suivante par Henri Van Lier : Le devenir n’est plus un accident qui arrive à l’individu, c’est son essence, à savoir l’individuation. Le sens (ce qui fait sens) est ce mouvement et cette tension où rien n’est stable, ni instable, mais métastable, chaque unification transitoire étant grosse de ses potentialités antérieures et de ses potentialités postérieures, entre lesquelles une perception-motricité insiste un instant comme un au-milieu, un entre-deux. http://henrivanlier.com/anthropogenie_locale/ontologie/simondon.pdf
(14) Attention le transhumanisme n’est pas ce dont parle Jacques Attali lorsqu’il évoque les transhumains. « Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et sur d’autres techniques émergentes. » Le projet transhumaniste recherche une longévité accrue et l’augmentation sans restriction de nos capacités mentales. Le risque d’eugénisme est ravivé. Pour plus de détails voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Transhumanisme, consulté le 19 août 2011. Voir aussi Humanity + : http://humanityplus.org/ . Ou encore Kurzweil R., Serons-nous imortels? Oméga 3, nanotechnologies, clonage…, Dunod, 2006.

Christine Marsan, Psycho-sociologue – ©« Entrer dans un monde de coopération. Une néo-RenaiSens » – Editions Chronique Sociale, 2013.
Rédactrice Innovations sociales UP’ Magazine

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