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Bâtiment et loi de transition énergétique : où en sommes-nous ?

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La loi de transition énergétique, adoptée en août 2015 par le Parlement, demande désormais à plusieurs secteurs de contribuer à l’effort d’efficacité énergétique, dont celui du bâtiment. En effet, ce secteur représente chaque année 43 % de la consommation énergétique de la France et près de 24% des émissions de gaz à effet de serre, juste derrière les transports (32,6 % en 2014). Mettre en place un programme de rénovation thermique performante du bâti est donc un enjeu fondamental. Où en sommes-nous ? Comment réagit le secteur du bâtiment en général ? Quelles initiatives majeures ont été mises en place par les pouvoirs publics ? Quelles innovations architecturales ?
 
Comme de nombreux pays à travers le monde, la France est engagée dans un processus de transition énergétique. Une volonté qui s’est matérialisée à travers la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce texte fixe les objectifs que la France doit atteindre à moyen terme sur le plan énergétique.

Etat des lieux

Les deux dates-clés généralement retenues pour qualifier le parc du bâtiment sont 1949, généralisation des techniques constructives industrialisées, et 1975, date de l’entrée en vigueur de la première réglementation thermique (RT1974), et donc des premiers centimètres d’isolants. 56% des logements ont été construits avant 1975, et ils représentent 65% de la consommation énergétique du parc de résidences principales.
Les consommations d’énergie des maisons individuelles sont concentrées dans les maisons construites avant 1975 (70% de la consommation d’énergie des maisons individuelles, 45% avant 1949, pour respectivement 54% et 32% du nombre de maisons).
Le constat est identique pour les consommations d’énergie des logements collectifs (83% de l’énergie est consommée dans les logements collectifs construits avant 1975, et 51% dans les logements construits entre 1949 et 1975, pour respectivement 67% et 44% du nombre de logements).
La répartition des usages est de 62,7% des consommations pour le chauffage, 18,5% pour l’électricité spécifique (en hausse constante), 12% pour l’eau chaude sanitaire (ECS) et 6,8% pour la cuisson.
Les énergies consommées dans le secteur sont le gaz et l’électricité pour 1/3 chacun, et le fioul et le bois (estimation) pour 15% chacun.
Enfin, dernier point essentiel à prendre en compte dans l’état des lieux, entre 4 et 5 millions de ménages en France sont considérés « en situation de précarité énergétique », c’est-à-dire qu’ils ont des difficultés à chauffer correctement leur logement à un coût acceptable (données issues de la base de l’enquête logement de 2006). Près de 9 ménages sur 10 sont dans le parc privé de logement, et 2/3 sont propriétaires de leur logement. (Source : Institut négaWatt – Mai 2014)
Le parc de bâtiments anciens constitue donc le principal gisement d’économies d’énergie à court, moyen et long terme. Les différents scénarios convergent sur la nécessité de réaliser une rénovation thermique performante de l’ensemble du parc bâti d’ici 2050, et de travailler sur l’ensemble des consommations d’énergie (chauffage, ECS, électricité spécifique).

Quelles initiatives publiques ?

De nombreuses aides financières destinées aux particuliers ont vu le jour au cours de ces dernières années. Elles sont destinées à financer une partie des travaux qui leur permettront d’améliorer la performance énergétique de leurs logements et donc de réduire leur facture énergétique annuelle. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) de 30 %, l’éco-prêt à taux zéro, les aides de l’Anah, les aides régionales, les primes énergie, … Pour faire le point, il suffit de se rendre auprès des Espaces info énergie.
 
Joëlle Colosio, Directrice générale de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), précisait dans une interview à France bleu le 11 octobre 2016, qu’en Ile-de-France près de  200 000 logements profitent déjà d’innovations importantes pour le chauffage, comme la biomasse à Sevran ou la géothermie à Grigny. « La facture de chauffage va baisser de 30 à 40% pour les habitants et le prix va être maintenu durant les trente prochaines années », précisait-elle.
 
