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À quoi servent les starchitectes ?

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A l’occasion de la sortie de son dernier livre « Architecture iconique. Les leçons de Toronto », le sociologue Guillaume Ethier pense les effets culturels et urbains en jeu dans l’architecture contemporaine dite « iconique ». Sorte de sculpture à grande échelle, cette architecture tire son aura des « starchitectes » qui la conçoivent et entretient un rapport complexe avec son environnement.
 
Mais à quoi servent les étoiles de l’architecture ? Comme on pouvait se le représenter et aussi s’en inquiéter à la fin du XXe siècle [1], villes globales, marketing urbain et « starchitecture » constituent encore aujourd’hui les trois facettes d’un nouvel espace conçu pour des élites voyageuses. L’effet Bilbao, chers à certains faiseurs de ville, ne semble pas s’être complètement dissipé depuis la fin des années 1990 au point qu’il fait toujours référence dès qu’il s’agit de mesurer la réussite d’implantation d’un équipement culturel destiné à régénérer un territoire urbain. Le récent succès public de la Fondation Louis Vuitton de Frank O. Gehry (octobre 2014) ou les aléas médiatiques de la Philharmonie parisienne de Jean Nouvel (janvier 2015) montrent que ce phénomène et les questions qui l’accompagnent sont toujours d’actualité. Au-delà des polémiques, un ouvrage récent signé par le sociologue Guillaume Ethier tente de penser les effets architecturaux en jeu et d’en décrypter le message : L’Architecture iconique interroge la conception et la réception de quatre édifices iconiques érigés pour renouveler le paysage culturel et urbain de Toronto afin d’en tirer des enseignements plus généraux.
 
L’ouvrage s’ouvre paradoxalement sur la réalisation la moins iconique des quatre : le Four Seasons Centre, l’opéra de Toronto conçu par l’architecte Jack Diamond en 1998. La réception mitigée de ce nouvel équipement culturel fait prendre la mesure du changement qui s’est produit :
 
« Modestie dans l’utilisation d’un site de premier plan, absence de monumentalité, incapacité de susciter un intérêt soutenu auprès du public, mais aussi, selon certains, décision conservatrice consistant à faire appel à un architecte local nonobstant son rayonnement international sont les principaux problèmes qui taraudent cet édifice ». (p. XV).
 
Son concepteur a en effet produit un opéra à l’acoustique soignée et, surtout, à l’esthétique qui se fond trop facilement dans le quartier. Plutôt que d’opérer une rupture monumentale avec son contexte, l’architecte a livré un édifice respectueux de l’environnement urbain et parfaitement adapté à son usage. Cette sagesse caractéristique de l’architecture torontoise aurait pu rassurer et susciter une adhésion réfléchie, mais elle paraît alors démodée sinon dépassée par de nouvelles formes et pratiques architecturales. À côté de l’opéra du « gentleman architect », ont surgi d’autres projets contribuant au programme de « Renaissance » culturelle de la ville. Ce dernier mobilise les nouvelles stars de l’architecture mondiale, des concepteurs plus ou moins étrangers à la cité : Will Alsop, un architecte anglais, ainsi que ses deux confrères américains, le très cosmopolite Daniel Libeskind qui a vécu quelques années à Toronto et Frank O. Gehry qui y est né et y retrouve son passé.
 
Royal Ontario Museum, Daniel Liberskind (2007). Source : Wikipedia
 

Quelles sont les caractéristiques de l’architecture « iconique » ?

Avant d’examiner ce que font les starchitectes à Toronto, avec le consentement des décideurs et en continuité avec ce qui se passe dans la plupart des grandes métropoles, G. Ethier entreprend de définir l’architecture iconique. Caractéristique de la production architecturale contemporaine, spectaculaire, photographiable, cette architecture peut être assimilée à une sorte de sculpture à grande échelle qui vient ponctuer l’environnement urbain pour y créer de nouveaux objets visibles de loin, dans l’espace des lieux aussi bien que dans celui de flux (numériques). Au-delà de ses formes, cette architecture a également une signification sociale. Elle n’est pas qu’un signifiant sans autre signifié qu’un ceci est de l’architecture [2]. Considérant avec Christian Norberg-Schulz que « l’architecture met aussi en forme, à toutes les époques, les idéaux de la société » (p. 2), l’auteur relève que ces nouveaux monuments abritent le plus souvent des programmes culturels, « des musées et des salles de concert, pas des églises ou des sièges de gouvernement ».
Il s’interroge d’ailleurs sur le fait qu’il s’agirait peut-être désormais « du seul type d’institution qui fait consensus dans la société ? » (Ibid.). S’appuyant sur les réflexions de Charles Jencks, G. Ethier insiste sur le « double mouvement de distinction et de rétroaction sur leur contexte d’implantation » qu’affectionnent ces édifices. Ainsi, ils construisent un rapport complexe avec un environnement urbain dans lequel ils s’insèrent : ils l’interprètent afin de produire une architecture qui puisse, dans un même élan, s’en démarquer et l’incarner.
 
Définie comme « avant-gardiste, unique, énigmatique, monumental, reconnaissable par le public, en rupture avec son contexte d’implantation et destiné à devenir célèbre » (p. 22), l’architecture iconique aurait comme propriété fondamentale d’être produite par un petit nombre d’architectes qui lui confèrent ses formes et ses pouvoirs symboliques. Pour identifier l’origine de cette écriture architecturale, G. Ethier suit la piste de l’Institute of Architecture and Urban Studies (1967-1984) :
 
« Libérés des thèses fonctionnalistes dans un mouvement de renouveau théorique qui va lui-même s’essouffler et abandonner ses dimensions critique et collectiviste, les héritiers de l’IAUS et autres praticiens abordent les années 1980 avec les tiroirs remplis d’architecture de papier et, surtout, avec l’envie de créer des objets uniques, autonomes en somme. Rapidement, ils trouvent sur leur chemin des clients corporatifs et privés dont les aspirations sont similaires. » (p. 17-18).
 
En effet, cette école atypique influence quelques futurs starchitectes, que ce soit Eisenman, Tschumi, Koolhaas sans oublier Gehry, avec lesquels il faut désormais compter. Théoriciens avant d’être praticiens, ces derniers seront épaulés des critiques influents tels Herbert Muschamp qui les défendra dans les colonnes du New York Times (p. 26-27).
 

Recréer la ville par l’architecture

Lire la suite sur le site La vie des idées.fr
 
Avec nos remerciements à Christophe Camus – La vie des idées – 1er janvier 2016. À propos du livre de Guillaume Ethier,  « Architecture iconique. Les leçons de Toronto« , Edition des Presses de l’Université du Québec. 2015
 
Photo : Ontario College of Arts and Design (OCAD), W. Alsop (2004). Source : Wikipedia
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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