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voitures électriques

La voiture électrique représente-t-elle réellement l’avenir de la mobilité propre ?

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Le véhicule électrique est salutaire pour le futur de la planète. Va-t-il pour autant constituer le futur du transport ? Que faut-il pour que cela se produise ? Éléments de réponse.
 
« Il est tentant de penser que dans un futur pas si lointain tous les véhicules seront électriques, mais personne n’en a aucune idée et il reste une longue route à parcourir pour y parvenir. » C’est par cette phrase énigmatique que le professeur John Heywood, spécialisé en génie mécanique au Massachusetts Institute of Technology (MIT), commence l’interview. Le sujet suscite en effet de l’intérêt. Les constructeurs automobiles ont investi au moins 90 milliards de dollars dans ces véhicules au niveau global d’après une analyse de l’agence de presse ReutersPSA, Toyota, BMW, Daimler, GM, Volvo, Nissan, Porsche, Ford, Renault, Volkswagen, pour ne citer qu’eux, ont tous intégré plusieurs nouveaux modèles de véhicules électriques dans leur flotte et se sont fixés des objectifs de vente et de lancement ambitieux. À titre d’exemple, PSA a annoncé souhaiter électrifier 100% de sa gamme en 2025 et Volvo veut vendre plus d’un million de véhicules électriques d’ici 2025.
 
Pour l’instant pourtant, les véhicules complètement électriques — qui fonctionnent grâce à une batterie lithium-ion — ne représentent qu’un petit pourcentage des voitures en circulation comme des ventes. Aux États-Unis par exemple, environ 1% seulement des véhicules achetés neufs nécessitent pour rouler d’être rechargés à l’électricité. Qu’est-ce qui motive donc les fabricants de voitures ? Est-ce un pari sur l’avenir ? Le véhicule électrique est-il réellement le mode de transport du futur ?
 

Un mode de transport globalement plus écologique

« Conduire dans la ville avec un véhicule électrique est écologique mais il faut aussi générer l’électricité d’une manière propre », explique John Heywood. Ainsi « si vous avez un véhicule électrique en Virginie-Occidentale, ce ne sera pas plus vert qu’une hybride en Californie », précise Scott Moura, professeur assistant en génie civil et environnemental à UC Berkeley. Et pour cause, dans cet État de l’Est américain comme « dans la plupart des pays du monde, la majorité de l’électricité provient de centrales thermiques au charbon », note le professeur du MIT. « Nous devons changer cela et privilégier l’électricité issue de sources d’énergie renouvelable comme le solaire, l’hydroélectrique ou l’éolien. » 
Suivre cette recommandation aurait un impact non négligeable sur l’environnement sachant que près d’un quart des émissions de CO2 dans le monde sont aujourd’hui attribuables au secteur des transports et que le pétrole et autres combustibles liquides représentaient 96% de l’énergie utilisée dans le transport mondial en 2012 d’après l’Agence internationale de l’énergie. Aux États-Unis aujourd’hui, cette part s’élève encore à 88%.
 
Près d’un quart des émissions de CO2 dans le monde sont aujourd’hui attribuables au secteur des transports. Elle doit encore être réduite significativement pour que des changements positifs sur la planète s’opèrent. Les véhicules électriques présentent notamment l’avantage d’améliorer la qualité de l’air locale par rapport aux véhicules traditionnels puisque leur circulation ne produit pas de gaz à effets de serre. C’est donc, au moins en partie, par prise de conscience écologique, que plusieurs États ont décidé de soutenir ce mode de transport tant sur le plan réglementaire que financier. En Chine, les incitations du gouvernement ont fait du pays le plus grand marché du monde pour les véhicules électriques. Pékin envisage également d’interdire la vente de véhicules à essence et diesel (à un horizon non encore défini), suivant ainsi l’exemple de la France et du Royaume-Uni, prêts à rouler à l’énergie propre dès 2040. Les Indiens ont été encore plus audacieux avec une volonté affichée de ne vendre que des voitures électriques à partir de 2030. Les fabricants automobiles et de batterie multiplient les annonces et les partenariats pour s’y préparer, alors que le gouvernement renforce ses infrastructures avec, par exemple, l’installation de bornes de recharge dans les parkings des gares
Mais la Norvège reste la plus en avance dans le domaine : 32% des véhicules vendus dans ce pays pétrolier en 2017 sont électriques et cela pourrait être le cas de la totalité des voitures dès 2025, soit dans seulement sept ans. Ce succès serait largement dû aux généreuses subventions du gouvernement (1). Aux États-Unis, la Californie est une nouvelle fois pionnière. « Neuf autres Etats ont décidé d’imposer les standards californiens (ndlr : des règles strictes de ventes de véhicules verts) – cela représente 35% du marché : les constructeurs automobiles ne peuvent pas se permettre de les ignorer », remarque John Heywood. Le Golden State a déjà fait la moitié du travail, mais il reste du chemin pour atteindre l’objectif de 1,5 million de véhicules à zéro émission de gaz à effet de serre en 2025.
 

