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protection données personnelles

Pourquoi le Privacy Shield doit être renégocié

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L’accord « Privacy Shield » organise une partie du transfert des données entre l’Union européenne et les États-Unis. Il fait actuellement l’objet d’une évaluation annuelle. Il s’agit là d’une étape importante pour l’économie numérique et la vie privée de millions d’Européens pour évaluer la robustesse de ce nouveau mécanisme juridique. Environ 2.400 entreprises, dont bon nombre de PME, utilisent aujourd’hui le Privacy Shield, dont 50 % ont moins de 500 salariés. Il faut donc un maximum de garanties que les lois américaines sur le renseignement actuellement en vigueur outre-Atlantique ne semblent pas donner.
 
A l’origine était le Safe Harbor. Il a été invalidé par la Cour de Justice de l’Union européenne et remplacé par le Privacy Shield le 1er août 2016 afin d’être amélioré. Ce nouveau traité est censé garantir les échanges internationaux de données entre les l’Europe et les États-Unis en offrant un cadre légal et des garanties sur les possibilités de recours laissées aux internautes.
Depuis lors, les acteurs tels Google ou Twitter peuvent utiliser cette voie pour collecter et traiter des données dans leur pays d’origine. Selon la Commission européenne, le Privacy Shield offre un meilleur niveau de protection. Mais il ne fait quand même pas l’unanimité, notamment auprès du G29 (groupement des autorités de protection des données) qui lui reproche son manque de garanties et de voies de recours proposées par le texte. Il a cependant l’avantage de présenter une clause de révision annuelle.
 

En prévision de cette échéance, les membres du Conseil national du numérique (CNNum) ont reçu une délégation américaine durant l’été pour échanger sur les différents enjeux du dispositif et formuler leurs interrogations. Et la Commissaire européenne à la justice, Vera Jourova, est actuellement à Washington pour traquer les abus éventuels ou négligences : « Nous voulons vérifier qu’il n’y a pas d’abus dans leur exploitation commerciale ou au nom de la sécurité nationale », explique-t-elle aux Echos.
 
 
Le CNNum s’associe aux vives inquiétudes déjà exprimées par le G29, la délégation de la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen et un grand nombre d’associations de défense des droits : le « Privacy Shield » présente un trop grand nombre de zones d’ombre et ne donne pas suffisamment de garanties à la protection des données personnelles des Européens.
 
Conformément à l’engagement du candidat Emmanuel Macron, cet accord doit être renégocié pour organiser une circulation des données sécurisée, respectueuse de nos droits et libertés et favorable aux entreprises. L’économie européenne a besoin d’avoir un cadre équitable et stable, et non pas d’un accord faible, susceptible d’annulation sur les mêmes fondements que son prédécesseur. Une telle mesure serait préjudiciable, tant pour les citoyens que pour les entreprises françaises et européennes, qui ont besoin de sécurité juridique.

Les​ ​questions​ ​liées​ ​à​ ​la​ ​surveillance​ ​restent​ ​entières

Lors des négociations sur l’accord « Privacy Shield », la Commission européenne avait obtenu, de la part des autorités américaines, la promesse que la collecte de données ciblée resterait prioritaire sur la collecte de masse. Pour cause : les pratiques de renseignement américain, mises au jour par les révélations d’Edward Snowden, étaient au cœur de la décision de la Cour de justice européenne invalidant le précédent accord sur le transfert de données entre les États-Unis et l’Union européenne (accord dit « Safe Harbor »). Cette avancée est néanmoins toute relative car il ne s’agit en réalité que d’une simple directive présidentielle. Cette promesse n’est pas inscrite « en dur » et le droit américain reste largement inchangé. Il en va ainsi de la portée de la collecte, qui peut toujours être justifiée à des fins « sécurité nationale », un motif comprenant des objectifs aussi larges que non-définis.
 
Les évolutions législatives et jurisprudentielles récentes (voir ci-dessous) combinés à la position affichée par la nouvelle administration, jettent un éclairage nouveau sur le dispositif. Si ces développements ne remettent pas fondamentalement en cause l’équilibre juridique (au demeurant très perfectible) de la protection des données aux États-Unis, ils constituent à tout le moins un signal politique particulièrement préoccupant. La vigilance doit être de mise. Le Conseil restera attentif aux futures évolutions américaines, en particulier la reconduction éventuelle du titre VII du FISA Amendments Act (FAA) américain, censé expirer à la fin de l’année. Ces dispositions comprennent la controversée « section 702 », qui permet la surveillance très large de tout ressortissant d’un pays étranger. Cette section a également servi de fondement aux programmes PRISM et UPSTREAM.
 