Pour les copropriétés, la première obligation de la loi de transition énergétique est l’installation de compteurs individuels pour 2017, les frais de chauffage devant être individualisés. Autre obligation :  une isolation par l’extérieur, lors des ravalements de façades.
 
Côté bâtiments publics, notons l’initiative de La Caisse des Dépôts qui vient de lancer ce 5 octobre un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour favoriser l’émergence et la réalisation de projets de rénovation énergétique du patrimoine immobilier des collectivités territoriales, hors logement. Un AMI qui s’inscrit dans le cadre des objectifs fixés par la loi prévoyant de réduire de 60% la consommation énergétique des bâtiments tertiaires d’ici 2050 par rapport à 2010. L’objectif (avec le soutien technique de l’ADEME), est d’identifier 10 collectivités locales de 10.000 à 50.000 habitants et 20 collectivités entre 50.000 et 100.000 habitants qui souhaitent engager à court terme des projets de rénovation énergétique de leurs bâtiments tertiaires – mairie, locaux destinés à l’exploitation de services publics, services culturels, services sociaux, équipements publics tels qu’écoles, crèches, complexes sportifs, etc. Les collectivités locales sélectionnées bénéficieront d’un accompagnement méthodologique et d’un cofinancement en crédits d’études pour les aider à cibler les priorités d’intervention sur leur patrimoine et à élaborer des programmes de travaux à financer.
 
Autre initiative : le dispositif DORéMI. Dès la fin 2011, le bureau d’études Enertech (Olivier Sidler) et l’Institut négaWatt ont développé, sur le territoire de la Biovallée (Drôme), avec le soutien de la Région Rhône-Alpes, un dispositif qui donne aux artisans et aux acteurs de la rénovation les clés pour débloquer les verrous de la rénovation performante des maisons : DORéMI, Dispositif Opérationnel de Rénovation Energétique des Maisons Individuelles.
L’objectif de ce dispositif est d’aboutir à des groupements d’artisans formés aux techniques de la rénovation à très faible consommation d’énergie, avec un pilote désigné, capables de développer de façon autonome à l’issue du dispositif un discours commercial sur l’intérêt d’une rénovation globale, de juger de la pertinence économique de leur offre et de l’optimiser, et d’apporter des propositions de montage financier.
 

Innovations

Comme l’annonce Jacques Chanut, Président national de la Fédération française du bâtiment, « Il y a surtout un marché qui repart, c’est celui du logement neuf où nous avons des chiffres significatifs. Des hausses de l’ordre de 15 % sur les permis de construire et plus de 2 % sur les mises en chantier, soit 375.000 à 380.000 cette année de mise en chantier. » C’est la porte ouverte à l’imagination architecturale !
 
Premier exemple, Le Botanic Center – Bruxelles. Son concepteur est Vincent Caillebaut qui déclarait dans une interview au magazine belge week-end-Le vif : « Notre volonté est d’agir comme des prospectivistes pour propulser, dans ce cas-ci, le Botanic Center vers le XXIe siècle en termes d’usages, d’avancées technologiques et de principes constructifs innovants et durables. L’architecture est capable aujourd’hui de mettre en œuvre le concept de  » Solidarité Energétique  » entre un patrimoine – moderne dans ce cas – allié à un projet contemporain. Le second fournissant l’énergie nécessaire au premier pour atteindre un bilan sobre en carbone. Les promoteurs et investisseurs du pays n’en peuvent plus de l’architecture et de l’urbanisme  » boîte à chaussures « , dépendants de notre système énergétique centralisé et dévastant les écosystèmes. Tout est en place aujourd’hui pour mettre en œuvre la transition énergétique et les recommandations de la COP21 à Bruxelles et en Belgique. Le XXe siècle fut celui du pétrole, de l’acier et de la chimie verte. Le XXIe siècle sera biologique ou ne sera pas ! »
 
