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Voiture électrique : Chronique d’une résurgence annoncée – Partie 3/4

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Deuxième résurgence – années 1970

 
Mais la voiture électrique (VE) n’a pas totalement disparu. Alors que le smog californien trouve son coupable, l’automobile thermique, la NUE (National Union Electric), productrice de batteries et Eureka Williams, une société d’électro-ménager, proposent la fabrication d’une VE, en réponse à cette nuisance, à la société Henney Motor qui conçoit sa motorisation sur le châssis Renault de la « Dauphine » en 1959.
 
 
Le poids excessif des batteries embarquées dans la voiture donne lieu à de piètres performances qui, associées à son prix élevé, et, malgré la production de trente-deux véhicules, conduit le projet au fiasco.
 
La VE fait parler d’elle à nouveau, lors du premier choc pétrolier de 1973 – guerre du Kipour et augmentation historique du prix du baril de pétrole en conséquence-, encore une fois en période de crise. En pleine euphorie de la motorisation thermique, la production automobile est alors tirée vers le haut grâce à de nouvelles initiatives marketing : outre la segmentation de l’offre par niveaux de qualité et de prix, GM (General Motors) présente dès 1972 de nouvelles directives commerciales : un modèle de voiture pour chaque type de prix, un écart de prix pas trop important (pas de production limitée qui ferait figure de fantaisie) mais tout de même significatif pour offrir une gamme complète, pas de véhicule qui ferait double emploi.
 
C’est dans ce contexte que revient pourtant la VE, les autorités publiques se trouvant confrontées à l’éternel problème des alternatives énergétiques en temps de crise pour faire des économies. La France fait le choix de l’énergie nucléaire, mais des recherches sur la VE sont conduites, qui aboutiront cependant à une commercialisation très limitée.
 
 
EDF (Electricité de France) collabore avec Renault sur deux modèles, 4L et R5 à accumulateurs. Ces deux véhicules (4L 1971, R5 1974), qui inaugurent la voiture électrifiée – voiture thermique fonctionnant à l’électricité -, sont expérimentés sur les sites d’EDF pour la première, et quelques hauts fonctionnaires en guise de bon exemple pour la seconde en font usage courant. Voici les mots du ministre de la qualité de la vie du gouvernement Jacques Chirac, André Jarrot (1974), et qui possédait une R5 électrique, à l’arrivée au conseil des ministres : « L’automobile électrique est à la voiture à essence ce que le planeur est à l’avion. () Cette voiture est aussi facile à conduire qu’une bicyclette, je suis un homme heureux ».
 
Pas sûr que les paroles de cet ardent défenseur du moteur électrique aient convaincu à l’époque. En effet, si l’on compare une R5 électrique avec une R5 thermique, pour une carrosserie équivalente, donc un design sensiblement égal, l’autonomie est quatre fois supérieure pour le modèle thermique, la vitesse pratiquement deux fois supérieure, mais le prix presque deux fois moindre. Bien qu’un prototype ne puisse être comparé à la production d’une voiture en série, on ne peut pas, à dire vrai, parler de progrès quant aux performances, ni d’économie quant au prix.
 
Différentes expériences seront tentées jusqu’au deuxième choc pétrolier de 1977. Elles conduiront à quelques avancées, notamment sur les chaînes de tractions électroniques et les batteries qui apporteront puissance et autonomie, mais ce sera très insuffisant pour enrayer un réel bouleversement.
 
Lunar roving vehicle
 
Enfin, symbole non négligeable, la lunar roving vehicle (RLV), VE développée par GM pour la NASA (National Aeronautic and Space Administration) en quatre exemplaires pour des missions d’exploration sur la lune, parcourt trente-sept kilomètres en dix-sept km/h (Apollo XVII) sur l’astre solitaire sans problème. Mais après 1977, les recherches sur la VE sont quasiment en stand-by au profit de la production conventionnelle, le choc pétrolier est finalement absorbé économiquement.
 

Troisième résurgence – années 1990

Les années 90 signent cependant le nouveau retour de la VE avec une motivation différente, cette fois, en raison d’une crise d’un autre genre, et certainement plus salutaire que les précédentes résurgences, la lutte contre la pollution atmosphérique, et la prise de conscience de l’épuisement à plus ou moins long terme des réserves de pétrole. Cette nouvelle motivation pour la VE entraine de nouvelles résolutions, plus difficilement contournables, et de nouvelles réglementations sur les émissions de gaz à effet de serre. Notamment le Clean Air Act américain (CAA, 1963) et son amendement de 1990, sous l’impulsion du gouvernement de G H W Bush (1989-1993) qui accentue nettement sa législation antipollution avec des objectifs à court terme en matière d’environnement.
Les transports automobiles sont alors désignés comme les principaux responsables de la pollution atmosphérique dans les villes et leurs agglomérations, plus de 50 % de la pollution de l’air, avec des émissions de gaz néfastes pour la santé publique tels que le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote et le monoxyde de carbone. En France, la diésélisation du parc automobile contribue à noircir ce tableau avec un accroissement de la pollution aux particules fines réputées cancérigènes.
 