Le Conseil s’associe par ailleurs aux vives inquiétudes exprimées par de nombreuses parties prenantes avant lui sur la vacance de nombreux postes clés en charge de l’administration et de la supervision du dispositif côté américain et sur l’effectivité des mécanismes de recours.
Les récents développements américains en matière de protection des données jettent un jour nouveau sur l’accord Privacy Shield :
● Les révélations concernant les activités d’espionnage conduites par un fournisseur américain de services de communications électroniques, à la demande de la NSA et du FBI en 2015, un an après que la directive présidentielle était censée limiter la quantité de données pouvant être collectées et traitées ;
Un décret présidentiel de la nouvelle administration prévoyant que « les agences [comme la NSA et le FBI] devront, dans la mesure permise par la loi en vigueur, s’assurer que leurs politiques de protection des données personnelles excluent les non-citoyens américains et les non-résidents permanents autorisés, des protections offertes par le Privacy Act au regard des informations personnelles identifiables. » ;
● Les nouvelles règles permettant à la NSA, depuis janvier 2017, de partager avec 16 autres agences, dont le FBI, de grandes quantités de données personnelles collectées sans mandat ni décision de justice ou autorisation du Congrès ;
● Le rejet par le Sénat et la Chambre des représentants, en mars 2017, de règles protégeant les consommateurs de services à haut débit, éliminant ainsi « des règles qui auraient obligé les fournisseurs d’accès à internet de demander l’accord formel de leurs clients avant de vendre ou de partager des données de navigation internet ainsi que d’autres informations privées avec les annonceurs et d’autres sociétés privées .

Asymétrie critique

À la question — essentielle — du respect de la vie privée des citoyens européens s’ajoutent des considérations plus économiques. Les données constituent un actif essentiel de l’économie numérique. Elles sont un levier majeur de création de valeur, d’innovation et de croissance, non seulement pour le secteur des technologies de l’information mais aussi pour un nombre grandissant et quasi généralisé de filières économiques.
Dans un contexte d’asymétrie très forte entre les industries numériques européennes encore naissantes et les géants extra-européens, le précédent accord dit « Safe Harbor » a contribué à renforcer ce déséquilibre. Les contrôles, particulièrement faibles, liés aux mécanismes d’auto-certification ont pu entraîner une perte de compétitivité pour les entreprises européennes, soumises à des exigences plus strictes. Dans ce contexte, l’entrée en vigueur prochaine du règlement général pour la protection des données (RGPD), qui renforce les obligations des entreprises opérant sur le territoire européen, conduit au même risque de déséquilibre.
 
Il est essentiel de ne pas faire preuve de naïveté et de ne pas répéter les erreurs du passé. La position de prédominance des acteurs extra-européens sur le territoire de l’Union peut à ce titre justifier une approche prioritairement défensive.
Le Privacy Shield, comme le Safe Harbor, vise à répondre aux préoccupations des entreprises et aux échanges de données dans le cadre de leurs activités. Or le Safe Harbor a contribué à renforcer le déséquilibre entre les industries numériques européennes et les géants extra-européens.
« Les contrôles, particulièrement faibles, liés aux mécanismes d’auto-certification ont pu entraîner une perte de compétitivité pour les entreprises européennes, soumises à des exigences plus strictes » précise le CNNum.

 
L’accord « Privacy Shield » doit ainsi être conçu comme un dispositif transitoire. Il est nécessaire de s’atteler à la négociation d’un accord plus robuste juridiquement, pour garantir la protection des données personnelles de tous les Européens, dans un cadre suffisamment stable pour nos entreprises. Il s’agit également de prendre la pleine conscience de l’asymétrie existante en matière de flux de données entre les États-Unis et l’Union européenne. L’entrée en vigueur, l’an prochain, du RGPD et l’harmonisation des législations nationales, doit permettre cette négociation sur des bases plus solides.
 
Ruben Narzul, CNNum
 

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