 
Une robe végétale habille la façade tandis qu’au sommet, une chrysalide joue les fermes solaires et produit l’électricité nécessaire aux usagers
 
Autre idée, la maison solaire de Manuel Vieira Lopes, fondateur de Casas Em Movimento : imaginée en collaboration avec l’Université et l’École d’architecture de Porto (Portugal), cette maison est à géométrie variable, en fonction de la rotation de la terre et de son positionnement face au soleil. Comme la Terre tourne, il suffit de déplacer la maison avec elle pour lui offrir la meilleure exposition au soleil. Les panneaux solaires qui lui fournissent son énergie sont toujours orientés vers la meilleure source d’énergie possible. L’effet de tournesol est créé en combinant deux mouvements : la rotation du bâtiment lui-même, d’environ 180 ° tout au long de la journée, et la rotation des panneaux photovoltaïques, afin d’assurer l’inclinaison optimale de 90 ° de cette surface par rapport au soleil.
 
Le projet In Vivo : Les micro-algues vont habiter les façades parisiennes grâce aux cabinets d’architecture BPD Marignan et XTU Architects qui ont gagné un des appels à projets « Réinventer Paris ». Le concept de biofaçade vise à valoriser l’habitat pour le rendre productif. Partant du constat que les façades d’immeubles représentent un potentiel solaire inexploité pour faire de l’agriculture verticale, XTU Architects et le consortium SymBIO2 ont développé, sur la base des travaux de recherche menés par le laboratoire GEPEA, un « photobioréacteur mur-rideau » plan, vertical, ultra-mince (quelques centimètres) formant la façade même du bâtiment.
 
 
Ces photobioréacteurs maximisent l’exploitation du flux solaire, tant pour les cultures de microalgues que pour la régulation thermique du bâtiment, permettant la captation du CO2, la production d’oxygène, la valorisation d’eaux usées, et la production d’une biomasse valorisable pour la santé, la cosmétique, l’alimentation, la chimie verte, et bientôt l’énergie.
 
Autres Exemples :
La ville de Marne la vallée, dans le cadre du programme d’Investissements d’Avenir « Ville de demain ».
-L’opération « Paris fait Paris » : réinventer Paris pour les établissements publics.
– « smartseille », écoquartier de Marseille en cours de construction dans le 15e arrondissement et préfigurant, selon ses concepteurs, la ville de demain.
– BedZed (Beddington Zero Energy Development) : le premier et plus grand éco-quartier britannique.
-Quartier de Vauban à Fribourg (Allemagne) : maisons à énergie positive, avec panneaux solaires, toitures végétalisées, ou encore avec des techniques d’isolation et de ventilation innovantes.

Pourquoi ça n’avance pas

La transition énergétique en France n’est pas sans devoir faire face à un certain nombre de freins dans le secteur du bâtiment. La loi transition énergétique pour la croissance verte impose à l’ensemble du parc immobilier d’être rénové en fonction des normes « bâtiments basse consommation » à l’horizon 2050. Le nombre de rénovations énergétiques de logements est loin de l’objectif des 500 000 fixé pour 2017. Pourquoi ?
 
Consommation énergétique
Le Gouvernement veut s’attaquer en priorité aux bâtiments les plus énergivores. D’ici 2025, « tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique ». Or, selon la nouvelle édition des chiffres clés de l’ADEME, la consommation énergétique des bâtiments résidentiels diminue, mais s’accompagne d’une hausse des consommations des appareils électriques : Le chauffage et la climatisation sont les plus gros postes de consommation d’énergie dans l’habitat (61,3 % en 2012 – Source ADEME). La majorité de cette consommation est due aux résidences principales construites avant 1975 qui représentent 54 % du parc. « Rapportées au m2, les consommations des logements les plus anciens se situent près de 50 % au-dessus de celles des logements récents : plus de 200 kWh/m2 [kilowattheure par mètre carré] pour les logements antérieurs à 1970, 140 kWh/m2 pour les logements construits depuis 2006 », relève l’ADEME.
Précisons que la consommation baisse nettement dans le bâti le plus récent : 86 % des résidences principales neuves sont classés A ou B depuis 2013 et consomment donc moins de 91 kWh d’énergie primaire par m² par an pour le chauffage et l’eau chaude. Les autres appareils électriques représentant environ 17 % de l’énergie des logements, la plupart des logements neufs consommant moins de 105 kWh/m2.
L’importance que la rénovation des bâtiments anciens et la bonne performance des nouveaux bâtiments ne suffisent pas : il faut y associer les bons gestes pour diminuer la consommation. « Il faut à la fois de la technologie mais autant de changements de comportements » déclarait d’ailleurs Joëlle Colosio de l’ADEME.
 