Un mouvement sur la bonne route… mais loin d’aboutir

« La transition vers les véhicules électriques est en train de se produire mais on ne sait pas encore si elle va aboutir à 30 ou 40% de voitures à énergie propres ou plutôt 80%… j’ai des doutes concernant ce dernier chiffre. » Le professeur Heywood a des raisons d’être sceptique. Le véhicule électrique semble sur la bonne voie pour devenir un incontournable, mais de nombreux obstacles restent encore à surmonter. Les mentalités n’auraient pas beaucoup évolué d’après un récent sondage mené par l’Université UC Davis : le pourcentage de foyers propriétaires d’un véhicule qui ont considéré l’achat d’une voiture électrique n’est pas plus élevé en 2017 qu’en 2014. 
Autre frein ? « Le coût de la batterie », cite Scott Moura, également directeur d’eCAL (The Energy, Controls, and Applications Lab) à UC Berkeley. « Il y a dix ans, les batteries coûtaient 1000 dollars par kilowatt-heure (kWh). Pour vous donner une idée, si on fait le calcul pour une Tesla model S équipée d’une batterie de 100 kWh, cela fait déjà cent mille dollars juste pour la batterie, pas pour l’ensemble de la voiture. Aujourd’hui le coût de la batterie a été abaissé significativement à environ 220 dollars/kWh, mais il faudrait qu’il diminue davantage. »
 
L’utilisation d’un tel véhicule est néanmoins moins onéreuse que celle d’une voiture traditionnelle. Si l’on en croit une récente étude réalisée par des chercheurs du Michigan’s Transportation Research Institute de l’Université du Michigan, le coût moyen de fonctionnement d’un véhicule électrique aux États-Unis est de 485 dollars par an, contre 1117 dollars par an pour une voiture à essence. En terme d’infrastructure de recharge, le véhicule électrique peut nécessiter un investissement. « Si vous décidez d’acquérir une voiture électrique vous devrez acheter une solution de recharge à la maison, et c’est parfois cher. Cela pose aussi la question de savoir qu’est-ce qu’une maison. Aujourd’hui aux États-Unis c’est une villa avec un garage et une allée privée. Mais dans ce cas, combien de personnes possèdent ce type d’habitation ? Beaucoup se garent encore dans la rue », rappelle le professeur John Heywood. « Si vous utilisez une simple prise dans votre garage pour recharger votre voiture, vous n’aurez pas besoin d’autres infrastructures – cela augmentera juste votre facture d’électricité. En revanche, il faudra compter dix heures pour une recharge complète – ce qui ne dérangera pas si vous êtes chez vous toute la nuit. Mais ce n’est pas aussi pratique, et même en payant un chargeur spécial, cela n’ira pas aussi vite qu’un plein d’essence », remarque Scott Moura.
Si de nouvelles batteries pouvaient se charger en quelques minutes, cela pourrait changer la donne. Des scientifiques de la Surrey University et Bristol University planchent sur le sujet et pourraient être sur la piste d’un nouveau matériau pour les supercondensateurs qui stockent l’énergie, qui permettrait une recharge en moins de dix minutes ; mais ils doivent encore éviter que le déchargement ne se fasse aussi vite. En attendant, les deux experts s’accordent sur l’importance des bornes de recharge publiques.
 

De l’importance des infrastructures de recharge

Contrairement aux stations-services que l’on trouve à tous les coins de rue, ces infrastructures manquent encore dans la plupart des États. Moins en Californie. « Après le scandale Volkswagen, la Californie a utilisé l’argent reçu en compensation pour déployer des bornes de recharge électrique dans tout l’État. » Le professeur assistant à UC Berkeley se félicite de voir le Golden State mener la danse dans le pays avec ses 4 à 5% d’électriques parmi les véhicules vendus. L’État de la Silicon Valley doit cependant encore subventionner ces voitures pour attirer les consommateurs. Jusqu’à 2500 dollars par véhicule d’incitations “air propre” et 7500 dollars de la part du gouvernement fédéral en crédit d’impôt.
 
L’Europe reste malgré tout en avance. Tous les pays pratiquent les mêmes recettes pour augmenter le nombre de véhicules électriques – « et beaucoup ont un excédent d’électricité à revendre ». « Le fait que les carburants soient moins chers et les distances plus importantes aux États-Unis en dit aussi long », note John Heywood. L’autonomie des véhicules électriques, pas toujours à la hauteur des espérances des conducteurs, peut également représenter une entrave au développement de ce moyen de transport. « Au moins sur le plan psychologique », affirme Scott Moura, « cela demande de l’organisation pour s’assurer que la voiture est chargée même si l’autonomie est généralement suffisante. » Va-t-on pour autant assister à une prise de conscience généralisée et à une déferlante de voitures vertes ?
Les prédictions varient concernant le nombre de véhicules électriques à attendre sur les routes dans les prochaines années : 530 millions d’ici à 2040 pour Bloomberg ou 266 millions pour l’OPEC. Une certitude : leur nombre augmentera. Pour Scott Moura, « quand on atteindra 20% de véhicules électriques, on verra aussi un nombre similaire de véhicules autonomes et certains via des plateformes comme Uber ou Lyft. Les gens n’auront plus besoin de posséder une voiture et de se préoccuper de son autonomie, les plateformes qui géreront les flottes s’en chargeront et les véhicules se chargeront en se rendant aux bornes quand ils ne conduiront personne. »
La généralisation des véhicules électriques – si elle se produit – constituera une avancée pour la sauvegarde de l’environnement, qui ne sera complète qu’à condition que les camions, bus, cars et autres navettes empruntent le même chemin.
 
Sophia Qadiri, responsable éditoriale – atelier. bnpparibas
(1) La Norvège est le premier marché, en matière de pénétration, pour la voiture électrique. Elles sont 135 000 à circuler sur les routes de ce pays qui compte cinq millions d’habitants. Les véhicules électriques, exonérés de toutes taxes, sont au même prix que leurs équivalents thermiques. Leurs conducteurs ne paient pas les péages urbains, ni le passage par les ponts ou les ferries, et disposent de parkings réservés au centre des villes où ils peuvent se garer et recharger leur voiture gratuitement.
 

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