Parmi les progrès à mettre au compte de la motorisation électrique dès le début des années 1990, les batteries nickel-cadmium reconnues pour leur fiabilité, leur longue durée de vie, leur aptitude à recevoir des charges rapides et leur résistance. Embarquées sur les véhicules particuliers et utilitaires produits à partir des années 1990 – Peugeot 106 (1991 puis commercialisée en 1996), Partner, Renault (Kangoo), Citroën (Saxo, Berlingo), elles sont toutefois retirées de la vente pour leur toxicité (nocivité du cadmium sur l’environnement et cancérogénicité).
 
En vertu de la directive européenne de 2002/95/CE relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques, mise en application en juillet 2006, la commercialisation d’accumulateurs neufs contenant du cadmium est interdite. Plus aucun constructeur ne propose dès cette date de voiture électrique équipée en batteries nickel-cadmium, un frein manifeste au développement de la VE, ces batteries ayant portées l’autonomie de la VE à quelque 80 km pour une vitesse de croisière d‘environ quatre-vingt km/h et des pointes possibles à cent-dix km/h. PSA (Peugeot Société Anonyme) commercialise durant cette période douze mille véhicules, un progrès certains en comparaison de la deuxième résurgence, mais le coût des accumulateurs accroît le prix d’achat de la VE de cette époque. Elle coute trois fois plus chère qu’un véhicule conventionnel.
 
Toutefois, d’autres innovations contribuent à amender l’image de la motorisation électrique dans l’automobile à cette période : l’électronique de puissance qui se focalise essentiellement sur les convertisseurs de puissance destinés à la gestion de l’énergie embarquée dans les véhicules électriques. La disparité des niveaux de tensions et des courants entre les différentes sources (la pile à combustible, les batteries, les condensateurs) et les charges de la voiture (le moteur de traction et les mécanismes auxiliaires) rendent nécessaire l’utilisation de tels dispositifs.
Il s’agit précisément d’apporter une amélioration du rendement énergétique de l’ensemble sources-moteurs en mode urbain, alors que les véhicules sont soumis à des phases irrégulières de croisière qui impactent grandement leur autonomie. Ces innovations, qui se font à leur début en marge des constructeurs, auront par la suite un impact important sur l’évolution technologique de la VE et de ses cousines hybrides (VEH – Véhicule Electrique Hybride).
 
La fin de cette troisième période est marquée cependant par un autre événement, révélateur des intérêts d’un certain système économique qui déborde l’intérêt public. Le constructeur américain GM conçoit un prototype, « l’EV1 » (Electric Vehicle n°1), qui, présenté au salon de l’automobile de Los Angeles peu de temps avant le fameux amendement du CAA sur la pollution de l’air et le programme qui en résulte en Californie du LEV (Low Emission vehicle) initié par le CARB (California Air Research Board) dès 1990, sera commercialisé après six années de recherche pour un investissement d’un milliard de dollars.
 
L’EV1 de General Motors
 
« L’EV1 » est une VE révolutionnaire à bien des égards, sa forme aérodynamique lui donne un coefficient de trainée inégalé, des performances de vitesse remarquables (deux-cent-quatre-vingt-treize km/h), une autonomie d’environ cent-cinquante km entre la première génération (1996) et la deuxième (1999). Elle est proposée en leasing à ses clients pour une valeur moyenne de trois-cent-soixante-quinze dollars par mois sans possibilité de rachat. Quelques mille-cent-dix-sept véhicules sont contractés pour une liste d’attente de plus de quatre mille personnes.
Mais brutalement, en 2003, GM rappelle ses véhicules et les détruit prétextant la faible autonomie des batteries et son coût de production sans commune mesure avec ses SUV (Sport Utility Vehicle) aux très bonnes marges bénéficiaires. Cet arrêt correspond, la même année, à la suspension des contraintes légales du programme LEV, sous pression attestée des constructeurs automobiles, des lobbies pétroliers mais également des autorités fédérales. Faut-il enfin ajouter ici le bas prix du baril de pétrole à cette époque et le coup de pouce du gouvernement G W Bush (2001-2009) avec le retrait du protocole de Kyoto (2005) et d’amples assouplissements du CAA.
 
Afin de répondre aux nouvelles directives environnementales, les principaux constructeurs automobiles développent parallèlement des technologies adaptées de contrôle des rejets des véhicules, le moteur thermique à injection garantit ainsi la réduction de la consommation d’hydrocarbures et le pot catalytique réduit, de son côté, les émissions toxiques par transformation chimique.
 
Ces innovations techniques réhabilitent le véhicule thermique, ce dont témoigne la production intense des gros 4×4 durant cette période. Malgré tous ces nouveaux efforts de motorisation (de nets progrès techniques sur l’ensemble de la VE), de commercialisation (des solutions incitatrices de financement avec aide de l’état), le développement de la VE piétine, et, comparée au véhicule thermique, elle reste une voiture peu performante.
Par ailleurs, l’infrastructure de charge est dérisoire pour un marché substantiel. Plusieurs constructeurs déposent alors le bilan après des perspectives engageantes. Combinés au progrès de dépollution des moteurs thermiques, ces différents préjudices accélèrent le nouveau déclin de la VE, son quatrième depuis le début de son histoire.
 
Frank Pecquet, Maitre de Conférence : art numérique – Chercheur : Esthétique/Création et Design sonore – Université Paris I Panthéon Sorbonne
 

 

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