Rénovation – Isolation thermique
Nous le disions, la loi votée le 17 août 2015 rend obligatoire l’Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE) en cas de ravalement de façade des bâtiments, exceptés ceux présentant des spécificités énergétiques et architecturales, comme les monuments historiques, sites classés et autres secteurs sauvegardés.
Le G8 patrimoine a alerté l’opinion lorsque le décret du 30 mai 2016 avec application au 1er janvier 2017 généralisait l’ITE à tous les bâtiments car ce texte semble oublier en effet de préciser les catégories de bâtiments concernés et ceux exemptés en fonction de la date de leur construction ou des matériaux mis en œuvre.
Pour les associations environnementales, si ce décret décrié est réécrit, son application concernera moins de la moitié des logements existants alors que les critères de protection du bâti à valeur patrimoniale existent déjà dans le texte. La loi de transition énergétique fixe un objectif global de 20 % de baisse des consommations d’énergie d’ici à 2030. 75% des bâtiments construits avant 1948 sont très énergivores, engendrant des factures d’énergie importantes pour les occupants. Dans son mémento 2014, l’Anah précise d’ailleurs que « plus du quart des résidences principales datent d’avant 1915 et près de 4 logements sur 10 ont été construits avant 1949. C’est dans cette catégorie que les besoins d’amélioration sont les plus importants, ce dont témoignent notamment les taux de vacance plus élevés. »
 
Plus globalement, il n’existe pas aujourd’hui d’offre crédible de rénovation performante à coûts maîtrisés, selon un rapport de l’Institut négaWatt : La principale difficulté de ces propositions est qu’il manque des objectifs de qualité de la rénovation ; envisager 500 000 rénovations par an d’ici 2017 implique que ces rénovations seront très partielles, et non performantes. Le risque majeur est d’aboutir à la mise en place d’une formidable « machine à tuer le gisement » d’économies d’énergie dans l’habitat, car il sera économiquement intenable de réintervenir sur les logements à moitié rénovés pour en faire des logements performants.
Par ailleurs, la méthode pose problème : l’idée principale est de stimuler la demande (guichet unique et aides), alors qu’il n’existe pas d’offre crédible de rénovation performante sur une grande partie du parc. La conséquence principale de ces aides risque d’être la hausse des prix de la rénovation.
 
Pour reprendre les mots de négaWat, la transition énergétique doit apparaître comme une opportunité économique, sociale et environnementale, un projet « gagnant-gagnant » pour les différents acteurs du bâtiment : Etat, collectivités, artisans et organisations professionnelles, maîtres d’ouvrage, industriels et fournisseurs. Dont, nous, citoyens, serions les premiers bénéficiaires : les propriétaires pourraient maîtriser leurs factures énergétiques, disposer de maisons plus confortables, et pour certains, simplement, de pouvoir se chauffer correctement. Les collectivités réduiraient ainsi leur dépendance aux énergies importées et bénéficieraient de création d’emplois locaux non délocalisables. Les marchands de matériaux et les fournisseurs de systèmes performants, ainsi que toute la chaîne des industriels qui en dépendent, se verraient également consolidés par les plans de rénovation pour une transition énergétique heureuse.
 

 

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